Balenciaga, LVMH ou encore H&M se mobilisent pour l'Ukraine

La Fashion week automne-hiver 2022-2023 bat son plein tandis que le 24 février, la Russie déclare la guerre à l'Ukraine. En réaction, les marques de mode prennent progressivement la parole.

Balenciaga, LVMH ou encore H&M se mobilisent pour l'Ukraine
© Instagram @balenciaga

Depuis le 11 février, la Fashion week rythme les journées des modeux. À New York, Londres, Milan et Paris, les créateurs dévoilent leurs collections automne-hiver 2022-2023. Un Fashion month qui aurait dû être marqué par le retour massif des défilés en présence d'un public. Mais le jeudi 24 février peu avant 4 heures du matin, l'armée russe a envahi l'Ukraine, provoquant un conflit inédit dans l'Europe du XXIème siècle.

Pour les créateurs, les mannequins, les stylistes, les journalistes, les influenceurs et autres professionnels du secteur, c'est l'interrogation. Comment traiter sur les réseaux sociaux et dans les médias de collections que personne (ou presque) ne peut s'offrir alors que c'est la guerre à 2 000 km ? Comment organiser des événements, des soirées, des défilés alors que 500 000 Ukrainiens ont quitté leur pays en quelques jours pour échapper aux conflits ?

Les marques prennent la parole

De vraies problématiques auxquelles certaines marques ont trouvé un moyen de répondre. C'est notamment le cas de Balenciaga. La griffe menée par le créateur géorgien Demna, réfugié de la guerre civile de 1991-1993, a décidé de faire de son compte Instagram un relais d'information sur la situation en Ukraine. Pour signifier son engagement, Balenciaga a supprimé (comme à l'approche de chacun de ses défilés) toutes les publications de son profil et a ajouté une colombe tenant un rameau d'olivier dans sa biographie. L'unique photo postée : le jaune et le bleu du drapeau ukrainien, légendé comme suit : "Nous nous engageons pour la paix et avons fait une donation au WFP [le World Food Programme, le programme alimentaire mondial de l'ONU, ndlrpour soutenir l'aide humanitaire d'urgence afin d'aider les réfugiés ukrainiens. Nous ouvrirons toutes nos plateformes dans les prochains jours pour diffuser et relayer les informations relatives à la situation en Ukraine. Suivez le lien dans notre bio pour donner dès maintenant [lien qui redirige sur le site du WFP, ndlr]".

Avec 12,7 millions d'abonnés sur Instagram, 881 200 sur Twitter et 2,1 millions de fans sur Facebook, c'est peu dire que la marque parisienne dispose d'une large audience. Encore plus lorsque l'on sait que la griffe, dont la popularité a explosé en 2021, présentera sa prochaine collection le dimanche 6 mars dans l'après-midi.

Christelle Kocher salue à la fin du show Koché © Guillaume Roujas/Koché

Et Balenciaga n'est pas le seul acteur de la mode à s'impliquer. Le groupe auquel la maison appartient aux côtés de Saint Laurent, Gucci ou encore Bottega Veneta, Kering, a déclaré faire un don "significatif" au HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés. De son côté, le dimanche 27 février à Milan, Giorgio Armani faisait défiler sa collection dans le plus grand des silences pour montrer sa solidarité avec l'Ukraine et annonçait quelques jours plus tard verser 500 000 euros, également au HCR, tout en s'engageant à offrir des vêtements indispensables pour les réfugiés via la Communauté de Sant'Egidio. Chez LVMH, ce sont 5 millions d'euros qui ont été donnés à l'ICRC, le comité international de la Croix-Rouge, tandis que Louis Vuitton indiquait signer un chèque d'un million d'euros à l'UNICEF pour aider les enfants. Chez Chanel, ce sont deux millions d'euros qui ont été versés à l'HCR et à Care. Sur les podiums, les choses bougent aussi. En plus d'une séries de silhouettes jaune et bleu aperçues sur les catwalks (Off-White, Dior, Coperni, Botter...), les designers s'expriment. Le 1er mars à Paris, le duo russo-letton Victoria/Tomas indiquait ainsi sur la note d'intention de son show trois sites Internet sur lesquels faire des dons pour le peuple ukrainien. Chez Koché, Christelle Kocher, la directrice artistique de la maison, arborait deux fleurs aux couleurs de l'Ukraine sur son chemisier au moment du salut. Isabel Marant, le 3 mars, remerciait les spectateurs de leur venue à son défilé vêtue d'un pull jaune et bleu. La marque hongroise Nanushka a quant à elle décidé de s'associer à l'Ordre de Malte pour fournir de la nourriture, des vêtements et des moyens de transport aux réfugiés ukrainiens qui rejoignent Budapest. En plus, la griffe, qui appartient au groupe Vanguards, s'engage à soutenir les professionnels de la mode ukrainiens - et ils sont nombreux, qu'ils soient stylistes, créateurs, mannequins ou journalistes -. Olivier Rousteing, Simon Porte Jacquemus, Alessandro Michele... Tous ces créateurs ont également utilisé leurs comptes Instagram pour diffuser des messages de paix et inciter leurs abonnés à faire des dons pour l'Ukraine.

D'autres marques ont carrément décider de stopper leurs ventes en Russie. C'est le cas de Hermès, qui a déclaré fermer tous ses magasins russes le 4 mars, H&M, Nike, Asos, Mango, Chanel ou encore les maisons des groupes LVMH et Kering.

Mannequins, influenceurs et institutions s'expriment aussi

Sur les podiums, les mannequins aussi se mobilisent. La top argentine Mica Argañaraz publiait le 27 février en story Instagram : "Je dois dire que c'est très étrange de participer à des défilés en sachant que la guerre a lieu en ce moment sur le même continent. Je donnerai une partie de mes cachets perçus pendant cette Fashion week pour aider des associations ukrainiennes. À tous mes amis, collègues et à tous ceux qui sont confrontés à ce sentiment, peut-être que c'est quelque chose que nous pourrions tous faire". Une initiative relayée par Bella Hadid et Kaia Gerber notamment. 

Les institutions se sont aussi exprimées, à l'image de la fédération de la haute couture et de la mode menée par Ralph Toledano. Dans un communiqué de presse envoyé aux rédactions, il déclarait le 28 février : "La grande famille de la mode se retrouve pour la Paris Fashion week au moment où la guerre s'est brutalement abattue en Europe et plonge le peuple ukrainien dans l'effroi et la douleur. La création repose sur le principe de liberté, quelles que soient les circonstances. Et le rôle de la mode est de contribuer à l'émancipation individuelle et collective dans nos sociétés. La fédération de la haute couture et de la mode vous invite donc à vivre les défilés des jours à venir avec la gravité qui s'impose en ces heures sombres".

Une gravité que l'on retrouve tout particulièrement sur le compte Instagram de l'influenceuse Doina Ciobanu. Très impliquée dans la défense de l'environnement, cette jeune femme moldave a dès le début de la guerre en Ukraine décidé de faire de son réseau social une mine d'informations pour les personnes concernées par le conflit. Avec l'aide de sa communauté (946 000 abonnés sur Instagram), elle a créé une carte présentant toutes les frontières par lesquelles les Ukrainiens peuvent fuir leur pays.

Elle a aussi mis en place un site Internet recensant toutes sortes de renseignements précieux pour les réfugiés et les personnes souhaitant les aider. À l'inverse, depuis le début du conflit, pas un post concernant la mode sur son feed. Un engagement total que tous les influenceurs ne peuvent pas forcément se permettre de suivre. Depuis le 24 février, ils sont nombreux, à l'image de Monica de la Villardière à faire part des sentiments contradictoires qui les traversent. Comment publier une story sur l'Ukraine suivie d'une photo en front row d'un défilé ? "Beaucoup d'entre nous au sein de l'industrie de la mode se disent que c'est plutôt difficile de poster à propos de mode là tout de suite - et pourtant, je vais devoir le faire plus tard aujourd'hui, puisque nous devons tous continuer à faire notre travail", explique-t-elle sous une photo illustrant un long cortège de voitures quittant Kyiv.

Mais finalement, celle qui résume le mieux le sentiment partagé dans le secteur est peut-être la journaliste et autrice Sophie Fontanel avec sous un carré noir posté le 24 février 2022, alors qu'elle assistait à des shows dans la capitale italienne de la mode, ces quelques mots : "Absurdité de voir de belles choses à Milan quand la décision d'un homme fait trembler le sol".