La médecine scolaire pointée du doigt par la Cour des comptes

Souvent pointée du doigt, la médecine scolaire est de nouveau en ligne de mire. Dans le cadre de l'enquête remise à la commission des finances ce 27 mai, la Cour des comptes dénonce "des performances médiocres."

La médecine scolaire pointée du doigt par la Cour des comptes
© microgen

Dans son rapport publié le 27 mai et présenté à la commission des finances de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes alerte sur l'état de la santé scolaire en France. Dans un contexte inédit, celui d'une pandémie mondiale qui a entraîné la fermeture des écoles pendant deux mois, puis une réouverture partielle des établissements selon un protocole strict, les conclusions sont alarmantes. 

Santé scolaire : le rapport alarmant de la Cour des comptes

"Les dépistages sont encore peu organisés, le dispositif opaque, les personnels cloisonnés, les postes pas attractifs.", dénonce la députée Marie Tamarelle-Verhaeghe, médecin scolaire pendant 13 ans et présidente du groupe d'études sur la santé à l'école, dans un communiqué du 27 mai. Dans son rapport, la Cour des comptes alerte sur "les performances très médiocres" de la santé scolaire en France alors même qu'elle devrait être "un dispositif crucial dans la stratégie de santé publique ".  Il est important de rappeler que la bonne santé d'un élève, le repérage et la prise en charge des troubles sont des conditions nécessaires aux apprentissages. Pour certains écoliers, la santé scolaire représente même la seule garantie d'un suivi médical. La Cour des comptes constate également que les actions menées ces dernières années, notamment de revalorisations salariales, ont eu impact limité, déplorant une "excessive prise en compte de revendications catégorielle", sans effets concrets.

Comment améliorer la santé scolaire en France ?

Marie Tamarelle-Verhaeghe a proposé une série de mesures destinées à améliorer la situation de la santé scolaire en France. "On voulait prendre un tournant préventif dans notre politique de santé. Si on oublie la santé des enfants et des jeunes, nous faisons fausse route. La santé scolaire est en train de mourir et la conjoncture est favorable. J'attends que le ministère de l'Education nationale fasse preuve de courage et se saisisse enfin du sujet. " plaide Marie Tamarelle-Verhaeghe.

  • Elle appelle en premier lieu à une organisation en service, regroupant médecins, infirmiers, psychologues et assistantes sociales.
  • Des professionnels dont la rémunération doit impérativement être revalorisée.
  • Décloisonner la santé scolaire avec les autres instances que sont la PMI, L'ARS et l'assurance maladie.
  • Retrouver l'équilibre déontologique

Réouverture des écoles et santé de l'enfant

"La réouverture des écoles devra nécessairement se faire en concertation avec les médecins, infirmiers, assistantes sociales et psychologues de l'Education nationale", avait réclamé Marie Tamarelle-Verhaeghe, présidente du groupe d'études sur la santé à l'école, dans un communiqué du 15 avril. Si elle estime qu'une réouverture progressive des écoles le 11 mai est nécessaire pour le bien des enfants, elle souhaite qu'un accompagnement des élèves soit mis en place par des professionnels de santé, notamment pour pallier aux troubles et aux difficultés vécues pendant le confinement. Ainsi, les violences intrafamiliales, les deuils... devront être identifiés et pris en charge. Par ailleurs, un travail devra être effectué avec les familles sur le retour au rythme scolaire. Autre point que les établissements scolaires devront prendre au sérieux : l'hygiène et en particulier la place des toilettes à l'école. "Manque de papier ou de savon, mauvaises odeurs, problèmes de harcèlement, les toilettes à l'école sont souvent une zone de non droit, alors qu'elles devraient protéger l'intimité des enfants. Cette crise doit aussi être l'occasion de régler ce problème des toilettes à l'école, non résolu depuis 20 ans, en mobilisant de manière inédite les collectivités territoriales", précise Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Le rôle essentiel des médecins scolaires pour la santé des enfants

Le manque de médecins scolaires a des conséquences sur le suivi des écoliers et le dépistage de certains troubles. "Cette situation est préoccupante pour le dépistage précoce des troubles de l'apprentissage, et notamment pour les enfants issus de milieux modestes, l'école étant souvent la première porte d'accès à une médecine préventive", précisaient les députés l'an dernier. Les médecins scolaires sont donc insuffisants alors que leurs missions sont vastes (dépistage et suivi individualisé des élèves, promotion à la santé, urgences et gestion des événements traumatiques...). La Cour des comptes, l'Assemblée nationale, le Haut Conseil de la santé publique ainsi que l'Académie de médecine s'alarment donc "d'une baisse continue des effectifs qui ne permet plus au service de la médecine scolaire de remplir ses missions". De son côté, le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer avait rappelé que les visites médicales étaient indispensables pour détecter les troubles de la vision, de l'audition, ainsi que les risques d'obésité, qui touchent 3,5% des enfants, et particulièrement les populations les plus fragiles.

Une visite médicale obligatoire dès le début de la maternelle

Alors que l'école maternelle est devenue obligatoire dès 3 ans depuis 2019, le gouvernement prévoit d'instaurer une visite médicale pour tous les enfants âgés de 3 à 4 ans dès septembre 2020, afin d'établir un bilan de santé et un meilleur suivi des enfants. "Cette visite, organisée à l'école, vise à dépister les troubles du neuro-développement, les troubles du spectre autistique, mais également des troubles sensoriels, staturaux-pondéraux, psycho-affectifs et autres troubles de santé. La réalisation de cette visite à l'école permet aux professionnels de santé de comprendre le contexte scolaire de l'enfant et aux enseignants de l'adapter au mieux en cas de besoin", précise le ministère de l'Education. En théorie, un bilan de santé est réalisé à cet âge. Pour autant, seuls deux tiers des enfants de 3 à 4 ans le réalisent, et d'importantes disparités existent selon les territoires, précisait le rapport "relatif au parcours de coordination renforcée santé-accueil-éducation des enfants de 0 à 6 ans", de la députée Stéphanie Rist et Mme Barthet Derrien. Pour améliorer le taux de réalisation de ce bilan de santé à l'école, un amendement a été adopté par le gouvernement afin de mettre en place un protocole de coopération national entre les médecins et les infirmier puériculteurs des services départementaux des PMI, notamment dans le bilan de santé des petits de 3 à 4 ans.

La visite dès 6 ans, à l'école primaire

Une visite est également prévue entre 5 et 6 ans, afin de s'assurer que l'enfant puisse avoir les clés pour ces apprentissages dès l'entrée à l'école primaire. "Ce repérage pourra concerner des troubles de l'attention, de la coordination, de la vision, de la croissance, de la communication, une mauvaise association entre les signes écrits et les sons. Les professionnels de santé portent également attention à la prévention des maltraitances", précisait le ministère de l'Education en 2019. 

Les visites médicales pourtant obligatoires à l'âge de 6 ans, ne sont pas toujours assurées, et "les problèmes de santé ou les troubles de l'apprentissage ne sont pas suffisamment détectés", dénonçait le Conseil économique social et environnemental (CESE) dans un rapport présenté en 2018. En outre, "des pathologies ne sont pas prises en charge ou le sont trop tardivement", ce qui risque aussi d'accentuer les inégalités entre les élèves dans le cadre de leur scolarité. En ce qui concerne la santé sexuelle, le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes relevait en juin 2016 que 25 % des écoles déclaraient n'avoir mis en place aucune action d'éducation à la sexualité malgré l'obligation légale. Par ailleurs, le Projet d'accueil individualisé (PAI), mis en place à la demande des parents, permet d'accompagner les élèves ayant besoin de soins, tout comme le Plan d'accompagnement personnalisé (PAP), pour ceux qui présentent des difficultés scolaires liés à des troubles de l'apprentissage. Mais "ces dispositifs sont complexes et insuffisamment expliqués aux parents", précise le rapport.
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