Que faut-il retenir de la fashion week de Paris automne-hiver 2020-2021 ?

De loin la plus riche de toutes, la fashion week de Paris a livré une édition automne-hiver 2020-2021 intense. De Dior à Louis Vuitton en passant par Chanel, Saint Laurent, Balenciaga et même Kanye West, tout ce qu'il ne fallait pas manquer est dans notre récap' des temps forts des défilés.

Que faut-il retenir de la fashion week de Paris automne-hiver 2020-2021 ?
© Swan Gallet/WWD/REX/SIPA

Très attendue au terme d'un mois de défilés en crescendo, la fashion week de Paris a atteint des sommets. Contre vents et coronavirus, la mode s'est réunie pour assister à une édition particulière. Profondément touchés par l'actualité, les créateurs choisissent leur camp entre contemplation et action, créativité exacerbée et retour aux sources. Fort heureusement, parfois, ils font tout à la fois. Une chose est sûre, la brutalité des contingences comme l'urgent besoin de beauté se font ressentir. Et le résultat est explosif. 

Prise de conscience

Cette saison, les shows ont été le reflet d'une époque tourmentée. Le défilé Balenciaga automne-hiver 2020-2021 en est à lui seul l'illustration parfaite. Dans le studio de la Plaine Saint-Denis, les premiers rangs se noient dans une crue où défilent les mannequins. Cela pourrait faire penser à Alexander McQueen et son défilé "Golden Shower" en 1998, sauf que, 20 ans plus tard, la douche est froide. Animé par un plafond led aux effets des plus angoissants, le spectacle est celui d'un monde orageux où l'élégance parvient tout de même à ne pas boire la tasse.

C'est aussi le cas chez Dior, où Maria Grazia Chiuri s'allie avec l'artiste Claire Fontaine pour un show aux slogans féministes pop. Sur le catwalk militant défile une collection plus personnelle, teintée des années 70 de l'enfance romaine de la directrice artistique.

Mode action activé

Alors que faire ? Certaines maisons retroussent leurs manches à la fashion week de Paris. Stella McCartney renouvelle ses vœux pour une mode plus engagée. avec un défilé exemplaire d'innovation, neutre en carbone où était offert un arbre à chaque invité. Mais cette saison, elle fait des émules. 

Guy Laroche s'essaye avec succès à l'upcycling : retrouvées et rachetées, des pièces resurgissent du passé et sont brillamment réinterprétées avec des matières que possède la maison. Un parti-pris circulaire intelligent également aperçu chez Benjamin Benmoyal. Le jeune créateur a dévoilé ses créations scintillantes dont la matière (qu'il a lui-même développée) est faite de VHS recyclées. Des collections séduisantes qui peuvent en plus se targuer d'une vraie valeur ajoutée.

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© Benjamin Benmoyal

Le buzz à l'américaine 

Dimanche matin aux Bouffes du Nord, c'était "Sunday Service" pour tous. Kanye West avait convié le gotha mode à une messe dominicale musicale qui a convaincu de sa ferveur les plus sceptiques. Gloire à la mode au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qui l'aiment, voila le prêche du rappeur qui revient à Paris avec, dans ses valises, la collection Yeezy season 8. Celle-ci est présentée au siège du parti communiste d'Oscar Neimeyer, au rythme du rap de North West, 6 ans, sa fille aînée avec Kim Kardashian.

Comme pour son ex-bras droit, Virgil Abloh (chez Off-White) et son catwalk accidenté d'épaves, la magie du show est là. Mais buzz et bad buzz sont voisins ces temps-ci et nombreuses sont les voix qui s'élèvent contre ces deux super-stars. Sur les réseaux, il est gentiment rappelé que le premier est pro-Trump, anti-gay et prompt aux dérapages en tous genres, quand le second est épinglé par le compte Diet Prada pour une copie presque littérale d'une robe Givenchy de la saison passée. 

Valeur refuge with a twist 

Dans cette semaine de parade où le coronavirus sévit, l'espoir se niche dans une forme de beauté refuge. L'esthétique impeccable des couleurs élémentaires chez Hermès, la couture adaptée en prêt-à-porter chez Givenchy, les intemporels d'Hedi Slimane savamment répétés chez Celine, l'épure élégante chez Valentino, sont autant de valeurs sûres dans une époque en manque de zone de confort.

Outre cette ode aux essentiels féminins ressentie tout au long du fashion month, ce mouvement alimente une fascination rétro. Anthony Vaccarello calque l'esprit subversif d'Yves Saint Laurent pour livrer une collection qui cumule l'art et la manière du maître, la désirabilité actuelle en plus, avec mention spéciale pour le latex.

De manière plus littérale, le passé est fréquemment cité. L'âge d'or de la mode libérée, les 70's, marque l'univers de Dior et celui de Chanel avec au choix, bandeaux dans les cheveux, bijoux bohèmes ou chemisiers à jabot. Celui des années 80 est toujours présent chez Marant et Balmain.

Mais le maître en la matière restera Nicolas Ghesquière qui met toutes les époques dans un shaker pour élaborer une collection Louis Vuitton ultra moderne, en forme de cadavre exquis où dialoguent à merveille les époques. Le message : à nous, munis de nos vêtements conquérants, d'écrire l'histoire.