Faille judiciaire, levée du secret médical : Nicole Belloubet crie halte aux violences faites aux femmes

Ils sont 65 médecins à se mobiliser en faveur des victimes de violences et demandent à être "le premier recours" de ces femmes. Si la garde des Sceaux, Nicole Belloubet avoue des "dysfonctionnements" judiciaires, elle se dit favorable à la levée du secret médical.

Faille judiciaire, levée du secret médical : Nicole Belloubet crie halte aux violences faites aux femmes
© ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Déjà 135 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint ou ex, en 2019 : c'est beaucoup plus qu'en 2018, où l'on dénombrait 121 victimes. Aujourd'hui, 65 médecins se mobilisent pour éradiquer les violences faites aux femmes.
Dans une tribune publiée par L'Obs ce lundi, ils demandent à devenir le"premier recours de la femme victime".
D'après la thèse du Docteur Marie Le Bars,"un médecin généraliste reçoit en consultation, sur une moyenne de 25 patients par jour, entre 2 et 3 femmes victimes de violences conjugales".
Un constat qui, pourtant, n'apparaît pas dans l'enquête du Centre Hubertine Auclert, qui nous apprend que, sur les 11 centres médico-psychologiques interrogés par l'association, tous déclarent ne "jamais" ou "rarement" recevoir des femmes victimes de violences, lit-on dans L'Obs.
Cet écart entre les faits observés et la réalité pourraient s'expliquer par un manque de moyens, bien qu'il existe un outil de dépistage, le W.A.S.T (Woman Abuse Screening Tool), un questionnaire simple et claire, et aussi un manque d'assistance. C'est pour cette raison que les signataires de la tribune souhaitent la mise en place des 4 points suivants : 

  • "Reconnaissons le médecin comme personne ressource, premier recours de la femme victime
  • Nous, médecins, saisissons-nous systématiquement de ces outils de dépistage
  • Que l'on nous accorde la possibilité de nous former à ces outils aussi bien en formation initiale que continue
  • Que soient financés par les ministères concernés (santé, universités, droits des femmes), des dispositifs de réseaux de prise en charge coordonnée associant professionnels et associations, pour notamment assurer ces formations."

Violences faites aux femmes : les médecins doivent-ils sortir du silence ? 

Mais pour le docteur Gilles Lazimi, généraliste signataire de cette tribune et membre de l'association SOS Femmes 93, le problème ne réside pas seulement dans les cabinets médicaux. "Combien de fois avons-nous incité les femmes à porter plainte, et combien de fois ont-elles été mal reçues ?"
Si la Secrétaire d'Etat pour l'Egalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa et la ministre de la Justice Nicole Belloubet se disent favorables à la levée du secret médical pour mieux aider les victimes, le médecin met en cause la Justice et ses conclusions. Interrogé par 20 Minutes, il se dit contre cette décision qui reviendrait "à rompre le lien de confiance" avec la victime. "Le médecin doit accompagner la femme en respectant son choix, c'est elle qui doit porter plainte". 

Pourtant, dans une interview accordée au JDD, Nicole Belloubet a avoué les "dysfonctionnements" de la machine judiciaire mis en lumière par le rapport de l'Inspection générale de la Justice, entrepris depuis le mois de juin. Cette étude approfondie de 88 dossiers d'homicides et tentatives d'homicides conjugaux en 2015 et 2016, pointe du doigt les nombreuses failles du système. "

Dans 35 % des cas, les forces de l'ordre et la justice n'avaient été saisies d'aucune plainte avant le féminicide. Mais dans 65 % des cas, elles l'étaient", déclare la garde des Sceaux au journal.

Mais pour elle, les médecins doivent également jouer un rôle auprès des victimes "qui ne peuvent saisir la justice". Elle ajoute : "Il est nécessaire de dépasser le secret médical. Ça fait appel à l'éthique du médecin : s'il voit qu'une femme se fait massacrer, ça me choquerait qu'il ne le dise pas". 

Une série de 24 recommandations a été établie grâce aux conclusions du rapport de l'Inspection générale de la Justice, pour "mieux prendre en charge les victimes".