Parents tondeuses : qui sont-ils ?

On les appelle les parents "tondeuses", "hélicoptères" ou encore "tigres", mais que signifient ces types de parentalité ? Sont-ils bénéfiques pour l'enfant ou à bannir ? Eclairage avec la thérapeute Anne-Laure Buffet.

Parents tondeuses : qui sont-ils ?
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Il n'y a pas de mode d'emploi lorsque l'on devient parents, mais beaucoup d'injonctions à devenir des parents parfaits. Sauf que nous n'avons pas tous la même définition de ce que signifie être un bon parent : prendre soin de lui, le protéger, faire de lui le meilleur ? Ces dernières années, certains modèles parentaux spécifiques ont émergés : on les surnomme les parents tigres, hélicoptères ou encore tondeuses. On fait le point avec Anne-Laure Buffet, thérapeute et auteure de plusieurs ouvrages dont "Ces séparations qui nous font grandir" (Ed. Eyrolles).

Qui sont ces parents tondeuses ou parents chasse-neige ?

Le parent tondeuse, qu'on peut également appeler le parent chasse-neige, prépare le terrain de sorte à ce qu'il soit le plus aplani possible. "Ce sont des parents très protecteurs, qui aspirent à supprimer tout ce qui pourrait constituer un éventuel danger pour leur.s progéniture.s", précise Anne-Laure Buffet. Pour baliser le terrain, le parent tondeuse va aussi vérifier les fréquentations de l'enfant, quel que soit son âge, jusqu'à se montrer intrusif et gênant envers notre enfant. "Il y a des parents qui arrivent à la crèche avec des consignes extrêmes comme demander à ce que le sol soit nettoyé 18 fois par jour ou que l'on donne à manger à leur bébé avec telle cuillère", décrit-elle. 

Quelles conséquences pour les enfants ?

Les enfants de ces parents chasse-neiges sont parfois surnommés les "flocons de neige", car ils les considèrent si fragiles qu'il faut pouvoir les cueillir délicatement tels des flocons. On les traite avec beaucoup d'attention, de douceur, de tendresse et d'émerveillement. "Ca part d'un bon sentiment, mais le risque est d'en faire des tyrans", prévient-elle.

Autres conséquences pour l'enfant selon la thérapeute : il s'approprie un environnement faussé et ne va pas savoir se canaliser lui-même lorsqu'il devra faire face à un danger. On bride aussi son autonomie et son exploration créative à aller découvrir ce qui l'entoure : grimper sur le canapé, toucher tel objet. Tout est tellement sécure qu'il n'y a plus rien à découvrir.

Ce sont aussi des parents qui ne supportent pas que leur enfant revienne de l'école avec la moindre égratignure ou mauvaise note. Quitte à aller régler ça eux-mêmes avec ses copains ou sa maîtresse. Résultat, l'enfant risque d'avoir peur de tout, à avoir tendance à rester en retrait, à ne pas savoir régler ses conflits. Certains, au contraire, vont agir comme des têtes brûlées, inconscients du danger. "Etre un parent tondeuse, c'est rassurant, on a la conviction d'être de "bons parents" en le mettant sans cesse en sécurité", analyse Anne-Laure Buffet. 

Pourquoi les parents deviennent-ils trop protecteurs ?

Selon elle, agir ainsi est généralement révélateur d'une angoisse parentale (anxiété, traumatisme, difficultés durant la grossesse, décès, maladie de l'enfant les premières années, etc.). "Il y a aussi un modèle sociétal, une culpabilisation hyper importante portée sur les parents que l'on a tendance à ceindre en deux camps : les bons et les mauvais parents et les bons parents". Ces derniers pratiquent l'éducation positive à outrance, sont hyper présents, disponibles, quitte parfois à en faire trop. 

Parents tondeuses et parents hélicoptères, quelles différences ?

Si le parent tondeuse prend les devants, agit en amont, ratisse la pelouse pour lisser le chemin de son enfant, le parent hélicoptère, lui, est un peu comme le pompier, le SAMU, qui surgit au moindre problème. En effet, "il est toujours présent, en survol, à surveiller qu'il ne se passe pas quelque chose et auquel cas, débarquer illico pour venir le régler à sa place", note la thérapeute. Il s'extirpe de son lit et prend son bébé dans les bras aux moindres pleurs nocturnes, à la première dispute ou dès qu'il se cogne ou tombe, même si ce n'est à priori pas grave. Le parent hélico est là, prêt à intervenir, à consoler et à trouver des solutions. Si son intention est bonne, en empêchant son enfant d'être confronté à la moindre difficulté, frustration ou violence, il l'empêche de connaitre ces états. Résultat, "en devenant adulte, il sera probablement incapable de s'insérer dans la vie, de gérer les conflits, sans une intervention extérieure prompte à le mettre à l'abri ou à le défendre", prévient-elle. A l'inverse, il peut aussi se montrer très agressif, tyrannique, colérique puisqu'il ne supportera pas la frustration, le refus ou l'opposition.

Ce qui caractérise également les enfants de parents hélicoptères, c'est leur manque de confiance en eux. En effet, "s'ils ont vu leurs parents tout gérer pour eux, ça donne le sentiment qu'ils ne sont pas aptes à le faire eux-mêmes", décrypte Anne-Laure Buffet. Enfin, plus tard, ils risquent de tomber dans une forme de dépendance affective à l'autre, pensant que l'amour signifie être protégés, ce qui fausse le rapport affectif. 

C'est quoi un parent tigre ?

Les parents tigres, parfois aussi surnommés les "parents dragons" misent sur la réussite de leur progéniture. Ils se lancent ainsi dans une course à l'excellence et, pour y parvenir, n'hésitent pas à user de sévérité et à se montrer très (voire trop) exigeants. Cela passe par un cadre strict où la discipline est maître, mais aussi par la multiplication d'activités culturelles susceptibles d'instruire davantage leur progéniture : visites au musée, séjours linguistiques, en sus de leurs activités extra-scolaires. Les conséquences pour l'enfant sont tout aussi néfastes : anxiété, sentiment de pression perpétuelle, manque d'épanouissement et d'activités "plaisir". Le risque, aussi, est que l'enfant ne soit pas à la hauteur des exigences parentales et perde confiance en lui. Bien que sa parentalité soit toxique, le parent tigre aspire, lui-aussi, au meilleur pour son enfant, soit en reproduisant le schéma qu'il a reçu, soit en adoptant ce comportement, certain que c'est ce qui lui faut. 

Parents tigres, tondeuses, hélicoptères : comment sortir de ce schéma ?

Si l'on s'identifie dans l'un de ces comportements parentaux, la thérapeute conseille de commencer par aller consulter. L'idée est d'essayer de comprendre pourquoi on a autant besoin d'être présent auprès de son enfant, peur qu'il souffre ou envie qu'il excelle. Ensuite, on lui laisse davantage d'autonomie et on ne montre moins omniprésents. Il a le droit de se cogner, de se disputer avec un copain, d'avoir une mauvaise note. "Il est important d'accepter de le voir parfois frustré, triste ou en colère et qu'on est impuissants. Notre rôle n'est pas de résoudre tout à sa place, mais de l'aider à grandir en le laissant aussi s'épanouir", rappelle Anne-Laure Buffet.

Elle nuance d'ailleurs cette tendance à la stigmatisation parentale : on peut tous être à certains moments des parents tigres, tondeuses ou hélicos, sans forcément l'être de manière figée. Par exemple, les premiers mois de la vie de notre enfant, on aura tendance à tout baliser et à faire attention à ce qu'il ne se fasse pas mal, car il est fragile et dépendant. Ensuite, on sera un peu parents hélicoptères, c'est-à-dire qu'on va le laisser faire ses expériences, tout en restant à côté pour pouvoir intervenir au cas où il se ferait mal. Enfin, plus il va grandir, plus on deviendra parents tigres. Autrement dit, on va lui imposer un cadre sécurisant, aimant, mais avec des règles pour le guider vers sa propre réussite. "Tout est question de dosage et de durée", conclut la thérapeute. 

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