Homophobie à l'école : comment lutter, que faire ?

Le 7 janvier, le suicide de Lucas, victime d'homophobie, a choqué la France entière. Le gouvernement a lancé une campagne concernant ce fléau en 2019 et prévoit des actions lors du 17 mai, journée de lutte contre l'homophobie et la transphobie. Quelles sont les conséquences de l'homophobie et comment aider son enfant à y faire face? Les réponses de Stéphane Clerget, pédopsychiatre.

Homophobie à l'école : comment lutter, que faire ?
© dolgachov-123rf

À l'école, les élèves sont nombreux à subir au quotidien des moqueries, des insultes, de la violence et du harcèlement quant à leur orientation sexuelle et leur identité de genre. Ce fut le cas du jeune Lucas, un collégien de 13 ans, qui a été victime d'homophobie et d'harcèlement scolaire de la part de quelques camarades, qui l'ont poussé au suicide. Pour empêcher ces drames et combattre ces formes de discriminations et de violences, le ministère de l'Éducation nationale a décidé de lancer une campagne de sensibilisation contre l'homophobie et la transphobie à l'école. "Aucun enfant ne doit trouver comme issue ultime le suicide (...) Nous savons que par rapport aux élèves hétérosexuels, les élèves gays et lesbiennes ont quatre fois plus de risques de faire une tentative de suicide, quand c'est onze fois plus pour les jeunes transsexuels. Nous devons améliorer leur accueil en s'attaquant encore plus fortement aux situations de moqueries, de violences et de harcèlement", a, en effet, indiqué Pap Ndiaye, ce 1er février 2023, dans un entretien accordé au site du magazine Têtu. C'est la raison pour laquelle le ministère de l'Éducation a lancé une campagne de sensibilisation axée sur l'accueil des élèves LGBT et va mener des actions lors du 17 mai, journée internationale de lutte contre l'homophobie et la transphobie.

Qu'est-ce que l'homophobie à l'école ?

Lors de leur scolarité, des élèves peuvent être l'objet d'insultes ou de moqueries, mais aussi de harcèlement ou de violences physiques en raison de leur orientation sexuelle. Les jeunes gays, lesbiennes et bisexuels sont les premières victimes de cette homophobie, mais les garçons ou filles qui s'éloignent des normes liées au masculin et au féminin (une fille jugée trop sportive ou un garçon considéré comme trop sensible) peuvent également être concernés.

​​​​​Quels sont les chiffres de l'homophobie à l'école ? 

Selon le rapport sur les LGBTIphobies en 2022 réalisé par SOS Homophobie, 62 cas de LGBTIphobie en milieu scolaire ou dans l'enseignement supérieur ont été signalés à SOS homophobie en 2021. Comme en 2020, les victimes sont en grande majorité mineures (58 %) et sont principalement des élèves (81 %) au collège (44 % des cas) et au lycée (26 % des cas). La proportion de cas concernant les femmes cis et trans est plus importante qu'auparavant. Les agresseurs sont également majoritairement des élèves (63 %) mais l'hostilité provient parfois aussi de la direction (26 %) et des professeurs, (21 %). L'effet de groupe semble aggraver les LGBTIphobies : dans plus d'un cas sur deux, les actes LGBTIphobes sont commis par des personnes en groupe et dans 23 % des cas, l'agresseur est un homme seul.

Comment lutter contre l'homophobie à l'école ?

Le ministère de l'éducation nationale a lancé en 2019 une campagne nationale destinée à informer et sensibiliser les collégiens, les lycéens et l'ensemble des professionnels des établissements scolaires concernant les violences et les discriminations homophobes et transphobes. Des associations sont sollicitées pour mettre au point des documents éducatifs et animer des modules d'intervention, pendant ou en dehors du temps scolaire. Cette campagne a pour objectif de mobiliser les professionnels des établissements scolaires en les incitant à soutenir les jeunes LGBT face aux difficultés qu'ils peuvent rencontrer dans le cadre scolaire, mais aussi de lutter contre l'invisibilisation de ces jeunes. La campagne vise aussi à promouvoir les solidarités notamment entre les élèves, et les initiatives contre les discriminations. Enfin, la campagne fait la promotion du zéro tolérance à l'égard des injures sexistes et LGBTphobes. Elle s'appuie sur la distribution aux collégiens et aux lycéens de prospectus contenant des pistes pour qu'ils s'engagent au quotidien aux côtés des  jeunes LGBT et la mise à disposition d'un guide dédié à la communauté éducative et disponible en ligne.

Quelles conséquences pour l'enfant ?

Le harcèlement sous toutes ses formes, et donc l'homophobie, a des conséquences à long terme. "Les adultes qui ont été victimes de harcèlement véritable et durable au collège, et dans une moindre mesure en primaire, ont des séquelles. Le harcèlement a laissé des traces dans l'estime qu'ils peuvent avoir d'eux-mêmes. Ces personnes sont beaucoup plus sensibles au jugement d'autrui et sont beaucoup plus sujettes à la culpabilisation et à la mauvaise estime d'elles-mêmes. Elles sont très touchées par les opinions négatives des autres et sont plus facilement sous l'emprise des personnes qui les critiquent ou qui veulent prendre leur place", explique le Dr Stéphane Clerget, pédopsychiatre et auteur du livre Comment devient-on homo ou hétéro ? (Ed. J.C Lattès).

"Le harcèlement a laissé des traces dans l'estime qu'ils peuvent avoir d'eux-mêmes".

Que faire si mon enfant est victime d'homophobie à l'école ?

Les parents de la victime doivent essayer de déceler des signes de mal-être chez leur enfant qui, bien souvent et encore plus quand il est au collège, ne se confie pas concernant les insultes ou les actes homophobes dont il est l'objet.  "Il faut repérer des troubles ou un mal être :  cela peut être un enfant qui est tout le temps malade, qui se met à moins bien travailler à l'école, qui revient avec des bleus ou qui est triste et qui ne veut plus aller en classe" explique le Dr Clerget.. Il recommande de questionner son entourage pour savoir s'il est victime d'agressions homophobes. Si les parents repèrent ces signes, il peuvent rassurer l'enfant sur sa normalité et l'aider à décoder d'où vient cette homophobie. "Ils doivent aussi entamer des démarches auprès des parents d'élèves, de l'établissement scolaire et du commissariat si cela ne suffit pas. Si on sent son enfant trop mal, il faut le retirer de de l'école tout en continuant à mener la bataille auprès de l'établissement d'origine", ajoute le spécialiste.

Que faire concernant les élèves harceleurs ?

On ne naît pas homophobe et c'est généralement l'éducation reçue qui est à l'origine des propos homophobes. Car selon l'expert, en général, 90% des enfants agresseurs qui tiennent de manière répétée des propos homophobes ont des parents qui le sont. "Le travail permettant de lutter contre l'homophobie à l'école ne portera pas ses fruits s'il n'est pas accompagné d'un travail de prévention de l'homophobie auprès des parents et du personnel de l'éducation nationale, mais aussi des mairies qui sont en charge du périscolaire", souligne le Dr Clerget.

Qui contacter ?

  • Ecoute contre l'homophobie : 0 810 20 30 40 7j/7 de 8h à 23h ou au 01 41 83 42 81 (gratuit selon le forfait)
  • N° vert gratuit "Non au harcèlement" : 30 20 du lundi au vendredi de 9h à 20h (sauf les jours fériés), et le samedi de 9h à 18h
  • N° vert gratuit "Net Ecoute" : 30 18 pour la protection de l'enfance en lien avec le numérique 
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