Quelles sont les conséquences psychologiques de la Covid-19 chez les enfants ?

Symptômes dépressifs, repli sur soi, difficultés à se projeter, la pandémie de Covid-19 a aussi eu un impact sur les enfants. Vincent Joly, psychologue à Paris, nous explique comment cette période si particulière a affecté les plus jeunes. Des propos éclairés par une étude de Santé Publique France qui s'est intéressée à l'état émotionnel et à la détresse psychologique des jeunes.

Quelles sont les conséquences psychologiques de la Covid-19 chez les enfants ?
© Nataliia Maksymenko-123rf

{Mise à jour du 20/05/2021 à 14h15]. Cela fait maintenant un an que le premier confinement a pris fin. Quelles conséquences a-t-il eu chez les enfants de 9 à 18 ? C'est la question à laquelle a voulu répondre Santé Publique France en lançant une étude auprès de 3898 enfants et adolescents entre le 9 juin et le 14 septembre 2020. Les résultats, publiés ce jeudi, portent sur l'évaluation de leur état émotionnel et de la détresse psychologique avant et après avoir été confinés pour la première fois. Ce qui en ressort, c'est que les adolescents ont été plus touchés que les enfants plus jeunes, et que les filles étaient plus impactées que les garçons. Les facteurs associés à la détresse psychologique étaient les conditions de logement (appartement, maison sans jardin, pas d'accès à l'extérieur dans le logement, confinement en zone urbaine et logement sur-occupé sans possibilité de s'isoler), les conséquences économiques de la crise sanitaire (difficultés financières et alimentaires, diminution des revenus suite à l'épidémie ou
au confinement, période de chômage des parents, absence de connexion à Internet), mais aussi le profil des parents : famille monoparentale, niveau d'étude inférieur ou égal au baccalauréat, parents ouvriers ou employés, nés à l'étranger, absence de soutien social... Les enfants et les adolescents atteints de détresse psychologique étaient également nombreux à souffrir d'un manque d'activité, d'un sentiment d'être dépassés par le travail scolaire, à être impactés par l'augmentation du temps passé sur les écrans et notamment sur les réseaux sociaux, ou à avoir avoir un proche atteint par la Covid-19, en particulier hospitalisé.

Depuis un an, avec les confinements successifs, la fermeture des écoles, la suspension des activités ludiques et sportives, le port du masque rendu obligatoire dès six ans, les enfants ont eux aussi été touchés par les conséquences de la pandémie de Covid-19. Psychologue et psychothérapeute à Paris, Vincent Joly a constaté une hausse du nombre de ses consultations et un afflux de petits patients. Un phénomène qui s'explique à la fois par la pandémie elle-même, mais aussi par l'encombrement des centres médico-psychologiques et des structures de soins accueillant les enfants. 

Le suivi des enfants interrompu par la pandémie 

L'impact de la pandémie de Covid-19 sur les enfants revêt différents aspects. "Il y a bien sûr la Covid-19 elle même, lorsqu'une personne proche de l'enfant a été touchée par la maladie, ce qui reste rare malgré tout. Mais il y a surtout l'impact des mesures de confinement et des différentes mesures restrictives mises en place.", observe le psychologue. La désorganisation des structures d'accueil (Centres Médico Psychologiques, Centres Médico-Psycho-Pédagogiques, hôpitaux de jour etc.) mais aussi la fermeture des cabinets des psychiatres et psychologues libéraux lors du premier confinement a eu des conséquences dramatiques pour beaucoup d'enfants.

"Les structures de soins institutionnelles ont été quasiment mises à l'arrêt du jour au lendemain. Les assistantes sociales, les éducateurs, les psychologues ont dû interrompre totalement le suivi et les visites à domicile. L'organisation du système de soins est telle en France que les ARS (agences régionales de santé) ont été entièrement focalisées sur la question des approvisionnements en masques et des autres nécessités sanitaires, au détriment de tout le reste.", déplore le psychologue. Cette désorganisation institutionnelle a provoqué une rupture dans le suivi de ces enfants et adolescents. Comme nombre de ses collègues, Vincent Joly a tenté de maintenir le lien avec ses petits patients par téléphone, par mail ou en visio. "Cela n'a pas bien fonctionné et le suivi a été bien souvent été mis entre parenthèses. Ces conditions exceptionnelles rendaient difficile l'exercice de notre travail. Comment voulez vous faire une consultation en visio avec un enfant autiste de 8 ans ?", interroge-t-il. 

Au quotidien, des enfants en perte de repères

Si les enfants n'ont pas été directement touchés par le virus, avec un parent malade à la maison ou un proche atteint, ils l'ont été par l'impact de la pandémie sur leur quotidien.  "L'épidémie a désorganisé leurs repères et créé une confusion très forte dans leur vie quotidienne avec la fermeture des écoles, l'arrêt de leurs activités mais aussi la présence des parents à la maison", explique le psychologue. Cela a évidemment accru la tension sur la famille et on a vu exploser les conflits intra-familiaux. De nombreux parents ont été confrontés à la difficulté de mener de front leur activité professionnelle et l'enseignement à distance, souvent dans de petits appartements. C'est alors l'ensemble du système familial qui a eu besoin de soutien. 

L'arrêt de l'école a en revanche été diversement vécu par les enfants. "La difficulté a plutôt été pour les enfants de savoir si la continuité pédagogique allait être maintenue. Lors du premier confinement, ils espéraient qu'il ne s'agisse que d'une étape avant un retour à la vie normale," analyse Vincent Joly. Plus d'un an après le début de l'épidémie, force est de constater que la vie "normale" n'a toujours pas repris son cours. 

Et le port du masque dans tout ça ?

Collectifs de parents révoltés, professeurs sous tension, l'obligation du port du masque pour les élèves à partir de 6 ans a suscité des réactions parfois violentes lors de la rentrée scolaire. Pourtant, dans le cadre de son activité, Vincent Joly n'a reçu aucun enfant manifestant des souffrances liées au port du masque. "Les enfants s'adaptent très bien, pour eux il s'agit simplement d'une nouvelle règle et ils sont une immense majorité à trouver qu'elle est utile et importante. Ils ne le portent parfois pas très bien mais ils n'y mettent pas le sens que peuvent y mettre les adultes", note le psychologue. 

Chez les enfants, une perte d'envie plus que de l'anxiété

Si certains enfants ont manifesté une peur du virus, de la maladie, de la mort, ce n'est pas ce que le psychologue a observé en majorité. "Ce n'est pas l'anxiété qui a primé mais plutôt une lassitude, une perte d'envie, de désir, une passivité, une tendance au repli", remarque Vincent Joly. Les enfants se sont retrouvés dans l'incapacité de se projeter, sans motivation. "Sauf si l'enfant avait un trouble anxieux au départ, on a plus observé des troubles dépressifs", remarque le psychologue.

Mais alors, à quels signes faut-il être attentif ? Sur ce point, Vincent Joly est formel, les parents doivent être à l'écoute de leurs enfants mais aussi de leur propre épuisement : "En tant que parent on tient en luttant, parfois trop longtemps. Il faut savoir consulter pour soi, s'autoriser ça. Mettre le travail entre parenthèses, confier l'enfant pour reprendre sa respiration. Beaucoup de parents ont traversé cette période en apnée". Quant aux enfants, certains vont extérioriser leur mal être alors que d'autres au contraire vont se renfermer. "Un enfant qui crie, qui pleure, cela se voit. C'est moins inquiétant qu'un enfant qui va se replier sur lui-même et dont le mal être peut passer inaperçu. On sera donc particulièrement attentif à un enfant bon élève qui se désocialise ou à une préado discrète qui se met à moins manger", explique le spécialiste.

Pandémie de Covid-19 : quel impact pour les enfants à long terme ? 

La question se pose de savoir de quelle manière ce qu'ils ont vécu pendant la pandémie de Covid-19 marquera les enfants à long terme. "Cela aura certainement valeur de jalon dans la vie des adultes de demain. Mais les enfants sont résilients", observe le psychologue. Ce dernier se montre plus inquiet quant à l'impact de l'épidémie sur les grandes institutions qui s'occupent des enfants avec une école désorganisée et des structures de soins débordées. 

Merci à M. Vincent Joly, psychologue et psychothérapeute à Paris.