Viols et torture au commissariat de l'horreur : ces Maliennes racontent
C'est un fardeau qu'elles portent depuis sept ans... A Tombouctou, des villageoises ont été violées, mariées de force et torturées par un commissariat de police islamique, (pseudo)autorité religieuse créée par Abdoulaziz Al-Hassan, membre du groupe terroriste Ansar Dine, dont le procès s'est ouvert le 30 septembre.
Il suffisait qu'elles sortent quelques instant pour tomber dans les griffes de ces hommes haineux et connaître le pire. Fouettées, violées, persécutées sans raison : les femmes de Tombouctou ont vécu dans la violence quotidienne, de surcroît autorisée par une autorité pseudo-religieuse créée de toute pièce pour justifier ses horreurs.
Nous sommes en 2012, lorsque les terroristes prennent d'assaut la ville du Nord-Mali : les habitants sont attaqués par deux groupuscules terroristes, Ansar Dine et l'AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique).
Entre tueries et pillages, un homme nommé Abdoulaziz Al-Hassan, profite du chaos pour s'autoproclamer commissaire du commissariat de police islamique, une autorité qui, sous couvert de suivre les préceptes de l'Islam, punit les femmes et les réduit à l'état d'esclaves sexuels.
Sept ans après, le traumatisme est toujours là, mais l'espoir de voir celui à l'origine de ces barbaries rendre des comptes se profile. En effet, le 30 septembre dernier, ce Touareg originaire du Mali et membre du groupe armé terroriste Ansar Dine, a été accusé par la Cour Pénale International de "crimes de guerre" et de "crimes contre l'humanité" pour des faits commis entre avril 2012 et janvier 2013.
Bintou Samaké, présidente de l'association Wildaf (Women in Law & Development in Africa) résume au Monde : "Celles qui ne s'étaient pas bien couvertes, celles qu'on voyait en compagnie d'un homme qui n'était pas leur mari, celles qui étaient prises en train de faire le commerce des produits de beauté… Toutes ces femmes étaient arrêtées, battues et envoyées à la prison pour femmes. Et dans cette prison, elles étaient violées".
Torturées, violées, séquestrées : les témoignages glaçants des Maliennes
La plupart n'étaient que de jeunes filles lorsqu'elles ont été mariées de force puis violées. Dans les pages du Monde et sous couvert d'anonymat, elles ont souhaité révéler quelques détails du calvaire qu'elles ont subi. L'une d'entre elles, 20 ans à cette époque, raconte être sorti pour aller faire des courses pour sa famille : elle a été fouetté sur la place du marché pour ne pas s'être couvert la tête d'un voile. Après une deuxième sortie pour faire des emplettes, la jeune femme reçoit deux demandes en mariage, qu'elle décline.
Viendra une troisième qu'elle ne pourra refuser. "Ils sont venus de force, parce que c'est la loi du plus fort", explique-t-elle.
Une fois mariée contre son gré, elle est emmenée chez cet homme qui l'enferme pendant deux semaines et la viole chaque soir... Un jour, le terroriste décide de divorcer d'elle pour reprendre de plus belle avec une autre fille...
D'après Fatou Bensouda, procureure à la Cour Pénale Internationale, ces unions sont célébrées religieusement pour justifier le viol et sont une forme de "récompense" pour les jihadistes. Certains n'hésitent pas à se cotiser pour la dot de la future mariée et... A se partager la mariée, avec qui ils ont des rapports sexuels chacun leur tour.
La Justice rend son verdict sept ans après les faits
Si les femmes de Tombouctou ont gardé le silence durant ces sept années, elles parlent et demandent aujourd'hui que justice soit faite. D'après l'association Wildaf, 173 femmes n'ont pas eu recours à une aide psychologique et/ou physique, malgré les sévisses qu'elles ont encourus et les grossesses non désirées. Le nombre de victimes est inconnu mais les associations parlent de milliers de femmes.
De plus, aucun terroriste n'a été inculpé pour viols bien que le principal bourreau, Abdoulaziz Al-Hassan, a finalement été jugé. "S'il n'avait pas ouvert le commissariat islamique, tout ça ne serait pas arrivé", conclut une des victimes au Monde.
Si la ville malienne a été sauvée du joug des extrémistes par l'armée française début 2013, le pays est toujours en proie à des épisodes violents. "Aucune femme ne peut monter dans un bus entre Gao et Bamako sans risque de violence physique ou sexuelle", précisait l'an dernier Alioune Tine, expert indépendant sur la situation des droits humains au Monde.
Le Mali est toujours gangrené par les conflits armés et la menace terroriste, notamment dans les zones désertiques comme le Sahel.