MADE IN BANGLADESH : trois mots pour un enfer textile

En salles le 4 décembre, le long-métrage "Made in Bangladesh" de Rubaiyat Hossain dépeint les conditions de travail désastreuses des ouvrières du textile. Un film touchant et d'utilité publique qui met en lumière une réalité terrible. Focus.

MADE IN BANGLADESH : trois mots pour un enfer textile
© Pyramide Distribution

Tout commence dans les années 80. Les Etats-Unis et les pays européens délaissent Taïwan et focalisent leur attention sur le Bangladesh, un pays extrêmement pauvre où ils pourront trouver une main-d'œuvre dérisoire et augmenter considérablement leur marge dans le secteur textile.
Quarante ans plus tard, ce petit pays d'Asie est devenu le deuxième plus grand exportateur mondial de vêtements derrière la Chine, mobilisant environ 4 millions d'ouvriers dans près de 4 500 ateliers. On y fabrique ainsi des vêtements pour des marques occidentales mondialement connues comme H&M, Calvin Klein, Gap, Carrefour ou Walmart...
Pour se rendre compte du volume que cela représente, il suffit de se pencher sur ce chiffre : 80. Cela représente le pourcentage des exportations totales du pays. Au total, 60% des habits vendus en Europe proviennent des usines bangladaises.
Mais à quel prix pour ceux qui fabriquent les jeans eu autres t-shirts ? Dans le long-métrage Made in Bangladesh, la cinéaste Rubaiyat Hossain se penche justement avec humanité sur les travailleuses de ce secteur. Inspirée par le parcours de Daliya Akter et de son combat syndical acharné et médiatisé, elle montre ô combien les injustices sont criantes.

Les ouvriers et les ouvrières du textile y sont les plus mal payé.es au monde. Les femmes, parfois mineures, représentent 85% de la force de travail. Quand Daliya a commencé à travailler dans une usine de chaussures, elle touchait 5€ par mois et travaillait tous les jours, week-end inclus, pendant douze ou treize heures. En décembre 2018, le ministère du travail a annoncé une revalorisation du salaire minimum mensuel, lequel est passé de 54 à 82 euros.

Made in Bangladesh : la mort au bout du fil

Forcément, les organisations syndicales ne sont pas satisfaites. Et il y a de quoi.

Mais comment faire quand les récentes manifestations de janvier 2019 ont été lourdement réprimées par la police, engendrant le licenciement d'un millier de grévistes ? 

Au Bangladesh, les liens entre les grands patrons du textile et le parti ultra-majoritaire, la Ligue Awami, sont en effet suffisamment forts pour mettre à mal toute contestation populaire. Une double peine pour celles et ceux qui charbonnent dans des usines installées au cœur d'immeubles souvent construits sans permis, et ne respectant pas toujours les normes de sécurité en termes d'installations électriques, de sorties de secours ou d'absence d'alarmes incendie. Le pays tout entier se souvient encore de la catastrophe du Rana Plaza en 2013, quand un bâtiment industriel abritant plusieurs usines de confection s'est effondré, tuant plus de 1130 personnes.

Le chiffre est à faire frémir d'effroi. Depuis dix ans, plus de 5000 ouvrières ont trouvé la mort dans des incidents liés à l'exercice de leur fonction. Pourtant motivées et enclines à l'émancipation, ces dernières sont néanmoins asphyxiées au quotidien par d'insupportables pressions. Elles sont parfois obligées de travailler sans interruption jusqu'à minuit, amputées de leur vie de famille.

Régulièrement, celles qui s'insurgent et qui refusent cet état de fait se voient inviter à prendre la porte.

Un système capitalistique violent que Rubaiyat Hossain combat, à sa petite échelle, en donnant un visage, un souffle, une lumière et de belles couleurs à des femmes courageuses. Des super-héroïnes qui ne demandent pas La Une. Juste du confort dans le travail.    

"Made in Bangladesh // VOST"