L'audace intellectuelle des enfants doués

On le répète inlassablement : l'audace intellectuelle constitue une des caractéristiques les plus spécifiques des personnes douées. Elle est tout aussi inlassablement considérée avec étonnement par l'entourage.

L'audace intellectuelle des enfants doués
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Le recours à la fiction peut servir de support au cheminement de l'esprit, quand il déroule un fil ténu, mais suffisamment solide pour rester ferme durant la formation hasardeuse d'idées originales, émergeant dans la conscience, en écho à la sagesse propre aux enfants doués qui élaborent lentement, de façon construite et maîtrisée, des idées surprenantes chez des enfants si jeunes.  C'est peut-être pour cette raison qu'ils avancent comme à tâtons sur des chemins peu explorés, et certainement pas par des enfants de leur âge. C'est cette audace intellectuelle qui doit être reconnue comme telle, encouragée et soutenue. Elle est plus discrète dans son expression que les extravagances désordonnées qui accablent leur éventuel auditeur. Elle vient de très loin, formée d'idées propres jaillies à la suite d'une réflexion personnelle profonde, parce que l'enfant doué ne cesse de se poser des questions. Il ne les énonce pas toujours à voix haute, d'autant plus qu'il a bien compris qu'il embarrassait parfois ses parents, mais il ne peut pas s'empêcher de réfléchir, cette démarche constitue le propre de sa nature.

Certes, il aimerait acquérir assez de connaissances pour comprendre en profondeur les événements, même inattendus, qui surviennent dans son entourage proche ou plus lointain. Il lui faudra du temps pour accepter de s'en tenir à un savoir réduit, forcément incomplet, parcellaire, ne lui procurant qu'un aperçu étriqué, insuffisant, incapable de combler ses aspirationsS'il paraît s'en contenter, puisqu'il n'a pas le choix et qu'il ne va pas lasser son entourage par des questions sans réponses connues à ce jour, l'enfant doué ne va pas s'interdire, pour autant, de vagabonder en esprit en poussant ses explorations intellectuelles au plus loin, aux confins du fantastique parfois, puisqu'il s'agit d'élaborations qui, par nature, n'ont aucunes limites à respecter. C'est alors qu'apparaît cette audace intellectuelle propre aux personnes douées, et qu'il ne faut pas brider, ni dévaloriser, ni dénigrer, ni considérer comme aussi  négligeable qu'un caprice d'enfant qui s'ennuie.

Ces enfants, qui trépignent d'impatience face à la pauvreté parcimonieuse des savoirs qu'on leur permet de découvrir, rêvent de lancer au plus loin ces fameux fils qui les guideront ensuite vers des territoires encore inexplorés, mais accessibles à la pensée humaine si elle se fie à son imagination. Une audace aussi précieuse doit être épaulée en se gardant bien de la confondre avec les fruits éphémères d'une imagination débridée et chaotique : au contraire, l'enfant doué approfondit une réflexion inusitée et la nourrit d'idées originales. On est très loin des fantaisies folles dictées par l'absurde et qu'il ne faut pas trop admirer : ce sont des bulles vite éclatées et qui ne laissent aucune trace.

Quand l'enfant progresse pas à pas, guidé par sa raison, sa logique, son intense curiosité intellectuelle et surtout par sa prodigieuse faculté pour capter les phrases énoncées autour de lui, les commentaires d'un événement et la portée de ces événements eux-mêmes, il peut aborder des rivages peu connus. Il ne s'est pas encombré d'idées toutes faites, il ne sait pas encore se tenir dans les limites des idées correctes, il pense que la pensée réfléchie et rigoureuse alliée à l'imagination peut explorer tous les domaines.
Ceux qu'on considère comme des aventuriers, parce qu'ils n'hésitent pas à aller au-delà de leurs limites quand ils abordent des sommets vertigineux en se passant d'oxygène, ou bien quand ils entreprennent un périple extravagant avec un moyen de transport bien fragile et aléatoire pour une telle distance, ont minutieusement préparé leur entreprise qu'on qualifierait volontiers de démente. Ils ont tout prévu, ils ne se fient pas du tout au hasard et ils se sont entraînés comme des athlètes de haut niveau.

Cette audace qu'on admire est intellectuelle avant d'être physique, elle a permis de concevoir cette entreprise et d'envisager tous les aléas qu'il faudra peut-être affronter. Ces aventuriers de l'extrême sont forcément doués : ils possèdent la force mentale des personnes douées, et ils savent prévoir les embûches qu'il leur faudra surmonter. Il n'est pas sûr que leurs parents se félicitent d'avoir favorisé cette audace qui les fait trembler pour la vie de leur enfant, mais peut-être auraient-ils aimé concrétiser, eux aussi, les rêves de leur enfance et se réjouissent-ils de voir que ce courant ne s'est pas éteint ni perdu. Leur frayeur réelle, justifiée, constante se mêle à la satisfaction d'avoir permis à leur enfant de réaliser ce qui pouvait être considéré comme un désir enfantin de pouvoirs magiques. On pourrait imaginer que le plus important est le courage physique puisque ces audacieux jouent leur vie et sont à la merci d'un incident, imprévisible en dépit de la minutieuse préparation. En réalité, tout dépend de la force de caractère qui les anime.

L'audace intellectuelle ouvre la voie aux comportements les plus inattendus : on ne pense pas spontanément que le goût du défi poussé à l'extrême va inciter les personnes douées à entreprendre des actions insensées : ce n'est pas pour la gloire, qui vient parfois par surcroît, ni pour l'argent, excepté s'il est ensuite consacré à une cause noble ou généreuse, mais parce qu'elles n'auraient pas pu agir différemment. L'élan qui les pousse est trop violent, elles se trahiraient elles-mêmes d'une façon inconcevable pour elles si elles abandonnaient au premier obstacle ou bien en suivant les conseils de prudence dispensés par un environnement attentif et timoré.
Ce ne sont pas les enfants casse-cou qui se mettent constamment en danger qui deviendront des aventuriers réfléchis et maîtrisés, mais ceux qui ont su inventer des récits  bien construits et haletants : s'ils ne deviennent pas romanciers, ils  vivent dans la réalité les fruits de leur imagination, mais souvent, ils alternent les deux activités pour le plus grand bonheur de leurs admirateurs, qui ont vécu par procuration des aventures insensées et qui savourent une lecture nourrie de toutes ces expériences.

Conseils : ne pas s'effrayer de voir son enfant s'engager si tôt dans des chemins rarement empruntés par ses camarades.  Lui assurer qu'on sera à ses côtés s'il entreprend une action inusitée, mais lui rappeler l'importance essentielle de la rigueur dans l'organisation de toute activité quelle qu'elle soit.