Défilé Balenciaga SS20 : l'habit fait le moine

La frontière entre le jeu et le vrai est une question qui fascine Demna Gvasalia. Pour le défilé Balenciaga SS20 à la fashion week de Paris, le directeur artistique a exploré l'uniforme et la perception que nous en avons dans un show troublant.

Défilé Balenciaga SS20 : l'habit fait le moine
© Le journal des Femmes

C'est à la Cité du Cinéma que le défilé Balenciaga SS20 avait donné rendez-vous à ses invités et le set était bel et bien digne d'un film. Dans une salle aveugle et monochrome au bleu sans émotion, un catwalk en forme de spirale précipitait les mannequins au centre de cercles concentriques. Un décor éclairé au néon pour en accentuer encore la froideur qui sert de théâtre à la vision du réel twistée et perturbante du designer Demna Gvasalia.

Aux premiers passages, le malaise s'accroît. La collection printemps-été 2020 de Balenciaga se nomme "New Fashion Uniforms" (les nouveaux uniformes de la mode) et les six premières silhouettes proposées sont des costumes accessoirisés de badges, portés par des personnes, tout ce qu'il y a de plus lambda. Infirmier, architecte, ingénieur... Ils seront en nombre, aux côtés des mannequins de métier à défiler sur le catwalk, stipule la note d'intention. Le propos de Demna Gvasalia :  "le Power Dressing" ou la perception de la garde-robe professionnelle comme une forme de pouvoir et force de transformation. Sont-ce des modèles ou des membres du staff en uniforme ? A-t-on affaire à de la mode ? Les questionnements que souhaite provoquer le directeur artistique fusent, la magie opère.

Mais c'est bien de mode qu'il s'agit lors du défilé printemps-été 2020 de Balenciaga. Émergent des premières silhouettes plus travaillées, avec les fameuses lignes d'épaules accentuées, de plus en plus larges, de plus en plus angulaires, de plus en plus incisives. Le show bascule dans la dystopie avec des mannequins aux bouches XXL et aux pommettes accentuées par des prothèses. Mais est-ce si loin de la réalité ? Des éléments familiers empruntés à la pop culture se greffent, comme des t-shirts imprimés "X-rated" ou "18+" ou des sacs réalisés en collaboration avec l'insouciante Hello Kitty venant conforter ce sentiment que la fiction et la réalité sont étrangement voisines. 

Le 17 septembre, le designer Demna Gvasalia annonçait son départ de Vetements, sa maison, avec laquelle il a rencontré le succès et fondé la mouvance normcore. S'il persiste dans son étude du vestiaire quotidien et des archétypes de notre temps chez Balenciaga, il n'en oublie pas moins l'héritage couture de la maison de Cristobal. Cette saison encore, il se manifeste en clôture avec cinq silhouettes qui n'ont pas manqué de faite le tour d'Internet. Le volume quitte les épaules pour se concentrer dans une série de "Wearable ballroom" (des robes de bal portables) aux jupes aériennes gonflées aux crinolines amovibles. De la dystopie à la féerie, il n'y a qu'un pas.