Suicide de Lucas (13 ans), victime d'homophobie : quatre jeunes jugés, la mère du défunt sort du silence

Drame dans les Vosges. Lucas, un garçon de 13 ans, s'est suicidé après avoir subi l'homophobie et le harcèlement scolaire pendant de longs mois. Alors que quatre mineurs s'apprêtent à être jugés, la mère du petit garçon a brisé le silence…

Suicide de Lucas (13 ans), victime d'homophobie : quatre jeunes jugés, la mère du défunt sort du silence
© Capture d'écran - RMC

Le 27 janvier, le procureur de la République d'Epinal, Frédéric Nahon, a annoncé que quatre mineurs seraient jugés pour "harcèlement scolaire ayant entraîné le suicide" de Lucas, 13 ans"Lors de leurs auditions, les mis en cause, deux filles et deux garçons âgés de 13 ans, scolarisés dans le même établissement que Lucas, ont uniquement admis avoir proféré à plusieurs reprises des moqueries à l'encontre de leur camarade", avait-il indiqué dans un communiqué. Le procès devrait se dérouler au printemps.

La mère de Lucas brise le silence : "Je n'imagine aucune peine"

Pour la première fois depuis le drame, Séverine, la mère de Lucas, adolescent de 13 ans qui s'est suicidé ce 7 janvier 2023 après avoir été victime d'homophobie et de harcèlement scolaire, a brisé le silence. La jeune femme de 35 ans s'est exprimée à l'occasion d'une conférence de presse, le 30 janvier à Epinal, dans les Vosges. 

Alors que quatre mineurs vont être jugés pour "harcèlement scolaire ayant entraîné le suicide" du défunt adolescent, la mère de famille a déclaré, avec une vive émotion, qu'elle n'était pas dans une optique de revanche : "Je n'imagine aucune peine, ce sont des gamins. Il faut juste que ça les fasse réfléchir, peut-être qu'ils interviennent avec nous, qu'ils expliquent ce qu'il s'est passé, qu'ils regrettent, qu'ils participent à des actions pour prévenir". Malgré tout, la mère de la victime ressent forcément une certaine colère : "Ils ont l'âge de Lucas. Je suis quand même obligée de leur en vouloir, mon fils n'est plus là. Ils ont été méchants avec lui". 

Comment la mère de Lucas souhaite "aider les autres"

Désormais, le combat de Séverine est d'aider à la prévention du harcèlement scolaire, notamment en intervenant dans les établissements scolaires et éveiller les consciences sur ce fléau. "Si je pouvais aider les autres avec leur ressenti à eux, ça serait une victoire de plus, un pas en avant pour faire réfléchir tout le monde", a-t-elle déclaré. Quant à l'homophobie subie au quotidien par son fils de septembre 2022 à janvier 2023, Séverine a souligné la nécessité d'enseigner aux jeunes "l'acceptation" d'autrui et a déclaré : "C'est aux parents d'apprendre à leurs enfants que tout le monde est libre".

Suicide de Lucas, 13 ans, victime d'homophobie

Tragédie sans nom dans les Vosges. Lucas, un élève âgé de seulement 13 ans, s'est suicidé ce 7 janvier 2023. Le jeune adolescent était constamment victime d'homophobie et de harcèlement scolaire. Il étudiait en classe de 4ème au collège Louis Armand à Golbey, près d'Epinal. Lucas assumait son homosexualité et avait un tempérament particulièrement solaire. Mais de nombreux camarades d'école ont délibérément fait de sa vie un enfer.

Un adolescent "harcelé régulièrement" pour son homosexualité

"Il avait toujours le sourire, ce petit ! Toujours agréable, toujours attentionné, toujours spontané, toujours plein de rêves et d'envies", s'est souvenue Stéphanie, une proche de la famille, au micro de la radio RMC. Une joie éteinte à petit feu par le harcèlement scolaire qu'il subissait depuis quelque temps. "Il était harcelé régulièrement par rapport à sa tenue, sa façon d'être, à ce qu'il dégageait. Il était entier donc il ne se cachait pas. Cela dérangeait peut-être certaines personnes qui n'osaient être aussi entières que lui", a détaillé la proche de la famille. Dès la première réunion parents-professeurs de la rentrée 2022, le jeune adolescent et sa mère ont dénoncé auprès de l'école des "moqueries" d'élèves qui riaient de son orientation sexuelle, indique RMC.

"Sa maman a appelé au secours à plusieurs reprises" : l'école en tort ? 

"En rentrant de l'école, il se plaignait de ce qu'il vivait encore et encore. Sa maman a appelé au secours à plusieurs reprises. Le milieu scolaire, où il passait les trois-quarts de son temps, n'a pas réagi comme il fallait", a-t-elle expliqué. Une inaction qui a précipité le drame ? Valérie Dautresme, directrice académique des services de l'Éducation nationale dans les Vosges, assure toutefois auprès de France Bleu Lorraine que "la situation a été prise très au sérieux par l'établissement". Une enquête est en cours et une autopsie a eu lieu ce 11 janvier.

Brigitte Macron réagit au suicide de Lucas

Brigitte Macron, la première dame engagée dans la lutte contre le harcèlement scolaire, a été invitée à réagir sur le suicide du petit Lucas, au micro de RTL, ce 25 janvier. L'épouse d'Emmanuel Macron a déploré un "drame absolu" et a rappelé le dispositif déjà en place et censé lutter contre le harcèlement scolaire : "Il y a ce qui existe, c'est le programme pHARe, ce sont les ambassadeurs, ce sont les élèves volontaires. La sensibilisation du personnel encadrant ou des professeurs pour qu'ils repèrent et qu'ils aident". 

Malgré tout, la première dame est bien consciente que ce programme est encore loin d'être efficace. "Les plateformes disent qu'elles nous aident, mais c'est encore extrêmement insuffisant. C'est totalement destructeur. C'est totalement destructeur ou déstructurant. Comment voulez-vous qu'un enfant, un ado, se construise avec tout ce qu'il entend, tout ce qu'on dit de lui ?", a-t-elle ajouté. Pour la première dame, la prévention reste tout à fait insuffisante, notamment dans les écoles. "Je n'entends pas qu'elle existe, j'ai des petits-enfants, qui ont absolument tous les âges. Je les interroge et ils n'entendent pas grand-chose", a-t-elle déploré.

Le ministre de l'Education et Christophe Beaugrand réagissent : "tristesse et colère"

Le ministre de l'Education, Pap Ndiaye, a lui aussi réagi à cette triste affaire. "Toutes mes pensées vont à Lucas, élève au collège L. Armand à Golbey, sa famille et ses amis. Je pense à tous les élèves comme lui harcelés : leur désespoir fonde ma détermination à empêcher toute forme de harcèlement. Aucun enfant ne doit trouver comme issue ultime le suicide", a-t-il déclaré sur Twitter.

L'animateur Christophe Beaugrand - papa avec un son mari d'un petit garçon né par GPA aux Etats-Unis -, envahi par la "tristesse" et la "colère", n'a pas tardé à réagir également à ce drame. "A tous ceux qui pensent qu'il ne sert à rien de lutter contre l'homophobie à l'école, à tous ceux qui ne comprennent pas que des insultes peuvent tuer... Regardez le visage de Lucas, 13 ans, victime de harcèlement homophobe. Il s'est suicidé samedi dernier", a-t-il déclaré sur Twitter. Furieux, il a ajouté : "Quand prendrons nous conscience du drame que vivent certains jeunes? Quand va-t-on enfin lutter sérieusement contre le harcèlement? Quand va-t-on enfin parler concrètement de l'homophobie? Même si ça déplaît à des associations obscurantistes qui prétendent défendre les enfants?".

Dans les commentaires, l'animateur n'a pas retenu ses coups face à certains messages qui minimisaient le drame ou l'inaction du gouvernement et de l'école. Face à une personne lui signalant que le harcèlement scolaire avait toujours existé, il a répondu, dépité : "Ah ok ne faisons rien et laissons nos enfants mourir alors. Pathétique." Il a appelé à de véritables campagne de prévention et une plus grande action au sein des établissements scolaires.

Les parents de Lucas saisissent la justice : ses obsèques se préparent

La famille compte déposer plainte. "Il y a toute une série de chaînes de responsabilités qui peuvent être recherchées et engagées si en effet les éléments d'une infraction ont été constitués", a précisé à BFMTV Me Catherine Faivre, avocate de la famille de la victime. En attendant, une cagnotte en ligne a été lancée afin de récolter de l'argent pour les obsèques du petit garçon, qui doivent avoir lieu ce 14 janvier à Epinal. Les parents de Lucas suggèrent aux personnes qui seront présentes de porter un signe LGBT en hommage au défunt.