"Saleccia met en valeur l'existant"

C'est au cœur du maquis corse qu'Isabelle Demoustier fait aujourd'hui revivre les jardins familiaux. Le Parc de Saleccia, ouvert au public depuis 2005 après des années de travaux, propose une immersion au coeur de la flore méditerranéenne.

C'est votre père, Bruno Demoustier, qui a imaginé le parc de Saleccia. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ?

Mon père est installé sur le domaine (en tant que pépiniériste et paysagiste) depuis plus de 40 ans. Mais Saleccia avait été racheté à mes grands-parents, dans les années 1960, par une banque parisienne pour y faire un lotissement de 300 lots avec supermarché en bord de mer. Ce projet n'a heureusement pas vu le jour. La banque a ensuite permis à mon père d'y installer sa pépinière, mais de façon tacite. Il y a 15 ans, la banque, ne faisant rien de ce lieu, a décidé de vendre et a proposé à mes parents d'acheter ou de partir. Le coût étant élevé, mes parents ne pouvaient acheter. Finalement toute la famille de ma mère (corse) s'est regroupée et a acquis le terrain. Ce n'est qu'à partir de ce moment que mon père s'y est pleinement investi.

Ayant commencé à paysager ce qui est aujourd'hui le parc, ce n'est qu'en 1998 que nous avons eut l'idée de l'ouvrir au public. J'étais en thèse d'histoire de l'art mais ne souhaitais plus poursuivre dans cette voie, j'ai donc proposé à mes parents d'ouvrir le parc au public et de m'en occuper. Il a ensuite fallu 7 ans de dossiers, aménagement, etc. pour arriver à cette ouverture.

Bien que Stéphanois d'origine, mon père à été un précurseur en Corse quant à l'utilisation des végétaux du maquis (arbousier, lentisque, myrte, filaire, ciste...) dans les jardins d'ornements. Le Parc met en valeur ce thème. Pour sa structure, il a gardé les végétaux déjà présents qui l'intéressaient en tant que paysagiste : lentisques, taillés en buissons (aux souches séculaires), oléastres regreffés en olivier, et myrtes principalement. Auxquels il a ajouté d'autres essences corses, méditerranéennes ou de climat méditerranéen.

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Espace Méderranéen, Parc de Saleccia. © Parc de Saleccia

Quelles ont été les principales contraintes des jardins ?

La première contrainte ici, c'est le manque d'eau. Les pluies se situent surtout en automne. En août cela fait parfois des mois qu'on n'a pas vu de pluie. Les plantes de climat méditerranéen sont bien sûr assez résistantes à la sécheresse, mais pour qu'elles restent vraiment présentables aux visiteurs, toute une gestion de l'eau est nécessaire. Nous développons aussi de grands espaces plantés notamment d'immortelles : plante d'une extrême résistance et aussi de plus en plus demandée pour son huile essentielle aux vertus assez extraordinaires. A part ça, pas de terrassement, cela étant très mauvais pour les sols, quelques modelages légers du terrain. Globalement, le but est de mettre en valeur l'existant et pas de créer quelque chose d'artificiel. Une autre contrainte importante est la présence de nombreux sangliers, qui dévastent facilement de grandes étendues. Le Parc est donc entièrement clôturé (ce qui ne suffit pas malgré tout) et certains espaces doivent être précieusement fermés le soir venu.

Ce jardin est composé de plusieurs parties, dont l'Espace méditerranéen, la Vallée des lauriers roses... Quel est votre "coin" favori ?

C'est difficile à dire. J'aime ce site dans son entier. Je choisirais quand même le "Jardin des quatre couleurs", la dernière création de mon père, pour sa très grande sérénité, la beauté du jeu des murs de pierre et le panorama sur une partie du Parc et la mer au fond. Il y a aussi des coins moins visités qui sont assez magiques et intimes, dans la partie supérieure du Parc, non paysagère, où les oléastres et les roches de granit arrondis rappellent une présence humaine très ancienne et qui offrent là encore de très beaux panoramas sur le Parc et la mer.

Quelles sont les variétés les plus remarquables qu'on peut y admirer ?

Sur un plan esthétique : beaucoup de plantes à fleurs de l'Espace Méditerranéen, comme le pavot de Californie avec ses énormes fleurs blanches, la collection d'iris et ses teintes d'une grande finesse, la vipérine et ses hampes bleu nuit.... La collection de lauriers roses est remarquable par sa diversité, car nous avons plus de 70 variétés, dont une dizaine créées par mon père. Egalement de magnifiques lotus rosés et des nénuphars bleus au niveau des bassins, qui font une entorse au thème de la Méditerranée...

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Espace Méditerranéen, Parc de Saleccia. © Parc de Saleccia

Quelles autres activités le parc de Saleccia propose-t-il ?

En dehors de la visite, de la boutique, de la restauration et de l'aire de jeux pour enfants, le parc propose des événementiels annuels : lundi de Pâques avec chasse à l'œuf géante, les "Rendez-vous aux jardins" avec de multiples activités, spectacles et musique, la Journée festive en octobre... Egalement de nombreuses activités tout au long de la saison : ciné en plein air, contes, cours sur les sols, démonstrations de greffage ou de taille d'olivier, cours de peinture, de Chi-Cong, de sophrologie...

En 2008, nous avons aussi accueillis "La Nuit européenne de la chauve-souris".

La conception du parc va-t-elle évoluer ? Quels sont vos projets ?

Nous agrandissons chaque année le Parc par de nouveaux lieux ouverts au public : le "Jardin des quatre couleurs" en 2008 ; cette année nous ouvrons un ancien jardin en terrasses avec un potager mené en culture biologique (qui servira à alimenter le restaurant et aussi de support pédagogique pour les écoles et les particuliers). D'autre part, les parcours devraient être agrémentés de panneaux découvertes pour les plus jeunes.

En 2010, j'espère que nous pourrons commencer à mettre plus en valeur et faire découvrir  tout le coté traditionnel du site, comme les structures agricoles remontant à la préhistoire.

Nous avons de nombreux projets, certains dépassant les limites du Parc.

Notons que la contrainte majeure à la réalisation de ces projets est d'ordre financier. Le Parc n'est pas encore parvenu à un équilibre sur ce plan et nous n'avons pas, pour l'instant, la possibilité de nous relancer dans des investissements importants.