La mode virtuelle, l'avenir de l'industrie ?

Partenariats avec le monde du jeu vidéo, pièces créées pour les réseaux sociaux… A l'heure où la pandémie a rebattu les cartes, l'industrie de la mode lorgne plus que jamais vers le virtuel pour se réinventer. A la clé, des enjeux économiques mais aussi écologiques.

La mode virtuelle, l'avenir de l'industrie ?
© Kerry Murphy (The Fabricant)

La pandémie n'a pas été propice à la détox digitale, au contraire. Le monde entier, contraint de rester confiné, s'est tourné immanquablement vers le virtuel. L'industrie de la mode n'a pas fait exception. Forcée d'annuler tous les événements physiques qui rythment normalement l'année, c'est sur Internet que tout s'est joué. Mais loin d'une simple présence en ligne des Fashion Weeks, déjà amorcée depuis longtemps avec des retransmissions streaming des défilés, c'est un véritable virage digital qui semble s'intensifier. De quoi pousser à se demander : l'avenir de la mode est-il virtuel 

Le gaming, un milieu convoité par la mode

Voilà déjà plusieurs années que la mode tourne autour de l'industrie du jeu vidéo. En 2019, pendant que Moschino lançait une collection capsule pour habiller les Sims 4, la maison Louis Vuitton devenait partenaire du championnat du monde du jeu League of Legends. Ces derniers mois, la maison Gucci s'emparait elle aussi de l'univers gaming, habillant de la collaboration avec North Face les personnages du jeu Pokémon Go ou faisant la promotion du parfum Guicy Guilty sur Animal Crossing. Si de telles fusions sont créées, c'est que l'industrie du jeu vidéo représente un secteur lucratif à côté duquel les géants de la mode ne comptent pas passer. En 2020, elle pèserait plus de 159,3 milliards de dollars selon NewZoo, observateur du secteur. Un chiffre que la pandémie devrait même avoir boosté pour les mois à venir. Pour la mode, l'enjeu financier est réel. 

Nous habiller virtuellement

Mais au-delà des gameurs, c'est bien les consommateurs habituels que certains acteurs tentent de séduire en proposant de les vêtir virtuellement. L'idée : des pièces n'existant que digitalement, faites pour être portées sur les réseaux sociaux et autres plateformes numériques plutôt que dans la vraie vie. Le concept est déjà réalité. Comme le rappelle le magazine Numéro, le studio de création The Fabricant a ainsi vendu en 2019 sa première robe virtuelle. Cette dernière s'est arrachée aux enchères pour 9 500$. Depuis, on trouve sur le site du pionnier du secteur des modèles téléchargeables gratuitement et d'autres vendus aux enchères avec un prix de départ de un Ethereum, une monnaie virtuelle. "Lorsque la plupart de nos interactions sociales se font à travers les canaux numériques (en particulier en ce moment), pourquoi aurions-nous besoin d'éléments physiques pour nous exprimer? Plus que jamais, le screenwear devient le nouveau streetwear", expliquait le studio au magazine. 

La démarche pourrait bien être en passe d'intéresser des maisons déjà bien installées sur le marché classique. The Fabricant a ainsi collaboré avec plusieurs marques, comme Buffalo ou Puma. De son côté, la marque Tommy Hilfiger avait annoncé concevoir des pièces uniquement en 3D pour sa collection printemps-été 2022, rappelle le média L'ADN. Plus récemment, c'est Gucci encore qui a conçu sa première paire de sneakers virtuelles. Ici, pas question d'exclusivité ou d'éditions limitées : elles étaient disponibles à l'achat par tous. Si avant, digitaliser ses vêtements était un moyen de communication pour vendre des produits physiques en boutique, c'est peut être une véritable révolution qui se prépare aujourd'hui. 

Un enjeu écologique ?

D'autant que l'univers du vêtement virtuel est peut être l'une des solutions permettant à la mode de régler l'un de ces plus grands défis : celui de réduire son impact écologique. Face au désastre causé notamment par la production des vêtements de fast-fashion, la mode virtuelle deviendrait une manière d'exprimer son style en évitant de polluer. Comme l'explique le site Madmoizelle, la marque scandinave Carlings a ainsi sorti en 2018 une collection de t-shirts unisexes de taille unique qui pouvaient changer d'apparence virtuellement à l'aide de filtres. Une partie des bénéfices étaient reversés à une association luttant pour l'accès à l'eau potable. Derrière la démarche pourrait se dessiner les prémisses d'un futur où les vêtements physiques seraient écologiques, sobres et utilitaires et où la créativité et l'excentricité auraient lieu en ligne. Si tout cela semble pour l'instant bien lointain et complètement hypothétique, l'industrie de la mode zieute avec intérêt ces transformations, bien décidée à ne pas louper le coche.