Que se passe-t-il dans le cerveau de nos enfants ?

En tant que parent, on tâtonne, on s'interroge, on se laisse parfois déborder. Et si, pour mieux comprendre nos enfants, il nous fallait d'abord comprendre les grandes étapes de leur développement cérébral ? On fait le point avec Erwan Deveze, auteur du livre "24h dans le cerveau de votre enfant" aux éditions Larousse.

Que se passe-t-il dans le cerveau de nos enfants ?
©  Dmitriy Shironosov

La petite qui fait une colère dans un magasin, son grand-frère qui revient alcoolisé d'une soirée avec des amis, le bébé qui jette sans discontinuer son assiette par terre. Ces scènes vous disent quelque chose ? C'est normal, vous êtes parent ! Tous ces comportements ont en réalité une raison d'être et sont le fruit de l'immaturité cérébrale des enfants. Le savoir ne les rend pas forcément plus faciles à appréhender, mais permet de les aborder différemment. "Il ne faut pas demander l'impossible au cerveau d'un enfant, mais plutôt essayer de le comprendre pour trouver une réponse adaptée", précise Erwan Devèze, conseiller en neuroscience et management, et auteur du livre "24h dans le cerveau de votre enfant", aux éditions Larousse.

Les différentes étapes du développement cérébral

Le cerveau d'un être humain continue à se développer de manière graduelle, jusqu'à l'âge de 25 ans. Le spécialiste confirme que la première difficulté vient surtout du fait que le cerveau des émotions et celui de la raison ne se développent pas de manière synchronisée. "L'un doit pondérer l'autre, mais en fonction de l'âge de l'enfant, ce n'est tout simplement parfois pas possible". Durant les premières années et jusqu'à l'âge de 3 ou 4 ans, le cerveau de la raison est immature, ce qui va fréquemment occasionner des crises, de la colère, ou encore de la tristesse. Des émotions intenses que l'enfant n'est pas en capacité de contrôler. Tout prend alors des proportions que nous, parents, trouvons irrationnelles.

Comment expliquer les caprices d'un enfant ?

Le geste d'un enfant qui va jeter 10 ou 20 fois sa cuillère ou son verre par terre peut être interprété comme un caprice ou un signe de rébellion. Pour Erwan Devèze, un tout autre mécanisme est en réalité à l'oeuvre. "L'enfant a besoin d'expérimenter. Les circuits neuronaux sont déjà en place, mais en répétant ce geste, l'enfant veut observer les conséquences. Je fais ça, il se passe ça. C'est ainsi qu'il va créer de nouveaux circuits cérébraux pour mieux comprendre son environnement", explique-t-il. L'immaturité du cortex préfrontal, responsable notamment du contrôle des pulsions et de la pondération, est encore une fois centrale. "On va la retrouver à l'adolescence lorsque les flux hormonaux vont revenir mettre le feu aux poudres", précise le spécialiste. L'adolescent va alors être sous un feu nourri d'émotions et multiplie les comportements à risque. Derrière tout cela, se cache la fameuse pression du conformisme : "l'ado va avoir besoin d'asseoir sa position sociale au sein du groupe, un peu comme dans une meute". Le cerveau émotionnel encourage le besoin de s'affirmer, mais aussi de tester ses propres limites, en découvrant le monde au-delà de son cercle habituel. Mais alors, comment réagir ? Quelle est la meilleure attitude à adopter face à des comportements que l'on ne comprend pas ? Pour Erwan Devèze, la réponse est sans appel : "il faut de la patience !"

Face à la crise : patience et amour inconditionnel 

Même avec la meilleure volonté du monde, il est parfois difficile de garder son calme face à un enfant qui pleure, tape ou crie. Si l'on a instinctivement conscience que se mettre en colère à son tour n'est pas la bonne solution, comment trouver en soi les ressources nécessaires pour agir différemment ? Accepter que l'enfant réagisse ainsi parce que, bien souvent il n'est pas capable de faire autrement, est déjà un premier pas. "Il est inutile de hausser la voix, cela ne sert à rien, bien au contraire. En suractivant le cerveau émotionnel, cette réaction va aggraver la situation", confirme Erwan Devèze. La meilleure réponse est donc celle de la patience et de la sécurisation affective, indispensable pour le bon développement cérébral. "L'amour inconditionnel est la clé. Être bienveillant, cela ne signifie pas laisser faire n'importe quoi, mais plutôt faire en sorte d'accompagner le développement cognitif et émotionnel de l'enfant en l'observant et en étant à son écoute", ajoute le spécialiste. Il évoque notamment l'exemple de la fessée, qu'il considère comme un véritable non-sens. "Sur le plan neuroscientifique, c'est une absurdité. C'est ainsi qu'il faut considérer la fessée et non sous l'angle moral du bien ou du mal. La fessée est une entrave au développement. Pour mieux comprendre et éduquer nos enfants il faut justement s'éloigner de la morale pour aller vers le savoir et la connaissance". 

Comment parler aux enfants ?

Le spécialiste recommande aussi de parler franchement aux enfants, surtout aux adolescents qui auraient des comportements à risques. "Il faut leur parler des risques associés, leur dire qu'à leur âge, l’absorption massive d'alcool  ou de certaines substances peut avoir des effets délétères sur leur cerveau". Sur le plan éducatif, plutôt que d'être en permanence dans le rapport de force, les parents doivent se focaliser sur ce qui va : "Ce n'est pas grave de jouer aux jeux vidéo tant que ce n'est pas 5 heures par jour. Tout comme il n'est pas grave qu'un enfant refuse pendant un temps de manger certains aliments. Il faut faire confiance aux enfants et le leur dire car il est important pour leur développement qu'ils sachent que leurs parents croient en eux".

Laisser aux enfants la possibilité de s'ennuyer

Erwan Devèze met également en garde contre certaines dérives éducatives : "il faut favoriser la curiosité, mais sans mettre de pression aux enfants". Un équilibre difficile à atteindre à l'ère de la sur-sollicitation et la nécessité de nourrir le cerveau des enfants en variant les activités. "Souvent, il s'agit d'une projection des parents qui essaient de rattraper quelque chose. Les enfants évoluent dans un contexte d'hypercompétitivité où on les évalue en permanence. Mais il faut aussi accepter que les enfants ne fassent rien ! Le cerveau a besoin de repos pour bien se développer". Cette culture élitiste, qui valorise les enfants pour leur intelligence, ne rend en réalité service à personne et va créer de l'angoisse chez l'enfant qui n'est pas en capacité psychique et émotionnelle de vivre cette pression : "Il faut valoriser l'enfant sur l'effort et non sur l'intelligence, dont il existe des formes très variées. Et surtout, il faut aussi laisser l'enfant se développer comme il le souhaite, et l'accepter pour ce qu'il est" conclut le spécialiste. 

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