Accouchement et covid : comment ces mamans ont vécu la naissance

Quatre mamans ayant accouché pendant le confinement nous racontent comment elles ont vécu la naissance de leur bébé. Les pères ont-ils pu assister à l'accouchement ? Comment s'est passé le séjour à la maternité et le retour à la maison ? Témoignages.

Accouchement et covid : comment ces mamans ont vécu la naissance
© Natalia Deriabina-123rf

Habituellement, les inquiétudes des femmes enceintes sur le point d'accoucher portent sur la péridurale, l'épisiotomie, la césarienne en urgence ou les éventuelles complications liées à la naissance de bébé... Mais en pleine période épidémique, les futures mamans qui arrivent au terme de leur grossesse se posent une multitude de questions supplémentaires : le papa pourra-t-il être présent à l'accouchement ? Ne risque-t-on rien à se rendre dans un établissement hospitalier où il y a des malades du Covid-19 ? Comment protéger son bébé ? Pour répondre aux interrogations des mères qui vont accoucher pendant le confinement, quatre mamans ont bien voulu nous raconter comment s'étaient passés la naissance et les premiers jours de vie de leur bébé.

"Le virus a volé au papa les moments magiques des premiers jours"

Émilie, 40 ans, a accouché de son troisième enfant, un petit garçon prénommé Candide, né le 1er avril 2020 à la maternité de la clinique Brétéché, à Nantes. "Le terme était prévu pour le 9 avril. Pour éviter d'accoucher en plein pic épidémique, nous avions prévu avec mon obstétricien un déclenchement le 1er avril. Le rendez-vous était fixé à 8h30, mais mes contractions ont commencé la veille au soir, et Candide est arrivé naturellement quelques heures avant le rendez-vous prévu", nous explique-t-elle. La venue au monde de son fils s'est bien déroulée, la péridurale a pu être posée et la papa a pu assister à l'accouchement. "Ma hantise, c'était qu'il ne puisse pas être là, et c'est la raison pour laquelle je m'étais orientée vers un déclenchement de l'accouchement", précise la jeune maman. Conformément aux recommandations et pour limiter les risques de propagation du virus, le papa a dû repartir deux après la naissance du bébé, et est venu les retrouver à la sortie de la maternité, trois jours plus tard. "La séparation a été dure. J'ai l'impression que le virus a volé au papa les moments magiques des premiers jours". Pour son conjoint, la séparation aussi a été compliquée à vivre. "Pour lui, c'était difficile de se séparer de nous juste après l'accouchement. Et il a eu beaucoup de frustration de ne pas profiter des premiers jours du bébé et de ne pas être avec moi pour partager cette bulle de bonheur. Il appréhendait aussi que son fils le "rejette" après cette séparation de trois jours". A la maternité, Émilie et son mari n'ont pas eu à prendre de précaution particulière. Pour autant, leur température a été mesurée dès leur arrivée, et le père aurait dû partir si l'un des deux avait eu de la fièvre.

Pour cette Nantaise, être en confinement a un peu impacté sa fin de grossesse. "Moi qui rêvais de repos pendant le début de mon congé maternité, j'ai dû m'occuper de mes aînés et je redoutais d'accoucher en étant épuisée. Quant au fait d'accoucher pendant une épidémie, c'est extrêmement perturbant. C'était rapide et brutal, nos plans ont été perturbés : mes parents n'ont pas pu venir nous aider et garder nos enfants pendant que le papa restait avec moi quelques jours à la maternité, comme pour mes autres accouchements", raconte Emilie. Son retour à la maison s'est bien passé. La jeune maman a pu retrouver sa famille, et une sage-femme libérale vient faire des contrôles réguliers à domicile. "Candide était attendu avec beaucoup d'impatience à la maison et j'avais hâte de rentrer pour retrouver les miens et commencer notre nouveau confinement avec un bébé en plus. On est vraiment dans notre bulle et on se sent désormais protégé".

"J'ai eu une césarienne en urgence"

Le 21 mars, Emma (26 ans), a accouché de sa petite Maddie à la maternité de Brive-la-Gaillarde. Pour cette maman, la naissance ne s'est pas déroulée comme elle l'avait prévue. "L'accouchement s'est mal passé, j'ai eu une césarienne d'urgence. Je fais heureusement partie des chanceuses, mon conjoint a pu m'accompagner à la maternité quand mon accouchement a été déclenché. Il a pu être présent pendant le travail, mais pas pendant la césarienne". Comme la jeune femme a accouché au début du confinement, son compagnon a pu venir lui rendre visite, ainsi qu'à leur petite fille, les deux premiers jours de leur séjour à la maternité. "Mais à partir du 23 mars, il n'a plus été admis du tout". Dans sa maternité, des gestes barrières ont été mis en place pour protéger les patientes et leurs nouveaux-nés. "Nous devions porter un masque durant tout l'accouchement, et j'ai du en porter un ensuite pendant tout le séjour. J'ai dû rester confinée dans ma chambre et, la nurserie étant fermée, tous les soins de bébé se déroulaient dans la chambre", raconte-t-elle. A la sortie, le père a pu venir les chercher, mais a dû attendre dans la voiture tandis qu'une sage-femme aidait la maman à descendre leurs affaires. Accoucher dans ces conditions a été une source d'inquiétude pour Emma, mais tout s'est bien passé. "Bien évidemment, la peur était présente. Nous n'étions pas vraiment rassurés de nous savoir dans des locaux hospitaliers avec des cas de Covid-19 avec un nouveau-né. Aujourd'hui, nous sommes soulagés d'être rentrés à la maison. Le confinement nous permet aussi de nous découvrir en famille et de créer un cocon, même si notre bébé ne connaît pas encore les autres membres de nos familles...". Le papa de Maddie a eu du mal à accepter la séparation à la maternité, mais le couple estime avoir eu de la chance. "Mon conjoint s'est senti mis de côté et privé des premiers moments de sa fille, bien qu'il ait eu la chance d'être présent ses deux premiers jours de vie". Depuis, la maternité a pris de nouvelles mesures suite aux recommandations : les papas peuvent assister à l'accouchement, mais ils doivent repartir deux heures après la naissance du bébé. "Nous nous estimons donc quand même chanceux, car si j'avais accouché deux jours plus tard, nous n'aurions pas eu la chance de passer deux jours ensemble à la maternité".

"Positive au Covid-19, le retour à la maison a été compliqué"

Estelle (32 ans), a accouché de son deuxième enfant, Eva, née le 2 avril à la maternité de Senlis. Pour la jeune maman, qui a été testée positive au Covid-19, l'appréhension était bien présent au moment de la naissance. "Quand j'ai su que j'étais positive, j'ai tout de suite paniqué et j'ai vraiment eu peur d'accoucher seule, ou d'être mise de côté par l'équipe médicale. J'ai donc pris soin de prévenir la maternité et de leur poser toutes les questions que je souhaitais face à cette situation, et ils ont été plutôt rassurants. Heureusement, l'accouchement s'est très bien passé, la sage-femme qui s'occupait de moi était vraiment sympa", nous confie-t-elle."Le seul bémol, c'est que malgré un travail court (4 heures), j'ai senti que l'équipe médicale essayait d'accélérer le travail afin de réduire son temps d'interaction avec moi. Ils m'ont donné de l'ocytocine alors que je n'avais commencé le travail que depuis quelques heures. Du coup, ma fille est arrivée en 10 minutes et je n'ai pas pu bénéficier d'une péridurale efficace", regrette-t-elle.

Son conjoint a pu être avec elle pour l'arrivée de leur fille. "Le papa a heureusement été présent pour l'accouchement, car le bébé est arrivé tellement vite que, s'il n'avait pas été là, je n'aurais pas pu le faire toute seule". Pour Estelle, c'est le post-partum qui a été plus compliqué. "J'ai été privée de mon conjoint durant 72 heures et, sortant de maladie, j'aurais eu besoin d'un coup de main pour m'occuper d'Eva. L'équipe médicale venait me voir deux fois par jour, grand maximum, et je me suis sentie abandonnée et seule face à la situation. Je n'en veux pas au personnel médical, car il manque d'équipement et tout doit être économisé, mais il faut prendre en compte l'état de la maman et le fait que la maladie nous a frappé quelques jours avant. Je n'ai pas eu envie d'allaiter car, dans les circonstances, je ne voulais prendre aucun risque, d'autant que l'équipe médicale n'était pas très présente en suite de couches".

A son retour à la maison, Estelle doit prendre des précautions avec sa fille, comme son conjoint et son fils, qui n'ont pas été dépistés. "Je suis rentrée épuisée physiquement et psychologiquement. Nous devons prendre beaucoup de précautions avec le bébé, afin de s'assurer qu'il n'attrape rien, mais avec le manque de masques, c'est très compliqué. Je ne suis plus malade et j'ai normalement passé les quatorze jours de quarantaine, mais le corps médical m'a demandé de continuer à prendre des précautions pendant une semaine encore : port du masque obligatoire en présence des enfants et hygiène des mains irréprochable, il faut espacer le berceau d'1m30 de notre lit et nettoyer les espaces de change tous les jours. Il faut aussi nettoyer les vêtements régulièrement, comme la gigoteuse, les couvertures et les draps. C'est frustrant que personne à part moi n'ait été testé, car nous ne savons pas si mon fils ou mon mari sont porteurs. Dans le doute, les jeunes parents interdisent à l'aîné d'approcher sa petite sœur...  Quant au papa, "il a très mal vécu la séparation avec sa fille. Il a eu l'impression qu'on lui volait sa paternité, qu'on lui arrachait une partie de lui. Il a eu beaucoup de mal à reprendre une vie de papa normale et à créer un lien avec elle. Je pense qu'il ne faut pas oublier les papas. Ils ont besoin d'être là pour leur bébé et d'accompagner la maman dans ce début de vie". Emma ajoute qu'elle a un message pour toutes les mamans qui accouchent en cette période d'épidémie : "Nous sommes des guerrières, car le contexte est vraiment difficile pour nous."

"Après l'accouchement, je me suis sentie seule, peu accompagnée"

"Avant la naissance, je n'avais pas vraiment peur d'accoucher pendant l'épidémie. Mais j'étais très inquiète à l'idée que le papa ne puisse pas être présent", nous confie Océane, 26 ans, qui a accouché de son premier enfant, Liam, le 1er avril à l'hôpital de Corbeille-Essonne. Le père de Liam a assisté à la naissance de son fils, à partir du moment où le travail commençait."Il a du porter un masque quand on m'a posé la péridurale. Pendant l'accouchement, le personnel soignant et les sages-femmes étaient adorables, même si les conditions étaient particulières. Je me suis sentie très bien encadrée. J'ai eu un accouchement de rêve". Juste après la naissance le père est resté trois heures avant de devoir quitter l'hôpital. 

Si la venue au monde de son fils s'est déroulée à merveille, Océane ne peut pas en dire autant de son séjour à la maternité. Même si certains membres du personnel soignant étaient très avenants et à l'écoute, certains se montraient plutôt désagréables, notamment en ce qui concerne l'allaitement. "J'ai essayé d'allaiter mon fils, ça a été une catastrophe, je n'ai pas du tout été accompagnée, comme pour donner le bain. L'une d'elle a même haussé le ton sur mon fils parce qu'il n'arrivait pas à téter, et a fini par claqué la porte en disant "là, je peux plus rien faire pour vous". Elle m'a expliqué que leur emploi du temps était bouleversé, qu'elles faisaient des gardes de douze heures. Je peux entendre, je comprends, et je suis d'accord avec le fait que cela soit difficile et que les soignants sont débordés. Mais ce n'est pas aux patientes et à leur bébé d'en pâtir, c'était compliqué pour moi aussi d'accoucher dans ces circonstances. J'ai pleuré tous les jours, j'étais seule avec un nourrisson, ce qui est très difficile. Il s'agit de mon premier enfant et j'avais vraiment besoin d'aide et d'être entourée. Quand je les appelais pour qu'elles m'aident, j'avais l'impression de les embêter, elles n'étaient pas disponibles. Si j'avais pu avoir le papa pendant la journée, je pense que je m'en serais mieux sortie." Océane a mal vécu son séjour à la maternité, et son conjoint a, de son côté, eu beaucoup de mal à se faire à l'idée de ne pas pouvoir être présent. "Il a eu des difficultés à accepter qu'il ne pouvait pas rester ou nous rendre visite. Il est triste de ne pas avoir pu être là pour les premiers jours de vie de son fils, et d'autant plus que c'est son premier enfant. En plus, comme je l'appelais en larmes, il était inquiet et aurait vraiment voulu être avec nous, mais il se sentait impuissant face à tout ça. Donc pour lui aussi, ça a été très très compliqué. On comprend que c'est pour protéger les soignants et les patientes, mais c'est injuste qu'un papa soit privé de ces moments uniques." La jeune maman a pu bénéficier, comme la plupart des nouvelles mères dans les circonstances actuelles, d'une sortie anticipée de la maternité. Deux jours après son accouchement, elle a pu rentrer chez elle, un vrai soulagement. "Comme mon accouchement s'est très bien passé, je pourrais le revivre dix fois s'il le fallait. Mais mon séjour à la maternité, jamais. Heureusement, à la maison les choses se sont bien mieux passées. J'ai arrêté d'allaiter et j'ai commencé à donner le biberon. Un vrai bonheur de pouvoir nourrir mon fils en toute sérénité !".