Pornographie chez les jeunes : âge, comment les protéger ?

Un système de vérification d'âge à l'entrée des sites pornographiques pour les mineurs est à l'étude au gouvernement. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du Numérique, a fait savoir qu'une première expérimentation sera lancée en mars. De quoi s'agit-il ? À quel âge les enfants sont-ils exposés à ces contenus ? Quelles sont les conséquences ? On fait le point.

Pornographie chez les jeunes : âge, comment les protéger ?
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Le projet du gouvernement sur le dispositif pour bloquer l'accès aux sites pornographiques aux mineurs avance. Le 5 février 2023, le ministre délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot a annoncé la mise en place prochaine en France d'un système global de certification de l'âge sur ces sites. Ce 14 février devant l'Assemblée, le ministre a de nouveau pris la parole sur ce sujet et a expliqué qu'un premier test sera réalisé "à partir de la fin du mois de mars par un collectif d'entreprises". "Nous travaillons à faire émerger une solution de vérification d'âge qui respecte un principe de double anonymat", a-t-il détaillé. Sur ce projet, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) doivent rendre leur avis. Mais déjà le ministre fait savoir que "c'est le système le plus robuste, non seulement pour résoudre une bonne fois pour toutes la question de la vérification d'âge sur les sites pornographiques, mais éventuellement à l'avenir pour effectuer d'autres vérifications d'âge sur d'autres services dont nous voulons protéger nos enfants." L'outil final devrait être mis en place en septembre 2023. Les détails de cette "attestation numérique" doivent encore être précisés. À l'heure actuelle, l'accès aux sites pornographiques se fait facilement : en cochant simplement une case affirmant que l'on est majeur, ou en entrant une fausse date de naissance. Depuis plusieurs années, le gouvernement se penche sur cette problématique, d'autant que l'exposition à la pornographie se fait de plus en plus jeune et que les enfants sont pour la plupart équipés d'outils numériques. 

Exposition à la pornographie : à quel âge ?

Alors que les enfants sont de plus en plus connectés et possèdent leur propre smartphone, il est parfois difficile pour les parents de contrôler le contenu qu'ils consultent sur le net. Dès l'âge de 12 ans, près d'un enfant sur trois a déjà été exposé à la pornographie. La première exposition à la pornographie arrive parfois même avant 12 ans, et elle est très souvent involontaire : un jeune sur deux affirme être tombé dessus par hasard, et plus de la moitié estime avoir vu ses premières images pornographiques trop jeune. Pour autant, peu de parents en sont conscients : seulement 7% d'entre eux estiment que leurs enfants regardent de la pornographie au moins une fois par semaine.

Quelles conséquences le porno a-t-il sur les jeunes ?

Dans un communiqué du 8 février 2021, le gouvernement précise qu'une exposition prématurée aux contenus pornographiques a des conséquences sur le développement psychologique des enfants : choc ou traumatisme, notamment lorsqu'il s'agit d'une exposition involontaire. Aussi, près d'un quart des jeunes déclarent que la pornographie a eu un impact négatif sur leur sexualité en leur donnant des complexes et 44% des jeunes ayant des rapports sexuels déclarent reproduire des pratiques qu'ils ont vues dans des vidéos pornographiques.

"Un traumatisme sexuel"

"Il n'est plus rare de recevoir en consultation des parents qui s'inquiètent que leur enfant ait été choqué après être tombé sur du porno", précise le Pr Israël Nisand. poursuit-il. Et d'ajouter "les enfants, d'autant plus lorsqu'ils sont jeunes, n'ont pas l'appareil critique pour prendre du recul sur ces images qui sont le fruit de la réalité".Voir des images pornographiques aussi jeune constitue un traumatisme sexuel", regrette le Pr Israël Nisand. Le psychiatre Serge Hefez parle même de "viol psychique" pour les plus fragiles d'entre eux : "alors qu'ils ne connaissent encore rien sur la sexualité, ils regardent des images sans filtres".

Leur sexualité impactée par le porno

Si certains jeunes arrivent en consultation horrifiés par ce qu'ils viennent de voir, d'autres en sont devenus addicts parce que ces images viennent titiller des questions complexes sur leur corps, leur intimité, leur désir... Et ils y reviennent, pour beaucoup, avec plus de dégoût que d'excitation et de plaisir. Enfin, l'effervescence des smartphones, des différentes applis et des nouvelles pratiques connectées (sexting, live show sexuel, sextape, revenge porn, after sex selfies...), a fait naître "une nouvelle génération d'utilisateurs : à côté de l'usage passif de la pornographie, tous les mineurs peuvent en être désormais des "acteurs", évoque Marie-Hélène Colson, sexologue à Marseille. En effet, les jeunes peuvent facilement s'identifier aux acteurs et actrices. Et ainsi, les pratiques sexuelles et amoureuses de ces jeunes en sont impactées.

Les rapports de domination 

"Certains contenus sont fondés sur des rapports de domination", ce qui représente un obstacle à l'égalité entre les femmes et les hommes : la majorité des contenus pornographiques aujourd'hui tend en effet à valoriser la domination masculine et des scènes de violences à l'égard des femmes. Des images qui influencent les plus jeunes.

Les jeunes complexés

A force de consommer du porno, le jeune entre dans une "anxiété de la performance : les jeunes hommes se sentent angoissés de la taille de leur sexe, de la quantité de sperme ou du nombre d'orgasmes qu'ils peuvent donner à leur partenaires. Ces chiffres sont bien entendus jugés "trop faibles" par rapport à ce qu'ils peuvent voir dans les vidéos pornos", explique le Dr Marie-Hélène Colson. "Et en se comparant à ce qui n'est pourtant pas comparable, ils vont même jusqu'à modéliser des troubles de l'érection et des angoisses inventés de toute pièce". Les jeunes filles, quant à elles, trouvent leur sexe "moche", et font de plus en plus de demandes de génitoplastie (clitoroplastie, vaginoplastie, labiaplastie...), d'opérations de la vulve, d'épilation intégrale…

Une sexualité dénuée de sentiments

Tout ce qu'elles peuvent voir dans les films pornographiques. "Comme il laisse aucune place à l'imaginaire et à l'érotisme, le porno incarne la mise en forme d'une sexualité décentrée des rapports amoureux et de l'affection" : la sexualité des ados va ainsi se construire sans sentiments, sans séduction ou jeux amoureux. Mais elle va aussi se fonder sur "la banalisation de nouvelles pratiques, qui deviennent alors les pré-requis de la sexualité (sodomie, fellation, éjaculation faciale… autrefois considérées comme des pratiques marginales)", évoque-t-elle. Le Dr Ghada Hatem, gynécologue et fondatrice de la Maison des Femmes, s'inquiète pour sa part du nombre croissant de "viols de mineurs sur mineurs", de consultations pour des déchirures vaginales ou pour des grossesses précoces et non désirées. "Comme la pornographie impose des modèles et des stéréotypes, les filles ont tendance à se laisser faire parce que le garçon légitime ses actes en disant qu'il a vu faire sur Internet, et les filles ont peur d'être rejetées si elles ne se soumettent pas", déplore-t-elle.

Jeprotegemonenfant.gouv.fr : un site pour lutter contre l'exposition des jeunes à la pornographie

Le site jeprotegemonenfant.gouv.fr  informe, conseille et accompagne les parents sur la mise en place du contrôle parental. "Je suis persuadé que le contrôle parental est un des outils qui permettra aux parents de mieux protéger leurs enfants", nous avait confié Adrien Taquet en 2021 lors du lancement du site. Ce site, conçu pour les parents, leur explique comment mettre en place des outils de contrôles parentaux adaptés selon leurs besoins, leurs équipements, l'usage et l'âge des enfants. Il propose également des contenus d'éducation à la sexualité pour libérer la parole entre parents et enfants. De manière globale, les parents ont un rôle à jouer en sensibilisant leurs enfants "à tous types de violences auxquels ils peuvent être confrontés", précise Adrien Taquet. 

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