Qui est Daliya Akter, celle qui a inspiré le film MADE IN BANGLADESH ?

C'est sa vie et son combat syndical acharné qui ont inspiré à la réalisatrice Rubaiyat Hossain le long-métrage "Made in Bangladesh", en salles le 4 décembre. Daliya Akter, ouvrière du textile, était à Paris pour accompagner ce beau film. Nous l'avons rencontrée. Portrait.

Qui est Daliya Akter, celle qui a inspiré le film MADE IN BANGLADESH ?
© DR

Assise à côté de sa traductrice, Daliya Akter s'exprime avec un mélange de timidité et d'enthousiasme. C'est la première fois que cette jeune femme, née le 26 décembre 1993 dans la région de Bari Sal, au sud du Bengladesh, vient en Europe. Ce premier voyage à Paris, elle le doit au film Made in Bangladesh de la cinéaste Rubaiyat Hossain, qu'elle a inspirée par sa propre trajectoire d'ouvrière du textile et les combats syndicaux qu'elle a menés. Aînée de sa famille –elle a quatre frères et deux sœurs–, Daliya a grandi dans une extrême indigence, entre une mère femme au foyer et un père intérimaire qui travaillait aussi bien dans la menuiserie que dans le domaine agricole. "Il allait là où on voulait de lui", explique-t-elle en bengali.

Une route semée d'embûches

Enfant, l'intéressée adore l'école. Mais un matin, le coup de massue intervient. Trop désargenté, son père ne peut plus assumer les frais de scolarité. "Il a donc voulu me marier à un de ses cousins. J'avais 12 ans et voulais continuer à étudier. Mon rêve était de devenir policière, d'aider mon pays, mon père, ma famille et de m'en sortir… Si j'étais restée parmi eux, j'aurais été contrainte de me marier et aurais été maman de 8 ou 9 enfants", avoue-t-elle, ajoutant ne pas avoir voulu faire comme sa mère. Laquelle a épousé son père à dix ans. Ou comme sa grand-mère qui s'est unie à son grand-père à sept ans. Daliya prend donc la tangente et, avec l'aide d'un couple d'amis de la famille, rejoint la capitale : Dacca.  

Ses parents fulminent et dans son village, les habitants la traitent de mauvaise fille, l'accusant d'avoir fui pour un garçon. Avec les maigres économies qu'elle a glanées en donnant des cours particuliers, elle survit chez ce couple, quelque part aux abords des bidonvilles. Fait les ménages chez les voisins du dessus, mais sa patronne la gifle pour une broutille. Elle s'accroche. Insiste auprès de ses samaritains, employés dans le secteur du textile. Bientôt, ils lui trouvent un poste dans une fabrique de chaussures. "J'avais 13 ans, je suis très vite tombée malade en raison des conditions de travail déplorables. J'avais la jaunisse. Je suis donc retournée chez mes parents pour être soignée. Mon père était encore plus dans le besoin qu'avant. C'était terrible.

Future politicienne ou diplomate ?  

Quelques années passent, sans promesse ni fracas. Daliya retourne à Dacca en 2002 pour charbonner dans l'industrie textile. Elle obtient un premier emploi qui lui rapporte 5€ par mois à raison de 12 à 13 heures de travail par jour, 7 jours sur 7. Une misère. Un an plus tard, elle change d'entreprise et double son salaire mensuel, qui passe à 11€. "J'ai enchaîné les usines pour augmenter à chaque fois ma rémunération et varier les secteurs : contremaître, confection, etc… En 2006, une importante loi est passée concernant les paies minimales. On est passés à 25€ par mois." Pendant longtemps, Daliya s'exécute, travaille jusqu'à l'oubli de soi, parmi d'autres employés éprouvés, sans se poser de questions, sans se pencher sur le code du travail. Jusqu'au jour où la coupe a débordé. Et Daliya de s'insurger contre les injustices et le patriarcat qui y contribuait.  

"J'ai créé mon syndicat en 2013 et œuvré pour les congés maternité, les congés payés etc… J'ai milité pendant 3 ans. On manifestait devant le siège des journalistes et on les conviait. C'est ainsi que j'ai rencontré une journaliste féministe qui m'a parlé d'une certaine cinéaste", se souvient-elle. En l'occurrence : Rubaiyat Hossain qui s'est passionnée pour Daliya et pour ce formidable mouvement d'émancipation des femmes qu'elle a initiée. Mariée en 2014, divorcée en 2019, elle est désormais mère d'une petite fille. Pour accompagner la sortie de Made in Bangladesh, elle a demandé à son employeur, en Jordanie, des congés. Lesquels lui ont été refusés. "J'ai donc démissionné. Je retournerai au Bengladesh dans l'espoir de travailler au sein d'une ONG et de me battre pour donner de la voix aux ouvrières." Une combattante qui mérite qu'on lui confectionne la plus belle tenue de super-héroïne. Made in le monde entier.

"Made in Bangladesh // VOST"