Serkan Cura : Entretien avec un créateur généreux et passionné Du marché aux puces de Bruxelles à l'Académie royale d'Anvers

Quand on demande à Serkan Cura comment il est devenu créateur, sa réponse se fait aussi modeste qu'altruiste : "Je ne sais même pas si je suis un créateur. J’aime bien exaucer les rêves, faire rêver et présenter mon univers. Je ne sais pas si c’est cela être un créateur. On peut dire que oui, mais je suis davantage dans le partage, notamment dans mes défilés. Je fais découvrir plein de choses et on m'en apprend d'autres."

Préférant dire de lui-même qu'il est "débrouillard" plutôt qu'un surdoué de la mode, Serkan Cura ne pense pas être un talent précoce, bien que cet adjectif pourrait bel et bien qualifier son parcours puisqu'il a commencé à 13 ans, lorsqu'il est arrivé à Bruxelles. " Je me suis dit “qu'est-ce que je sais faire ?” Les maths et le francais, niet, le néerlandais encore moins ; tout ce que j’avais, c’était des mains. La couture, je l'ai apprise à l'école. C'est là-bas que j’ai fait mon premier jean et mon premier tablier. Après les cours, j'allais travailler pour gagner de l’argent, j’allais aux puces, je trouvais des moules à chapeaux. Vers 14-15 ans, j’ai dessiné mes propres silhouettes pour les mettre dans le défilé de l'école : il y avait des robes de mariées en papier bulle, des corsets remplis de plumes jaunes... Ensuite j'ai évolué : j'ai fait du cuir, de la lingerie et des vrais chapeaux à 16-17 ans." Un véritable touche-à-tout autodidacte, qui pense avoir toutefois hérité des bons goûts de sa mère en ce qui concerne le choix des belles matières.

21 ans. Le jeune Serkan est "toujours aussi nul en maths", mais extrêmement doué en couture. Si bien, qu'il est admis à la prestigieuse Académie royale des beaux-arts d'Anvers, où il fait ses quatre années. Ce qu'il en retient ? "On m'a appris à bien dessiner et à me débrouiller. On apprend aussi à se surpasser car il y a une grosse pression, on a l'impression qu'on va se faire virer toutes les 2 minutes." Des contraintes qui s'avèreront plus tard être bénéfiques : "C’est là que j’ai appris à être fort : je me suis fait engueulé, tout coûtait cher, il fallait aller vite et le lendemain, il fallait faire une autre silhouette. J’en ai souffert, mais aujourd’hui je trouve que c’est exceptionnel comme expérience : j’ai eu la chance de pouvoir côtoyer des grands et des personnes qui m’ont compris. Et c’est difficile de me comprendre, je pars dans tous les sens ! Ils m’ont recentré, mais sans pour autant changer la personne que j'étais."

Durant sa troisième année, Serkan Cura fait une rencontre décisive pour son avenir. Il se rend un jour à la boutique d'Olivier Strelliun créateur de mode belge reconnu à Paris. "J'ai voulu le remercier pour les tissus qu'il avait fournis avec un grand bouquet de fleurs et lui montrer ce que j'allais en faire. Il m'a dit "c'est de la couture ça, pas du prêt-à-porter, je ne peux pas te donner de job". Après que l'étudiant des beaux-arts lui a expliqué qu'il n'était pas là pour chercher du travail, Olivier Strelli lui pose LA question : "Ton rêve, c'est Valentino ou Gaultier ?". Quelques coups de fil plus tard, la connexion est faite : un an après, avec son diplôme en poche, Serkan Cura part pour Paris travailler au côté de Jean Paul Gaultier.

Défilé Serkan Cura haute couture automne-hiver 2015-2016 © Imaxtree.com

 

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