Emmanuel Carrère, héros lunaire Homme de Lettres et Septième Art

Après son service militaire dans la coopération, en Indonésie, il rédige un mémoire sur l'uchronie (l'utopie appliquée à l'Histoire). Don pour l'écriture, passion pour les salles obscures, "état dépressif" revendiqué, il devient "critique de cinéma", rédige des chroniques pour la revue Positif et le magazine Télérama. Il traîne dans des chambres d'hôtel, s'accroche à des relations bancales, tergiverse... Epargné par le malheur, Carrère le cultive. La douleur des individus l'inspire, le stimule. Il se penche sur des cas détraqués car ses inquiétudes sont dérisoires.

Jamais fauché, jamais menacé, c'est un nanti des sentiments, le possesseur d'une richesse inestimable, ravagé par l'anxiété de la perdre. Son premier roman, "L'Amie du Jaguar", est publié chez Flammarion en 1983, les suivants sortiront chez P.O.L.

Sa carrière commence vraiment avec "Bravoure", fondé sur le mythe de Frankenstein, (1984). Elle s'envole avec "La Classe de neige", Prix Femina en 1995 puis Prix du jury à Cannes en 1997 dans son adaptation à l'écran par Claude Miller. En 2000, il publie "L'Adversaire", qui sera mis en scène par Nicole Garcia. Carrère refuse de se laisser enfermer dans une routine, un genre. Il transforme l'angoisse en art. Transgresse. Dans "Un Roman Russe", il confesse "avoir reçu en héritage, l'horreur, la folie et l'interdiction de les dire". C'est, en opposition, quelqu'un qui raconte l'intime, à ses risques et périls.

emmanuel carrère
Emmanuel Carrère © Hélène Bamberger/P.O.L

En 2003, il propose un premier film, "Retour à Kotelnitch". Fruit d'une commande d'Envoyé Spécial, ce documentaire relate le quotidien d'un prisonnier de guerre hongrois, oublié à 55 ans, dans un hôpital psychiatrique. Carrère transforme l'essai en thriller haletant, une enquête socio-policière sur fond de meurtre et de réflexion sur l'identité.

En 2004, Carrère réalise également "La Moustache", un opus kafkaïen, déroutant, dans lequel Vincent Lindon bascule dans le cauchemar pour une touffe de poils. En 2010, Carrère est membre du jury du Festival de Cannes présidé par... Tim Burton !



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