Flora Coquerel : discussion autour du wax
Dans le documentaire Wax in the city diffusé le 8 juillet sur Paris Première, Flora Coquerel nous entraîne à la découverte du tissu le plus populaire et le plus métissé d'Afrique. Rencontre avec une Miss qui mise un max sur le wax.
Flora Coquerel est passionnée de mode et très attachée à sa culture franco-africaine. Quand le réalisateur Elie Séonnet l'a contactée sur les réseaux sociaux pour lui proposer le projet d'un documentaire sur le wax, elle a naturellement tout de suite dit oui. Novice dans la discipline mais enthousiaste à l'idée de mettre en valeur les talents de l'Afrique et des Afro-descendants, Miss France 2014 a retroussé ses manches et s'est penchée un an durant sur la question. Dans Wax in the city, documentaire diffusé le 8 juillet sur Paris Première dans le cadre de L'été de la mode, on la suit sur les traces du tissu étendard de la mode africaine. Des marchés béninois où il est commercialisé à la fashion week de Dakar où il est le sujet des créateurs en passant par la Hollande où il est fabriqué, le wax sert de toile de fond à une peinture de la création africaine moderne. Fervent soutien et peut-être bientôt actrice de cette industrie croissante, Flora Coquerel a vécu cette épopée bariolée comme une rencontre. Identité, style et conscience... Discussion autour d'un tissu à la complexité insoupçonnée.
Le Journal des Femmes : Quel est votre rapport au wax ?
Flora Coquerel : J'en ai vu au Bénin toute mon enfance. Ma mère en portait à la maison et ma grand-mère en portait tous les jours. C'était aussi mon doudou. Quand j'étais petite et que je voyageais, ma mère me donnait un morceau de wax avec son parfum dessus pour que j'ai un repère, un petit bout de la maison toujours avec moi. Elle a fait ça jusqu'à très tard ! Après, j'ai commencé à en porter il y a quelques années, quand ça s'est démocratisé. Avant, je le réservais à un usage plus traditionnel, pour des mariages, des occasions. Maintenant on trouve toutes sortes de pièces en wax et je peux en porter de toutes les manières, donc j'ai fais un usage plus quotidien.
Dans le documentaire, vous évoquez le débat sur l'appropriation culturelle. Que pensez-vous des Blancs qui mettent du wax ?
Ça ne me dérange pas, au contraire ! Un tissu n'appartient pas à une culture ou une communauté. C'est bien de connaitre l'histoire de ses vêtements, mais cette problématique concerne plus les marques que les gens qui les portent. La frontière est fine entre mise à l'honneur et appropriation culturelle. Peu importe la culture, quand on copie un modèle traditionnel porté par des générations de personnes d'une certaine population, c'est compliqué de sortir un produit, dire qu'il est nouveau et affirmer "c'est moi qui l'ai fait". Après, au contraire, aujourd'hui, le monde est ouvert et on aime piocher dans les cultures de chacun. Je suis trop contente quand je vois une femme blanche qui porte du wax dans la rue.
Comment conseillez-vous de le porter ?
Beaucoup de copines me disent "Je ne peux pas, moi. Je suis blanche, blonde, le wax a une identité africaine si forte que j'aurais l'impression de prétendre être Africaine". On ne dit jamais la même chose pour le jean qui est américain ! Je conseille d'y aller pas à pas car c'est un tissu fort. On trouve beaucoup de tote bags en wax par exemple. J'en ai fait pour mon association et je les ai donnés à mes copines qui n'en portent pas d'habitude. Elles m'ont dit : "Sur un sac, ça apporte une touche de couleur et je ne me sens pas déguisée" alors que c'est l'appréhension qu'on a. Il y a aussi des accessoires pour cheveux pour commencer, par exemple.
Certaines voix s'élèvent contre le wax car, étant d'origine indonésienne et fabriqué en Hollande, il représenterait mal l'Afrique. Qu'est ce que tu réponds à ces détracteurs ?
On peut aimer le tissu sans s'intéresser à l'histoire, parce qu'il est beau, point. Quand on va au delà de ça, on se dit : qui en profite ? C'est vrai que c'est africain, mais les Africains n'en profitent pas vraiment. Or il y a des usines qui font du wax en Afrique à présent. Quand on est créateur, au lieu d'acheter du tissu qui va remplir le porte-monnaie des Hollandais, pourquoi ne pas se renseigner et profiter du même tissu qui va permettre de développer l'Afrique, faire travailler le Ghana ou un autre pays ? Voila ce qu'on peut répondre aux personnes qui sont dérangées par le côté hollandais : il y a d'autres options. Après, dire que ce n'est pas africain... Le wax est en Afrique depuis 1846, quand même !
C'est important pour vous de consommer la mode de manière responsable ?
J'adore aller dans les enseignes de fast fashion. Après, on sait que ce n'est pas fait de manière locale. Concernant le wax, je me pose la question : est-ce que tu préfères acheter des sandales en wax chez Zara ou chez un petit créateur qui va mettre toute son âme dans la paire de chaussures ? Le choix est vite fait. C'est difficile de tracer les vêtements que l'on porte. Mais, par contre, je suis ravie qu'il y ait des collaborations comme Monoprix X Maison Château Rouge, qui mettent en avant un créateur dont on sait où il se fournit.
Vous avez fait des rencontres extraordinaires lors du tournage. Vous trouvez que la mode est une façon de créer du lien ?
Oui, on est tous accrochés au même fil conducteur, parce qu'on suit tous les mêmes tendances, peu importe notre culture et notre statut social. Chacun va puiser des inspirations de l'autre côté de la Terre, ce qui crée aussi une communauté. Chacun permet à l'autre de mettre en avant son art et ça, c'est chouette. Tout ça aboutit sur la création d'une conscience commune, ça permet de s'élever.
Pensez-vous que l'Afrique va avoir de plus en plus de place sur la scène mode mondiale ?
C'est sûr, petit à petit on ne parlera plus de mode africaine mais de mode tout court. Aujourd'hui on ne se pose plus la question quand un designer américain fait une collection. L'Afrique va rentrer dans le processus global. Et puis d'ailleurs, les créateurs africains ne leur laisseront pas le choix.
Vous aimeriez jouer un rôle là dedans ?
J'essaye de mettre en avant des créateurs africains quand je fais des apparitions ou même au quotidien. Ce sont des créateurs talentueux de niche, qu'on ne connait pas forcément. J'aimerais aussi lancer ma marque de prêt-à-porter, c'est un projet auquel je pensais, sans pour autant pouvoir dire quand je le ferai. Le fait de travailler sur le documentaire m'a donné très envie de m'y mettre.
Wax in the city, 52', diffusion dimanche 8 juillet à 10h30 sur Paris Première