49% des enseignants s'autocensurent en classe

Comment est respectée la laïcité à l'école en France ? La Fondation Jean-Jaurès révèle que 49% des enseignants s'autocensurent pour éviter des incidents avec leurs élèves. Au sport, à la cantine ou lors des sorties scolaires, ils sont nombreux à faire face à des difficultés.

49% des enseignants s'autocensurent en classe
© Cathy Yeulet

En cours de sport, en cours d'éducation sexuelle, ou face à un enseignement abordant la question de la laïcité, il n'est pas rare de voir des élèves tenter de se soustraire au nom de leur religion. Deux mois après l'assassinat de Samuel Paty, qui venait de délivrer une leçon à propos de la liberté d'expression à ses élèves, l'Observatoire de l'Education de la Fondation Jean-Jaurès offre un état des lieux "le plus large possible de ce que vivent, ressentent, pensent et envisagent les enseignants de France pour l'avenir et leur avenir personnel". Menée par l'Ifop pour la Fondation et Charlie Hebdo, l'enquête dévoile que dans le public, premier et second degré confondus, 43% des enseignants ont déjà assisté à un conflit en lien avec la laïcitéSi ce chiffre paraît déjà élevé, il l'est encore plus si l'on ne regarde que le second degré public. Là, ce sont 53% des professeurs qui ont déjà eu à faire à ce type de contestation. En 2018, comme le révélait l'enquête Ifop-CNAL, ce chiffre était de 7 points inférieur. Si la laïcité est l'un des fondements de l'école de la République, elle reste parfois difficile à appliquer. Comme en témoignent six enseignants sur 10 (primaire et secondaire mêlés) qui racontent avoir déjà assisté à une forme de séparatisme religieux

Cours de sport et restauration collective

Le cours où ce dernier s'exprime le plus est l'éducation physique et sportive. 45% des professeurs ont déjà constaté l'absence de leurs élèves féminines en cours de natation, qu'elles aient ou non un certificat l'expliquant. D'ailleurs, en terme de contestation directe de la part des élèves au nom de la religion, le sport est en première position avec 27% d'enseignants y ayant déjà observé ce phénomène. Arrivent ensuite les restrictions alimentaires : 35% des enseignants ont déjà vu un parent demander à ce qu'aucune viande ne soit servie à l'enfant scolarisé. La question de la restauration a même entraîné des incidents selon 40% des enseignants interrogés, soit cinq points de plus qu'en 2018. Le dernier point de contestation le plus fréquemment observé est la visite d'établissements à caractère religieux lors de sorties scolaires. Ainsi 28% des enseignants ont déjà du faire face à un élève qui refusait d'entrer dans une église, par exemple. 

Réagir ou éviter l'incident ?

Deux mois après l'assassinat de Samuel Paty, cette enquête est nécessaire pour comprendre le rapport à la laïcité qu'entretiennent les élèves, comme les professeurs. Tous les établissements ne font pas face aux mêmes problématiques. D'ailleurs, les hommages en l'honneur de l'enseignant décédé ont été pour le moins éclectiques. Face à ces derniers, les établissements placés en zone d'éducation prioritaire (REP) ont enregistré 34% de contestation, contre 14% seulement pour les établissements hors REP. 

De manière générale, 19% des enseignants avaient fait face à un conflit avec un élève à cette occasion, pour un total d'environ 800 incidents selon le ministère. Une question se pose alors : dans le cas où un élève refuserait de se plier à la règle, que se passe-t-il ? La plupart des enseignants témoigne d'une grande difficulté à y faire face, et avoue tenter d'éviter l'incident. Par conséquent, 49% d'entre eux pratiquent l'autocensure. En 2018, ils étaient beaucoup moins nombreux à en témoigner : 36%. D'ailleurs, fin décembre dernier, un professeur du collège des Battières, à Lyon (5ème arrondissement) a du changer d'établissement après avoir été agressé verbalement suite à un cours sur la liberté d'expression.