Les enfants à la cantine : que mangent-ils vraiment ?

"La nourriture n'est pas bonne", "les dames de services ne sont pas gentilles", "il y a trop de bruit"… Si la cantine ne séduit pas toujours le jeune public, c'est aussi un lieu où l'enfant apprend le sens du partage, à se sociabiliser et à éveiller ses goûts en autonomie.

Les enfants à la cantine : que mangent-ils vraiment ?
© Ian Allenden - 123RF

Certains enfants se plaignant de la cantine mangent peu, voire presque rien. Glisser un en-cas dans son sac, le gronder s'il ne mange pas ou rectifier le tir avec un goûter et/ou dîner consistant... Que faut-il faire s'il ne mange rien, d'après ses dires ? On fait le point avec Sophie Nicklaus, docteur en sciences de l'alimentation, spécialiste du comportement alimentaire de l'enfant et co-auteure du livre "L'alimentation des enfants racontée aux parents", aux Éditions Quæ.

"Il ne mange rien", vraiment ?

Tout d'abord, "êtes-vous réellement certaine que votre enfant ne mange rien à la cantine ? Il peut parfois en "rajouter" s'il sent que vous culpabilisez et que pour vous rattraper, vous êtes prête à lui faire son plat préféré ou à lui donner une double dose de dessert le soir !", dédramatise Sophie Nicklaus qui ajoute "qu'entre l'entrée, le plat principal, le produit laitier et le dessert, l'enfant trouvera bien quelque chose à se mettre sous la dent, surtout qu'à midi, un enfant a faim : il ne va pas se laisser s'affamer". Il faut bien faire la différence entre ne rien avaler et manger quelques bouchées de purée, trois rondelles de tomates et un yaourt. En revanche, mieux vaut ne pas favoriser le grignotage en lui glissant une collation dans son cartable pour la récré : "l'enfant doit apprendre à faire ses quatre repas par jour (petit-déjeuner, déjeuner, goûter et dîner) et doit acquérir de bonnes habitudes alimentaires. De même, ne compensez pas avec un gros goûter au retour de l'école", précise l'experte. Par ailleurs, vous pouvez bien entendu demander à votre enfant s'il a bien mangé, mais s'il répond "non", ne dramatisez pas : peut-être souhaite-t-il simplement couper court à la conversation. En revanche, si le doute persiste ou que cela se répète, renseignez-vous auprès de l'ATSEM ou du personnel de cantine pour s'assurer qu'il n'y a pas de troubles alimentaires sous-jacents.

Réajuster le soir. Si l'enfant mange peu à la cantine, compensez avec les repas du matin et du soir qui doivent toutefois être équilibré. Au petit-déjeuner, donnez-lui un fruit frais, un produit céréalier et un laitage. Au dîner, proposez-lui des légumes, des féculents et une compote. En ce qui concerne la viande ou le poisson, une portion un jour sur deux est suffisante, surtout si l'alimentation de votre enfant comporte d'autres sources de protéines (laitages, légumineuses, œufs, etc).

"Il n'aime pas les légumes", ses goûts peuvent évoluer !

Faire aimer un aliment à un enfant est un travail de longue haleine ! "Habituez-le à goûter le plus de saveurs possibles dès son plus jeune âge car la petite enfance est la meilleure période pour développer son palais", conseille Sophie Nicklaus. Il saura reconnaître certains aliments à la cantine et sera plus enclin à les manger. Toutefois, votre enfant peut refuser catégoriquement de manger des brocolis, des poireaux ou d'autres "trucs" verts et parfois ce, même avant de les avoir goûtés. "Si c'est très probable qu'il rechigne les premières fois son assiette de courgettes, n'hésitez pas à lui reproposer plusieurs fois (20 fois s'il le faut !), sous différentes formes, accompagnée d'une sauce et avec une présentation soignée", conseille la spécialiste qui explique "que l'on apprend à aimer ce que l'on mange avec l'expérience". Ainsi, laissez-le couper le légume, l'éplucher et même le cracher s'il n'aime pas. Aussi, emmenez-le au marché et au supermarché pour qu'il se familiarise avec les légumes, (re)expliquez-lui d'où ça vient : tout ce qui pourra aider l'enfant à comprendre ce qu'il mange lui permettra de se positionner. Cependant, si votre enfant boycotte les brocolis, après les avoir goûtés sous toutes les formes, inutile d'insister : "chaque personne peut avoir quelques aversions", précise-t-elle.

Un espace de sociabilisation

Lorsque c'est possible, commencez par laisser votre enfant à la cantine quelques jours par semaine, il se familiarisera progressivement au lieu et cela lui donnera un rythme et des repères. En plus d'être "fédératrice car on peut discuter de ce qu'on a dans l'assiette, de nos plats préférés et de ceux qu'on déteste", la pause méridienne au réfectoire permet d'apprendre les règles de la vie en société et favorise l'intégration. L'enfant peut s'y faire des nouveaux copains et peut jouer avec eux dans la cour après le repas. C'est aussi un endroit où "l'enfant apprend la différence : il côtoie des enfants de tous horizons, de nationalités et de religions différentes, mais peut aussi échanger avec son petit camarade qui ne mange pas de porc, celui qui est allergique aux noisettes ou celui qui est végétarien par exemple", ajoute-t-elle.

Des initiatives encourageantes

Inciter les enfants à manger sain, varié et avec du goût, c'est possible ! C'est le cas de certaines cantines qui introduisent des produits bio et locaux. Le collège René Coty à Auffay (Haute-Normandie) propose une fois par mois aux écoliers, un repas exclusivement concocté avec des produits durables et issus de l'agriculture locale. Quant au self du lycée Nelson Mandala à Nantes, il prépare 850 menus par jour entièrement bio et français. Ici, les sauces sont faites maison et le pain provient d'une boulangerie. Enfin, la Mimaréla, une crèche située à Lézignan-Corbières (Occitanie) propose des menus quotidiens avec "20 à 30 % de produits cultivés en bio ou a proximité", confie Delphine Le Douarec, l'instigatrice de cette structure, dans le livre de Sophie Nicklaus, pour qui "le repas doit joliment être servi, dans un endroit agréable où les enfants prennent du plaisir". Un potager est accolé à la crèche dans lequel les enfants sont invités à ramasser les fruits et légumes, puis chaque semaine, ils participent à l'élaboration d'un plat, qu'ils dégustent tous ensemble. Des initiatives prometteuses pour Sophie Nicklaus qui estime que "nos cantines scolaires sont un levier extraordinaire pour l'éducation au goût : nous avons un potentiel énorme pour allier recommandations nutritionnelles et plaisir de manger".
 

© Editions Quae

Diversification alimentaire, éducation au goût, comportements alimentaires des ados, obésité infantile... Ce livre passe au crible de nombreuses problématiques liées à l'alimentation des enfants et apporte des réponses et des conseils pour leur donner le goût de bien manger. L'alimentation des enfants racontée aux parents aux Editions Quæ.