"J'étais enceinte. Il est parti comme tous les matins et n'est jamais revenu"

En couple depuis 4 ans et déjà maman de deux enfants nés d'une première union, Virginie apprend qu'elle est enceinte. Une grossesse surprise que son compagnon n'accepte pas. C'est donc seule que la jeune femme va vivre sa grossesse et accueillir son bébé. Témoignage.

"J'étais enceinte. Il est parti comme tous les matins et n'est jamais revenu"
© Artem Oleshko

En France, le nombre de familles monoparentales ne cesse d'augmenter. 85% de ces parents célibataires sont des femmes et un tiers d'entre elles vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Des chiffres inquiétants qui lèvent le voile sur une réalité difficile et laissent entrevoir les défis que ces femmes relèvent au quotidien. Virginie est l'une d'elles. Après un premier divorce douloureux, son mari de l'époque la quitte avec deux enfants à charge, prenant le large pendant dix ans sans donner de nouvelles. Elle retrouve finalement l'amour avec un homme, lui aussi papa. A l'approche de la quarantaine, le désir d'être à nouveau maman se fait sentir, un bébé qui serait comme une passerelle, un lien entre leurs deux familles. Une envie que son compagnon ne partage pas : "Il m'a opposé un non catégorique" raconte-elle. La vie reprend son cours et deux ans plus tard, en juillet 2018, Virginie constate que ses règles ont du retard. Le test de grossesse confirme qu'elle attend un enfant. Lorsque vient le moment d'annoncer la nouvelle au papa, c'est la douche froide. La future maman n'a pas jamais oublié les mots qu'il a prononcés ce jour là. "Il s'est assis sur le canapé et m'a dit : 'Tu te débarrasses de ça". Rejetant complètement la faute sur sa compagne, lui reprochant d'avoir mal géré sa contraception, il lui demande d'avorter. Une option qu'elle se refuse à envisager. "Pour moi ce bébé était un signe, comme une dernière preuve de ma féminité. Il était hors de question d'avorter" explique-t-elle.

"Il est parti comme tous les matins, m'a embrassée, et n'est jamais revenu."

Virginie pense alors qu'il va partir quelques temps, mais n'imagine pas vivre cette grossesse seule. Pourtant, en septembre 2018, son compagnon part pour de bon. "Il est parti comme tous les matins, m'a embrassée, et n'est jamais revenu." Malgré quelques SMS échangés, c'est seule qu'elle vit l'angoisse du dépistage de la trisomie 21, seule encore qu'elle passe sa deuxième échographie... "Lors de mes différents rendez-vous, j'étais confrontée aux couples, à leur bonheur. Je sentais le regard des autres sur moi, ça a été très difficile à vivre." Si elle peut compter sur le soutien inconditionnel de sa fille, cela ne remplace pas la présence du futur papa. Ce dernier reprend finalement contact par SMS et la couvre de reproches. "Il me disait que j'avais gâché notre relation, que l'on formait déjà une famille et qu'on n'avait pas besoin de ce bébé. Mais paradoxalement, il s'inquiétait quand même." Pendant plusieurs mois, le ventre de Virginie est plat ou presque. "Mon ventre ne se voyait pas du tout. C'est comme si je faisais une sorte de déni de grossesse..." se souvient-elle.

"Je me suis sentie vraiment seule"

Dans l'entourage de Virginie, les réactions à l'annonce de sa grossesse sont pour le moins mitigées. Beaucoup ne comprennent pas son choix d'avoir un enfant toute seule à 42 ans. "On m'a traitée de folle, d'inconsciente. On m'a dit que j'allais utiliser mes aînés comme baby-sitter. Au départ, ma mère l'a également mal pris. Je me suis sentie vraiment très seule " se souvient-elle. Elle découvre alors par hasard l'association Les Cigognes qui va lui être d'une aide précieuse. Mais rencontrer d'autres femmes dans sa situation va également accroître son sentiment de révolte. "Cela m'a beaucoup aidée et en même temps attristée car j'ai découvert que nous étions très nombreuses à vivre la même situation."

Son accouchement, vécu avec le soutien de sa fille aînée

A l'approche de l'accouchement, Virginie continue d'espérer que son compagnon change d'avis et lui demande s'il veut être présent pour la naissance de leur fille. Là encore, il refuse. Elle donne naissance à son bébé le 15 avril 2019, sa fille aînée à ses côtés. A la clinique, Virginie informe rapidement les sages-femmes de sa situation personnelle et tout le monde se montre aux petits soins pour elle. "J'ai ensuite demandé à être suivie par la psychologue de la clinique car j'avais peur du baby-blues. Je ne pouvais pas me permettre de ne pas assurer !"

Lorsqu'il apprend la venue au monde de sa fille, le papa reste sans réaction. Quelques mois plus tard, elle lui annonce la date du baptême et lui envoie une photo. "Il m'a répondu qu'elle était très jolie, mais ça s'est arrêté là." Pour Virginie, regarder l'acte de naissance de sa fille est une épreuve. "Il ne l'a pas reconnue et voir cette case vide est extrêmement douloureux." Elle aimerait désormais qu'il reconnaisse l'enfant, mais les démarches sont longues. Seul le tribunal peut désormais lui ordonner de reconnaître sa fille. Si la situation venait à évoluer, Virginie est en revanche formelle, elle refuse qu'il paye une pension alimentaire. "Je ne veux pas qu'un jour ma fille soit obligée de payer pour lui."

Le regard des autres continue également à la faire souffrir. "Je sens que les gens se demandent ce que j'ai fait pour en être là, comme si j'étais coupable de quelque chose" confie-t-elle. Conséquence directe de cette situation, Virginie est complètement fusionnelle avec son bébé. "Je ne peux plus vivre sans elle, je pense que l'absence du papa empêche en quelque sorte la séparation de se faire. C'est pour ça que je suis encore suivie par une psychologue, pour mon bien et celui de mon bébé."

Gérer le quotidien de maman solo

Virginie est également confrontée à des difficultés matérielles. Avec un seul salaire, et en dépit des aides de la CAF, elle vit dans un F3 avec ses trois enfants, et n'a pu reprendre son travail de professeur qu'à temps partiel. Cette situation difficile et cette solitude la pèsent au quotidien. "J'étais seule pour affronter les difficultés de la grossesse, je suis désormais seule pour élever ma fille, pour prendre toutes les décisions." Les liens semblent aujourd'hui définitivement coupés avec son ex-compagnon et Virginie reconnaît éprouver beaucoup de ressentiment. "Pour ma fille, je voudrais qu'il soit là bien sûr... Je réfléchis aussi à la manière dont je vais lui parler de son histoire. Mais pour cela, je dois d'abord faire taire la haine qui est en moi..."