Séparatisme : un délit d'entrave à la fonction d'enseignant ?
Dans le cadre du projet de loi "séparatisme", et suite à l'assassinat de Samuel Paty, les députés ont adopté un amendement visant à punir "le fait d'entraver par des pressions ou des insultes l'exercice de la fonction d'enseignant" lorsqu'il applique les programmes de l'Education nationale.
Délit d'entrave à la fonction d'enseignant : c'est quoi ?
[Mise à jour du 21 janvier à 11h43]. Ce 20 janvier, dans le cadre de l'examen en commission spéciale du projet de loi "séparatisme", les députés ont adopté un amendement visant à punir "le fait d'entraver ou de tenter d'entraver par des pressions ou des insultes l'exercice de la fonction d'enseignant", lorsque le professeur tente d'appliquer les programmes prévus par l'Education nationale. Cette mesure pourrait conduire à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Adopté par 18 voix contre 16, cet amendement, bien que certains rapporteurs y aient été réticents, cet amendement sera examiné le 1er février prochain.
Cette proposition d'amendement fait suite à l'assassinat de Samuel Paty, l'enseignant d'histoire-géographie décapité pour avoir parlé de liberté d'expression à ses élèves en montrant une caricature de Mahommet, à Conflans-Sainte-Honorine. Un hommage national avait été rendu au professeur d'Histoire à la Sorbonne le 21 octobre et une minute de silence avait été observée le 2 novembre par près de 12 millions d'élèves à travers tout le pays. A Lyon, un enseignant a récemment été pris à partie par un parent d'élève l'accusant d'islamophobie alors qu'il abordait en classe le principe de laïcité.
Dans un rapport publié le 4 décembre dernier, l'inspection générale de l'Education nationale préconisait de nouvelles mesures. Le ministère de l'Éducation nationale veut en effet agir pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise. Lutte contre le cyberharcèlement, protection des enseignants, amélioration de la formation, le ministère planche sur un certain nombre de mesures.
Renforcer la sécurité à l'école et protéger les fonctionnaires ?
Le rapport de l'inspection générale de l'Education nationale liste 12 recommandations destinées à "prévenir, dans toute la mesure du possible, la reproduction d'actes analogues". Ces mesures visent notamment à renforcer la sécurité dans et aux abords des établissements scolaires, et à accentuer la protection des fonctionnaires si la situation l'exige. "Cette protection fonctionnelle doit être la plus réactive et la plus systématique possible. Il y a ensuite la protection par les forces de l'ordre qui doit être renforcée dans certains cas. Elle peut aller de la présence de la police aux abords d'un établissement jusqu'à la protection d'un professeur", précise Jean-Michel Blanquer.
Surveiller les réseaux sociaux et lutter contre le cyberharcèlement
Le ministère de l'Education nationale veut également aller plus loin dans la lutte contre le cyberharcèlement. "Concernant la haine en ligne, il nous faudra des outils juridiques nouveaux, notamment pour nos relations avec les plateformes des réseaux sociaux, afin de mieux analyser les menaces et mieux retirer et poursuivre les contenus haineux.", a expliqué le ministre de l'Éducation nationale au Figaro. Dans le cas de l'affaire Samuel Paty, les vidéos postées sur les réseaux sociaux ont joué un rôle direct dans son assassinat. Le rapport veut donc encourager la montée en puissance des cellules de veille des réseaux sociaux. Ces dispositifs pourraient "se situer au sein des services des rectorats ou des DSDEN (Direction des services départementaux de l'Education nationale) pour les départements comportant un très grand nombre d'élèves". indique le rapport.
Former le personnel et impliquer les parents
Le rapport de l'inspection générale de l'Éducation nationale insiste également sur la nécessité d'expliquer clairement le rôle et le fonctionnement de l'école. Il faut "rappeler autant que nécessaire et expliciter à la communauté éducative dans son ensemble, y compris aux parents d'élèves, les principes du système éducatif : le principe de liberté pédagogique et celui d'obligation de suivi des enseignements". Cette liberté est ensuite laissée aux enseignants de choisir "un angle d'approche pertinent au regard des objectifs de la séquence" mais aussi des élèves qu'ils ont en face d'eux en classe. En pratique, le ministère souhaite donc renforcer "la formation de l'ensemble de l'équipe éducative, y compris des contractuels" mais aussi d'impliquer les parents dans certains enseignements comme la laïcité, la liberté d'expression ou l'esprit critique.