Mon enfant adopté ne raconte rien sur l'école

Cécile Delannoy revient sur le silence fréquent des enfants adoptés lorsqu'il s'agit de raconter leur journée d'école...

«Il revient de l’école, je lui demande « qu’est-ce que tu as fait ? Comment ça s’est passé ?». Il marmonne, ou il se tait, mais il ne raconte rien. Je n’arrive pas à savoir ce qui se passe, comment il est, ce qu’il fait »

Quelques parents se reconnaitront et reconnaîtront leur enfant, et pas seulement des parents qui le sont devenus par l’adoption. (Je le précise au passage : on peut devenir parent par conception et accouchement, par IAD, par adoption etc. : ensuite on est parent, parent tout court, parent comme tout le monde). Mais les parents qui ont adopté sont souvent plus inquiets, plus soucieux de savoir ce qui se passe pour leur enfant.

Le sujet est délicat et il n’est pas facile de donner un conseil valable dans tous les cas. En règle générale, il est bon de respecter la séparation des espaces, il est bon que l’enfant puisse montrer à l’école un autre visage que celui qu’il montre chez lui et de se sentir libre de le faire lorsqu’il est «hors regard» de ses parents. L’enfant est un sujet libre, un sujet de droit, et tant qu’il évolue à l’aise dans l’univers social il est bon qu’une partie de sa vie, progressivement, échappe à ses parents. Accompagner la croissance d’un enfant, ce n’est pas tout savoir de lui… il a droit à un jardin secret.

Mais vous percevez bien que j’y mets deux restrictions : «tant qu’il évolue à l’aise», et «progressivement». Si j’incline à penser que nous, parents qui avons adopté sommes trop souvent hyper-protecteurs, un peu envahissants dans la vie de nos enfants, je n’ignore pas non plus que nos enfants ont des fragilités venues de leur passé et qui méritent attention.

Lorsque l’enfant est très agressif à l’école, s’attaque à ses petits camarades, ne parvient pas à y être heureux, un maître d’école attentif sait en général alerter les parents. Il peut y avoir là le signe que l’enfant ne se sent pas en sécurité loin de sa famille, qu’il a peut-être été scolarisé trop rapidement, ou que son statut d’enfant adopté, et souvent d’enfant venu de l’étranger, lui est difficile à porter. Il est bon que les parents l’apprennent et fassent au besoin aider l’enfant. De toute manière, il faut prendre son temps avant de scolariser un enfant à son arrivée, le faire progressivement, rester très disponible pour lui jusqu’à ce qu’il se sente en sécurité dans notre pays et dans notre famille.

Parfois aussi, la situation est inversée : l’enfant est plus heureux à l’école qu’en famille, plus ouvert et joyeux hors de chez lui, là où il peut oublier son adoption, ses souvenirs d’une vie antérieure… Il est très sociable, il se fait facilement des amis, mais accepte mal sa famille : nostalgie d’ailleurs, nostalgie d’avant, regret d’une personne aimée qu’il a dû quitter et difficulté à en parler à ses parents, parce qu’un enfant, même très jeune, a le souci de ne pas leur faire de peine, les protège, les ménage plus qu’on ne peut le croire. C’est donc alors aux parents d’être attentifs, de savoir écouter, de ne pas rejeter le passé loin de leur propre conscience, pour que l’enfant perçoive qu’il a le droit d’être triste, de penser à des êtres chers qu’il a perdus, d’en parler, et que ses parents sont capables d’entendre.

 

Un enfant qui ne raconte rien se protège parfois, il peut aussi avoir peur de n’être pas entendu dans ce qu’il aurait vraiment besoin de dire.