Violences conjugales en confinement : moins de féminicides selon Marlène Schiappa

Marlène Schiappa a déclaré qu'il y avait eu moins de féminicides durant le confinement, au micro de France Inter. Pendant le déconfinement, la lutte contre les violences domestiques se poursuit, plus que jamais.

Violences conjugales en confinement : moins de féminicides selon Marlène Schiappa
© Niviere David/ABACAPRESS.COM

[Mise à jour vendredi 22 mai à 10h02] Difficile de chiffrer le bilan du confinement en matière de violence conjugale. Depuis la mi-mars, la secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa avait noté une hausse généralisée des signalements grâce aux dispositifs mis en place dans les pharmacies et les centres commerciaux, ou les numéros d'aides (114 ou 3919).

Invitée le 21 mai sur France Inter, la secrétaire d'État a apporté un nouvel élément : "Il y aurait eu, je mets beaucoup de guillemets et beaucoup de prudence, moins de féminicides que d'habitude", a-t-elle poursuivi, évoquant un féminicide "tous les 4,2 ou 4,4 jours" contre un tous les trois jours ou deux jours et demi avant cette période.

Marlène Schiappa a précisé que la plateforme dédiée aux violences conjugales avait reçu cinq fois plus de signalements qu'en temps normal durant les huit semaines de confinement, et que "36% de plaintes en plus" avaient été enregistrées.

De nouveaux dispositifs pour le déconfinement

Pendant le déconfinement, la secrétaire d'État souhaite poursuivre la lutte contre les violences faites aux femmes, notamment contre le harcèlement de rue. Marlène Schiappa a annoncé un plan de "généralisation de l'arrêt de bus à la demande en soirée et la nuit", et au développement d'un réseau de lieux sûrs, avec le code "demandez Angela". Ce dispositif a déjà été mis en œuvre dans plusieurs villes de France.

En réponse aux nombreuses plaintes de clientes d'Uber pour agressions de la part des chauffeurs, le gouvernement a choisi de mettre la société de VTC à contribution : "Uber va offrir 1 000 trajets en partenariat avec le 3919 pour conduire les femmes au commissariat ou dans leur nouvel hébergement", a expliqué Marlène Schiappa.

La secrétaire d'État pour l'Égalité femmes-hommes travaille également "sur l'intégration d'un module de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans l'examen pour devenir chauffeur".


Le calvaire du confinement pour les victimes de violences conjugales

Depuis le 17 mars, les victimes de violences conjugales se retrouvaient cloîtrées avec l'homme (ou la femme) qui les terrifie, obligées de rester à la maison 24h/24. De plus, les activités des juridictions françaises et des associations d'aide aux victimes financées par l'État ont été fortement ralenties afin d'éviter la propagation du coronavirus.

La police et la gendarmerie sollicitées "8 à 10 fois par semaine"...

Le 25 avril, la Préfecture de police de Paris et le ministère de l'Intérieur indiquait que les interventions à domicile ont augmenté de 48% par rapport à la même période en 2019, et de 33% dans la capitale.

Le numéro 114, créé pour permettre aux victimes de contacter des services d'aide par SMS, représente "plus de 150 dossiers par jour", précise le ministère.

Le numéro 3919 a sollicité les services de police et de gendarmerie "8 à 10 fois par semaine" contre 2 à 3 fois par mois avant le confinement.


Pour les familles dans des situations de violences conjugales, la situation s'est aggravée avec le fonctionnement ralenti de la justice et la réduction de l'éventail des réponses pénales, précise Le Monde. Beaucoup de dispositifs comme les stages de responsabilités ou les obligations de se présenter au commissariat n'ont plus eu lieu.

Marlène Schiappa : "Plus de 60 femmes ont déjà été protégées par les associations"

Invitée le 16 avril sur France Info,  Marlène Schiappa présentait déjà des chiffres inquiétants : "Il y a une hausse des signalements [de violences conjugales] auprès des forces de l'ordre (…) Sur notre plateforme qui s'appelle Arrêtons les violences, il y a eu cinq fois plus de signalement qu'habituellement pendant la période de confinement ", a-t-elle indiqué.

Selon la secrétaire d'État, les dispositifs mis en place pour signaler les cas de violences domestiques ont porté leurs fruits ."Plus de 60 femmes ont déjà été protégées par les associations" grâce à des points d'accueil et d'écoute dans les centres commerciaux. En plus de ces résultats, les "systèmes d'alerte des forces de l'ordre dans les pharmacies (…) ont déjà fait leurs preuves, puisque plusieurs hommes ont été déjà mis en garde à vue".
Marlène Schiappa a également rappelé que les femmes victimes de de violences conjugales pouvaient alerter les forces de l'ordre en envoyant un SMS au 114.

Depuis la fin du mois de mars, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner avait reconnu que ces femmes et jeunes filles étaient des victimes collatérales des mesures actuelles. Il avait alors rappelé aux préfets et aux forces de l'ordre  qu'"intervenir en cas de violences intrafamiliales reste une priorité".

Invité sur France Info le 6 avril, le ministre de l'Intérieur avait précisé que des interpellations avaient eu lieu, de même que "quelques dizaines de SMS sérieux ont été reçus" par le biais du numéro d'alerte, le 114. Il a également ajouté que des places d'hébergement, d'hôtels avaient été mises à disposition, et que les gendarmes procédaient régulièrement à des appels ciblés pour déterminer si une personne était en danger de violence domestique.

Violences conjugales en confinement : quels sont les dispositifs d'alerte pour les victimes ?

Pour venir en aide aux femmes (ou hommes) battues et limiter les drames, de nombreux dispositifs ont été mis en place par le gouvernement depuis le début de la crise sanitaire :

- Un numéro d'urgence (notamment destiné aux victimes sourdes et malentendantes) est désormais mis à disposition. Une personne se sentant en danger pourra envoyer un SMS au 114 "pour qu'ensuite les forces de sécurité intérieure interviennent", a annoncé Christophe Castaner.

- Depuis le 30 mars, des "points d'accompagnement éphémères"  sont mis en place dans les centres commerciaux, à l'entrée des hypermarchés, pour accueillir les victimes, a déclaré Marlene Schiappa dans une interview pour Le Parisien.

- Près d'un million d'euros ont été débloqués pour venir en aide aux associations de terrain. 

- Un dispositif d'alerte a été mis en place dans les pharmacies. "Dans la pharmacie, au moment où la femme qui peut être battue, se rend sans son mari, il faut qu'elle puisse donner l'alerte", a-t-il déclaré. Il suffit aux victimes de prononcer le terme "Masque 19" auprès du pharmacien pour que celui-ci avertisse les forces de l'ordre. 

Violences conjugales en confinement : où appeler à l'aide si l'on ne peut pas quitter son domicile ?

Malgré tout, il arrive que le conjoint violent, sinistrement bien informé, ait déjà connaissance des procédés susmentionnés. Dans ce cas, il est parfois ardu pour la victime de violences conjugales de sortir du domicile, ne serait-ce que pour prendre l'air ou faire les courses, puisqu'elle en est empêchée par le conjoint.

Une solution plus envisageable pour tenter d'échapper à cet enfer serait d'appeler à l'aide depuis son domicile (pas forcément par téléphone). Voici les options à considérer : 

Pour lancer l'alerte en cas d'urgence

Le secrétariat d'État chargé de l'Égalité a également appelé les victimes à composer le 17 "en cas d'urgence" ou à contacter la plateforme de signalement des violences, arretonslesviolences.gouv.fr, accessible tous les jours, 24h/24. 

Consciente qu'"il est difficile de téléphoner quand vous êtes enfermés avec l'agresseur", Marlene Schiappa invite toutes les victimes à venir communiquer sur la plateforme d'écoute Stop-violences-femmes.gouv.fr mise en place par le gouvernement. "Vous avez des policiers et des gendarmes formés qui prennent des signalements, qui lancent des enquêtes et des interventions en matière de violences conjugales", a-t-elle précisé.

Un nouveau mode d'alerte, plus discret. La militante Diariata N'Diaye est consciente de la difficulté pour les victimes "d'appeler les secours en toute discrétion ou de quitter leurs domiciles pour trouver de l'aide". Pour tenter d'apporter une réponse à ce problème, elle a créé l'application mobile App-Elles, qui permet d'alerter sur une situation dangereuse, de plusieurs façons. La victime peut prévenir de manière simultanée jusqu'à 3 de ses proches, sa position GPS leur est automatiquement transmise et ceux-ci peuvent choisir d'appeler les secours ou de se rendre eux-mêmes sur place (plus difficile dans le cadre du confinement). 

Par ailleurs, un enregistrement sonore peut être déclenché afin d'avoir plus d'informations sur la situation précise. Ces mêmes enregistrements pourront être sauvegardés et exploités éventuellement en cas de procédure judiciaire. Les modes de déclenchement de l'application sont, en outre, discrets.

Pour s'informer sur ses droits ou bénéficier d'une oreille attentive

Quant au 3919, le numéro d'écoute mis en place depuis le Grenelle des violences conjugales qui a eu lieu à la fin 2019, son service est maintenu, mais tout de même réduit. Il sera possible de composer le numéro, du lundi au samedi, de 9h à 19h. "Les écoutantes du 3919 confinées se voient attribuer un téléphone portable adéquat et du matériel informatique afin de mettre en place une écoute à distance", lit-on dans un communiqué du secrétariat d'Etat chargé de l'Égalité.

Pour s'informer sur leurs droits, les femmes peuvent, en cas de besoin, se rendre sur le site de la FNCIDFF (Fédération Nationale des Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles) et prendre contact avec les équipes, qui sont en télétravail durant le confinement, afin de poser leurs questions.

Pendant le confinement, l'Association Femme Huissiers de Justice de France reste joignable, notamment par mail à l'adresse suivante : afhj.fnsf@scp-desagneaux.com. "La retranscription de SMS et de mails (mot pour mot) avec la rédaction de procès-verbaux est la mesure d'urgence que nous pouvons réaliser gratuitement pour toutes celles qui en ont besoin. Nous sommes à l'écoute, restons attentives et traiterons toutes les demandes d'actes, qui nous parviendront par courriel, gratuitement ", a précisé Maitre Astrid Desagneaux, présidente de l'Association Femmes Huissiers de Justice de France, dans un communiqué.

Même si les juridictions fonctionnent au ralenti, les cas concernant les violences conjugales restent prioritaires. "Les comparutions immédiates et les ordonnances d'éloignement des conjoints violents font partie des procédures d'urgence. J'ai clairement expliqué aux juridictions qu'il fallait répondre à ces urgences", a fait savoir Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, à 20 Minutes.

Le confinement dans les centres d'hébergement, possible... ou pas ?

Pour ces victimes, l'une des solutions aurait été de fuir le domicile : plus facile à dire qu'à faire... Les places en centre d'hébergement sont déjà manquantes tout au long de l'année et avec un ou plusieurs enfants à charge, le problème se complique.

- Marlène Schiappa a indiqué le 16 avril que le gouvernement avait "financé jusqu'à 20 000 nuitées d'hôtel pour permettre aux femmes qui ont besoin de s'enfuir de pouvoir être hébergées, de ne pas se retrouver à la rue".

- Une "plateforme d'hébergement du conjoint" a été créée, a précisé la secrétaire d'État à l'Égalité.  Elle a détaillé la mesure: "Dès lors qu'il y a une décision de justice, le conjoint violente est écarté et il est hébergé ailleurs pour que la femme, éventuellement aussi avec ses enfants, puisse garder le domicile conjugal quand c'est son souhait".

- La Fondation des Femmes a annoncé l'ouverture de 320 places d'hébergement en résidences universitaires jusqu'au 31 juillet 2020. D'autres places pourront être débloquées en urgence. Des nuits dans des hôtels seront également financées par l'association.

Pour celles qui ont déjà pu se réfugier en centre d'hébergement, la secrétaire d'État à l'Égalité femme-homme a sommé les départements de surveiller scrupuleusement les conditions d'accueil en ces lieux. Marlène Schiappa a attiré l'attention sur la nécessité de maintenir le respect des mesures barrières et d'assurer au mieux "l'organisation de l'école à la maison" pour les victimes qui résident avec un ou plusieurs enfants dans ces refuges.

Autant de points qui ne sont pas toujours respectés, faute de moyens. "Nous n'avons pas de masques, peu de gel hydroalcoolique. Et les filles, souvent très jeunes, sont enfermées à deux dans des chambres de 23 m", a déploré la directrice de l'association Une Femme, un Toit, auprès de 20 Minutes. La situation est malheureusement critique...