Éric Zemmour et l'école inclusive : retour sur la polémique

En critiquant l'école inclusive, Éric Zemmour a provoqué une levée de boucliers dans la classe politique et la société civile. Même s'il a ensuite précisé sa pensée, les représentants des associations de handicapés et les parents d'enfants en situation de handicap sont scandalisés.

Éric Zemmour et l'école inclusive : retour sur la polémique
© Christophe Forestier/SIPA

C'est une simple phrase lancée face à des enseignants lors d'un déplacement à Honnecourt-sur-Escaut (Nord) le 14 janvier qui a provoqué une polémique sans précédent. "Je pense que l'obsession de l'inclusion est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres enfants. Donc je pense qu'il faut des enseignants spécialisés qui s'en occupent", explique alors Éric Zemmour. Des propos qui ont immédiatement fait réagir l'ensemble de la classe politique et notamment Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée du Handicap et mère d'une jeune femme de 26 ans, trisomique et aujourd'hui parfaitement insérée dans la société. "Bien sûr que c'est compliqué, mais c'est vraiment l'honneur de la France de pouvoir scolariser ces enfants avec les autres, au milieu des autres", a expliqué sur BFM TV Sophie Cluzel qui se dit "très en colère".

De vives réactions suite aux propos d'Eric Zemmour

La polémique a aussi fait réagir au plus haut sommet de l'État. "On ne peut se prétendre amoureux de la France et nier à ce point ce que nous sommes (…) (La France) "est une nation solidaire, humaniste, qui ne divise ni ne stigmatise. Une nation qui, par-delà les sensibilités politiques, a toujours su faire des différences une richesse et une force", a expliqué selon le Parisien Emmanuel Macron à des proches. Le président de la République a fait de l'école inclusive une priorité de son quinquennat qui s'achève. Une indignation partagée par Damien Abad, président du groupe Les Républicains à l'Assemblée et lui-même concerné par le handicap. "Oui, nous devons avoir l'obsession de l'inclusion. Je demande des excuses publiques", écrit-il sur Twitter. Valérie Pécresse, Marine Le Pen, Anne Hidalgo, Jean Luc Mélenchon et Fabien Roussel se sont eux aussi insurgés, tout comme Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'Enfance et des Familles. 

Les représentants du monde associatif sont également montés au créneau. Jean-Louis Garcia, Le président national de l'Association pour adultes et jeunes handicapés, dénonce une "ségrégation" et Olivia Cattan, présidente de SOS autisme France, des propos "discriminatoires", qui montrent une "méconnaissance" d'Éric Zemmour concernant ces sujets. "L'exclusion des 12 millions de personnes handicapées en France évoquée par monsieur Zemmour (est) profondément nauséabonde", a martelé quant à lui Matthieu Annereau, président de l'Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées (APHPP) et non voyant.

Eric Zemmour tente de se rattraper

Face au tollé provoqué par sa prise de position, Éric Zemmour a tenté de faire machine arrière le 15 janvier à Villers-Cotterêts (Aisne). "Bien sûr, il y a des cas où le fait de les mettre dans un établissement ordinaire est une bonne chose car ça leur permet de progresser, de se socialiser. Et puis il y a d'autres cas, réels, plus nombreux qu'on ne le dit, où c'est une souffrance pour ces enfants (…) Ce que j'ai voulu dire, c'est que je ne veux pas que l'obsession de l'inclusion nous prive et nous conduise à négliger la nécessité d'établissements spécialisés", a expliqué le candidat à la présidence de la République. Plus tard dans la journée, il a aussi publié une vidéo sur twitter dans laquelle il affirmé que ses propos ont été détournés par des "politiciens", faisant preuve, selon lui, "de mensonges", et "d'hypocrisie".

"Ma fille est en classe avec une camarade aveugle et tout se passe très bien"

Cette polémique a aussi fait réagir des parents dont les enfants étudient aux côtés d'enfants handicapés dans leur école inclusive. "L'école de ma fille est inclusive et elle côtoie une camarade aveugle et un camarade non voyant dans sa classe. Tout se passe très bien et je pense que l'école inclusive est une chance aussi bien pour les enfants handicapés que pour nos enfants", nous explique Sarah, maman d'une petite fille de CE2 d'une école primaire parisienne. "Depuis que Sophie et Nino sont ma classe, j'ai appris plein de choses sur les aveugles et les non-voyants. Je fais toujours attention à eux et je ne fais pas trop de bruits quand je suis à côté de Sophie (qui souffre de cécité) car elle m'a dit qu'elle entendait beaucoup plus de sons que moi ", explique sa fille Marie, 8 ans.

Scolarisation des élèves en situation de handicap : comment ça se passe ?

A la rentrée scolaire 2021, 400 000 élèves en situation de handicap ont été scolarisés : ils peuvent aller seuls à l'école comme tous les autres élèves, ou être accompagnés par un AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) dans une classe de référence mais aussi être intégrés dans une classe du dispositif ULIS, avec désormais entre 10 et 12 enfants maximum. S'ils ont des besoins plus importants en termes d'accompagnement, les enfants peuvent aussi être accueillis dans une classe ordinaire, mais avec un dispositif renforcé. Les enfants autistes et les enfants présentant des troubles du neuro-développement (TND) sont pris en charge de façon plus précoce grâce aux Plateformes de coordination et d'orientation (PCO). Des dispositifs salués par Sophie Cluzel comme elle le confiait au Journal des Femmes en août 2021 même si elle reconnaît que des obstacles demeurent pour certains parents et que la route est encore longue pour faire pleinement accepter la différence. "Les enfants doivent être scolarisés dans un environnement inclusif, quels que soient leurs besoins. L'enjeu est celui de l'adaptation de cet environnement", martelait alors secrétaire d'État chargée du Handicap dont le combat est loin d'être terminé.

Quelles recommandations ?

L'Association pour la Prise en compte du Handicap dans les Politiques Publiques et Privées (APHPP) recommande, pour le prochain quinquennat : la création d'un secrétariat d'Etat dédié au sein du ministère de l'Education nationale, la formation au handicap du corps enseignant et du personnel, une meilleure accessibilité de l'ensemble du parc des bâtiments scolaires augmenter le nombre d'AESH Accompagnants d'Elèves en Situation de handicap.