Demander un saut de classe à l'école

Quand un saut de classe est envisagé, le plus souvent par la psychologue qui a pratiqué un test de QI, les parents s'inquiètent sur le champ.

Demander un saut de classe à l'école
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Comment procéder sans commettre de maladresses, sans doute irréversibles dans ce cas ? Ils savent qu'il s'agit d'une démarche extrêmement délicate : il ne faut pas braquer leur interlocutrice par une demande formulée trop brutalement, paraissant alors mettre en doute les compétences pédagogiques de la maîtresse qui ne se serait aperçue de rien, s'agissant d'un enfant qu'elle voit tous les jours.
On voit bien que c'est un mauvais départ : un reproche, même s'il n'est pas formulé directement, n'est pas la meilleure entrée en matière.
Il faut surtout avoir présent à l'esprit que cette maîtresse peut être excédée par toutes les demandes de cet ordre qu'elle reçoit, elle ne veut plus entendre parler d'enfant doué, elle doit affronter tellement souvent des parents indignés parce que leur enfant, en fait insupportable et dérangeant les autres, se conduit de cette façon regrettable parce qu'il s'ennuie et il s'ennuie parce qu'il est doué et que l'enseignement dispensé par la maîtresse ne l'intéresse pas. Pour elle, il s'agit d'un enfant agité dont on cherche à justifier le comportement difficile au lieu de chercher des solutions pour tenter de le calmer.

Pourtant, cette maîtresse est attentive, bonne pédagogue, d'où vient alors cette réaction un peu vive ? 

Alors que les parents d'un enfant doué sont, eux aussi, attentifs, cherchant les stratégies les moins guerrières afin de ne pas contrarier une maîtresse qu'ils savent souvent fatiguée, ils ignorent que d'autres, s'embarrassant moins de ces délicatesses, demandent un saut de classe sans forcément le justifier autrement que par un présumé "ennui". Un adage affirme que "la mauvaise monnaie chasse la bonne" : des enfants proclamés doués sans preuves à l'appui desservent les enfants véritablement doués, qui n'expriment pas forcément leur ennui d'une façon ostensible et même agressive.

On suggère toujours aux parents d'exprimer leur demande comme ne venant pas d'eux,  ils suivent les conseils de la psychologue consultée pour leur permettre de mieux comprendre leur enfant, elle lui a fait passer un test pour  étayer plus sûrement  ses conseils et elle leur a bien spécifié qu'il fallait présenter la demande comme venant d'elle. Ils n'auraient jamais entrepris cette démanche de leur propre initiative. Cette donnée de départ doit être bien claire. On peut comprendre l'exaspération des maîtresses qui n'en peuvent plus d'entendre tous ces parents, parfois revendicatifs, exiger littéralement un saut de classe comme si tous les problèmes allaient être réglés d'un seul coup. Elles rejettent alors cette idée en bloc, presque par réflexe, pour éviter des discussions sans fin.

Dans un tel contexte, il convient d'échafauder des stratégies efficaces en tenant compte de cette irritation que provoque la moindre allusion au "saut de classe", l'idéal étant, évidemment qu'il soit proposé par la maîtresse elle-même, mais nombre d'enfants doués se gardent bien d'attirer l'attention par un non conformisme suspect. Ils lisent couramment, mais préférèrent ânonner en classe, comme tous les autres, ils se font discrets, effacés, tout en restant suffisamment présents pour que la maîtresse les considère comme de bons élèves, sans plus.

Il ne faut pas oublier que les enfants doués ont impérativement besoin d'être aimés : se singulariser ne serait pas le meilleur moyen, alors que la maîtresse est débordée par ces enfants qui n'écoutent rien et viennent à l'école comme ils iraient au parc. Celui qui reste calmement à sa place a certainement sa préférence, mais c'est insuffisant pour le considérer comme doué, il ne paraît pas s'ennuyer. Son calme est reposant. Ces enfants doués, gentils et attentifs, sont victimes de la mauvaise image qu'on véhicule à propos des enfants doués : agités et jamais satisfaits, difficiles et monopolisant la parole, puisqu'ils savent répondre à toutes les questions, ils seraient surtout agaçants, leur comportement démontre leur manque de maturité, il serait dangereux de leur faire sauter une classe… Entre tous ces poncifs, ces idées reçues, ces malentendus, il est difficile de faire entendre les arguments d'une approche pédagogique sûre.
Parfois, on concède une période d'essai : un jour sur deux, ou bien deux après-midi : l'enfant ne sait plus dans quelle classe il est, les autres ne le reconnaissent pas comme faisant partie de leur classe, il ne cesse de manquer des explications, puisqu'il n'était pas présent ce jour-là, il est tout étourdi, il préfère que cesse ce cauchemar où il ne sait plus dans quelle classe il va aller aujourd'hui ni quels exercices  préparatoires il aura ratés. Très souvent les raisons justifiant une consultation évoquent des difficultés d'intégration, ce système les aggravent, il rend même impossible une véritable intégration à moins que l'enfant ait déjà de vrais amis dans la classe supérieure, ce qui est bien aléatoire.

Conseils : quand un psychologue préconise un saut de classe, sa demande est étayée par de multiples arguments solides, et pas seulement par un  sentiment d'ennui exprimé par l'enfant. C'est un dossier suffisamment  argumenté pour qu'on ne soupçonne pas qu'il est "de complaisance", puisque rémunéré. Cette demande est plus facile à justifier quand l'enfant est du début de l'année,  il est admis que le CE2 est la classe la plus aisée à sauter. S'il est dans une classe à double niveau, il suit subrepticement le programme de l'année suivante, il a ensuite l'impression de redoubler, alors que cette même classe permet un passage en douceur. Bien conduit et pleinement justifié, ce saut de classe est alors toujours bénéfique pour un enfant doué.