L'enthousiasme chez les enfants doués

L’enthousiasme est une qualité propre qui peut entraîner les autres enfants, touchés par le dynamisme de cet élan : il donne envie de participer à l’action projetée, d’en être aussi un acteur et non plus de rester passivement spectateur des entreprises des plus audacieuses. C’est souvent dans la cour de récréation que l’enfant inventif et déjà stratège propose à ses camarades un jeu dans lequel ils s’immergeront. Ils peuvent mimer un passage inspiré de l’Histoire par exemple. La plupart des enfants adorent les récits de chevaliers, de tournois, de risques pris pour défendre l’honneur d’un Roi, d’une ville, d’une dame. Les enfants doués, plus encore que les autres, reconnaissent quelque chose des sentiments qui les animent chez ces valeureux chevaliers. Installer une scène, où un de ces hauts faits pourra être évoqué, les comble d’aise. Ils savent rendre leur enthousiasme communicatif. C’est d’ailleurs une de ses caractéristiques, on pourrait même dire qu’il est contagieux. Il recèle en lui une joie qui donne envie d’être partagée. La passion peut être solitaire, sombre parfois et centrée sur un unique objet, elle absorbe toute l’énergie de celui qui est guidé par elle, il n’a pas forcément envie de la partager alors que l’enthousiasme est plus généreux. Il faut entraîner les autres pour qu’ils éprouvent le même plaisir. Si l’enfant doué est capable d’enthousiasme c’est aussi grâce à son imagination : d’un fait anodin, il peut tirer tout un scénario, entrevoir les multiples prolongements qu’il serait susceptible de provoquer et les enseignements ou les histoires qu’il pourrait en tirer. Il trouve plus facilement les mots aptes à communiquer son ardeur.

L’enthousiasme colore la personnalité de celui qu’il habite : il va de pair avec l’enchantement et surtout avec la joie. Les enfants doués, dont les qualités transparaissent en de multiples domaines, parfois bien éloignés de l’intelligence pure, sont particulièrement prêts à éprouver de tels sentiments. Ils adorent cette sensation d’être transportés un peu en dehors de soi-même par un spectacle qui peut être simplement un paysage enivrant ou par un tableau, un livre, une mélodie, un film ou une pièce de théâtre. Ils ressentent avec l’intensité qui les caractérise, une vibration spécifique, qui serait comme un écho intérieur à ce que dégage l’œuvre d’êtres humains ou de la nature qu’ils sont en train de contempler. Ils sont touchés par cette harmonie subtile qui les entraîne au loin, là où ils n’auraient jamais songé aller si ce spectacle ne les y avait pas invités.

L’enthousiasme dépasse les sentiments ou bien il les fédère tous pour ouvrir de nouvelles perspectives. C’est une sensation rare et précieuse qu’on doit encourager. Son souvenir combattra efficacement les pensées sombres, moroses et presque désespérées qui envahissent parfois les enfants doués au constat de leur différence et de leur difficulté à s’insérer aisément dans le cours du quotidien. Le rappel de cette joie immense qui les avait envahis à certains moments combattra, victorieusement il faut l’espérer, l’accablement qui les gagne quand ils ne peuvent plus endiguer leurs émotions. Elles les submergent, ils craignent d’être engloutis, mais ils pourront se rasséréner avec le souvenir des moments heureux passés à découvrir des merveilles jusque-là inconnues d’eux ou à ressentir une émotion inhabituelle face à un spectacle nouveau qui les aura touchés au cœur.

Les enfants doués sont, de par leur caractère, enthousiastes

Les sentiments qui les tirent hors de leur quotidien souvent monotone, correspondent à leur nature profonde. Ils ne sont plus exactement les mêmes lorsqu’ils s’adonnent à une activité routinière, même si elle n’est pas désagréable, mais seulement banale, et lorsqu’ils découvrent un univers ouvrant sur des horizons infinis. On doit alors bien se garder de doucher ce bel élan par des paroles qu’on veut objectives et lucides, mais qui éteignent l’enthousiasme par leur triste morosité. Dire « ça te passera » ou bien « tu en reviendras » à un enfant enchanté de découvrir la rigueur d’une loi de physique ou bien l’élégance d’une formule algébrique ébranle son sentiment de satisfaction à l’idée que d’autres découvertes tout aussi passionnantes l’attendent encore. Cet enthousiasme porte en lui la promesse d’une attirance pour un domaine dont l’enfant doué attend un savoir qui lui plaira infiniment. On attend d’ailleurs de l’Ecole qu’elle suscite cet enthousiasme : les professeurs, passionnés par la matière qu’ils enseignent, savent le faire partager à leurs élèves. Les guider dans leur découverte de la finesse de Racine, des splendeurs de Rimbaud, de la rigueur du latin, de la diversité des paysages dans le monde ou encore de la subtilité d’une formule mathématique comble un professeur habité par sa vocation. Il sait qu’il va en réveiller d’autres et que la transmission de ce savoir sera alors assurée.

L’enthousiasme est fragile, il peut retomber s’il n’est pas entretenu : les enfants doués sont souvent incertains par manque de point de comparaison, ils basculent vite dans une tristesse qui sape leur élan. Il ne s’agit bien évidemment pas de prendre au sérieux le moindre frémissement d’intérêt : l’enfant doué ne voudra pas toujours se dédire, il se sentira coincé dans une activité qui ne l’attirait finalement pas tant, mais l’éveil à un domaine qui sera privilégié est d’une autre nature. Il sera source de joies innombrables. Des parents retrouvent parfois une trace de l’élan qui les avait habités autrefois et qui n’a jamais pu se concrétiser, c’est alors avec un enthousiasme retrouvé qu’ils accompagnent ensuite leur enfant dans ce chemin où il s’engage.