Ecriture inclusive : qu'est-ce que c'est, pronom "iel"

Sur Twitter, Jean-Michel Blanquer a dénoncé l'initiative du Petit Robert, qui intègre le pronom "iel" dans son dictionnaire. "L'écriture inclusive n'est pas l'avenir de la langue française", a rappelé le ministre de l'Éducation.

Ecriture inclusive : qu'est-ce que c'est, pronom "iel"
© SYSPEO/SIPA

Le pronom "iel" fait son entrée dans le Petit Robert

[Mise à jour du 17 novembre à 12h25]. Le dictionnaire a choisi de définir le pronom "iel" ou "iels" ou "ielle", "ielles" comme "un pronom personnel, sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre". Le Petit Robert précise par ailleurs "l'usage du pronom iel dans la communication inclusive".

Mais l'arrivée de "iel" dans le dictionnaire n'est pas du goût de tous. A commencer par le député LREM de l'Indre François Jolivet qui estime que "les auteurs sont des militants d'une cause qui n'a rien de Français : le wokisme". Sur Twitter, le ministre de l'Education nationale a lui aussi réagi en rappelant que "l'écriture inclusive n'est pas l'avenir de la langue française". Jean-Michel Blanquer ajoute que "les élèves sont justement en train de consolider leurs savoirs fondamentaux et ne sauraient avoir cela pour référence". 

L'écriture inclusive interdite à l'école

D'autant que l'écriture inclusive est proscrite dans les écoles depuis une circulaire publiée ce 6 mai et adressée aux recteurs d'académie, aux directeurs de l'administration centrale et aux personnels du ministère de l'Education nationale.  "Elle constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l'écrit (...) L'impossibilité de transcrire à l'oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture à voix haute comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages, notamment des plus jeunes", précise la circulaire. Elle indique également que l'écriture inclusive peut empêcher les enfants souffrant de certains "handicaps ou troubles des apprentissages" de s'exprimer en français. Dans ce document, le ministre de l'Education nationale encourage néanmoins la féminisation des métiers et des fonctions. "Le choix des exemples ou des énoncés en situation d'enseignement doit respecter l'égalité entre les filles et les garçons, tant par la féminisation des termes que par la lutte contre les représentations stéréotypées", explique Jean-Michel Blanquer qui encourage les membres de l'Education nationale à participer à "la promotion et à la garantie de l'égalité entre les filles et les garçons". Un débat animé autour de cette question a aussi eu lieu au Sénat ce 6 mai même s'il n'a pas donné suite à un vote. Nathalie Elimas, la secrétaire d'Etat chargée de l'Education prioritaire, a confirmé la publication de la circulaire " proscrivant l'usage de l'écriture inclusive dans les enseignements". Dans leur majorité, les sénateurs ont exprimé leur opposition à cette forme de graphie.

La langue française, premier trésor français

Ce 2 mai, Jean-Michel Blanquer s'était exprimé contre l'écriture inclusive, et pour préserver la langue française telle qu'elle est. "Notre langue est le premier trésor français, celui qui nous relie tous et fait notre puissance mondiale" avait-il déclaré dans un entretien au Journal du Dimanche. Le ministre de l'Education nationale avait rappelé que la langue française "ne doit pas être triturée ou abîmée". Il estimait également que "mettre des points au milieu des mots est un barrage à la transmission de notre langue pour tous, par exemple pour les élèves dyslexiques", tout en soulignant le progrès de la féminisation des métiers et fonctions professionnelles. Pour lui, il était hors de question d'enseigner l'écriture inclusive à l'école. Il avait notamment rappelé la circulaire d'Edouard Philippe datant de 2017, qui interdisait l'écriture inclusive dans les usages administratifs. "Nous allons clarifier le fait que c'est vrai aussi dans nos usages pédagogiques", ajoutait le ministre de l'Education.

Qu'est-ce que l'écriture inclusive ?

Selon la définition de l'agence de communication Mots-Clés, qui a aussi édité en 2016 le premier manuel sur le sujet, l'écriture inclusive est un "ensemble d'attentions graphiques et syntaxiques permettant d'assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes." Son objectif est d'abolir la règle grammaticale selon laquelle "le masculin l'emporte sur le féminin", évitant ainsi de discriminer les individus dans la langue, en fonction de leur genre. L'écriture inclusive se propose ainsi de combattre les stéréotypes sexistes et de mettre un terme à la hiérarchisation entre les femmes et les hommes.

Quelles sont les règles de l'écriture inclusive ?

L'écriture inclusive est basée sur plusieurs règles :

  • Accorder en genre les noms de fonctions, grades, métiers et titres. Ex : professeure, présidente, écrivaine, agente etc. 
  • User du féminin et du masculin, que ce soit par l'énumération par ordre alphabétique ("Tous et toutes" mais "celles et ceux"), l'usage d'un point médiant, ou le recours aux termes épicènes ou neutres (pronom ou d'un adjectif qui ne varient pas selon le genre comme artiste, cadre, membre). Ex : ce·tte, celui·elle, Il·elle, nombreux·ses, acteur·rice·s, ingénieur·e·s, "Ils·elles sont parti·e·s en voyage" des élèves appliqué·e·s. 
  • Cesser d'employer les antonomases du nom commun "Femme" et "Homme".  "La graphie " Homme " est problématique, car "  Homme " est souvent utilisé comme un masculin générique, par exemple dans l'expression 'Droits de l'Homme'", précise le manuel d'écriture inclusive. 

L'écriture inclusive est-elle obligatoire et que dit la loi ? 

L'emploi de l'écriture inclusive n'est pas obligatoire, ni à l'école avant le 6 mai, ni ailleurs. En 2015, le Haut Conseil à l'Egalité a édité un "Guide Pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe". Parmi ses 10 recommandations, le HCE proposait notamment "d'user du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et toutes", "d'utiliser l'ordre alphabétique lors d'une énumération", "d'accorder les noms de métiers, titres, grades et fonctions." De nombreux ministères, des institutions, des collectivités mais également des universités se sont engagés à appliquer ces recommandations. Dans une circulaire diffusée le 21 novembre 2017 sur "les règles de féminisation", l'ancien premier ministre  Édouard Philippe avait toutefois "invité" ses ministres, "en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel, à ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive"

Écriture inclusive à l'école : l'inquiétude des parents d'enfants dyslexiques

Parmi les parents d'élèves, les avis divergent. Si certains sont radicalement opposés à l'enseignement de l'écriture inclusive à l'école, d'autres sont plus mesurés. En revanche, les parents d'enfants dyslexiques ont exprimé leur inquiétude, estimant que l'écriture inclusive pouvait semer le trouble. Sans y être en aucune façon opposée, la Fédération Française des Dys a publié en septembre 2020 une série de préconisations afin que soient pris en compte les besoin des enfants "dys" dans le cadre de l'enseignement de l'écriture inclusive. L'association explique notamment que "pour les lecteurs débutants, qui n'ont pas automatisé la reconnaissance des mots, et pour lesquels le décodage explicite de chaque syllabe demande un effort considérable d'attention, la perturbation des repères orthographiques, avec l'insertion de ponctuation, va représenter une difficulté supplémentaire." La Fédération Française des Dys recommande donc, dans un premier temps, de se limiter aux deux premières règles de l'écritures inclusive, mais aussi de "veiller à ne pas exposer les jeunes lecteurs à une écriture inclusive tant qu'ils n'ont pas automatisé la lecture".

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