La haine en ligne, enfin freinée par la loi ? Controverses, débats et déception

En débat depuis plus d'un an dans l'Hémicycle, la proposition de loi contre la cyberhaine a finalement été adoptée par les députés le 13 mai 2020. Beaucoup d'incertitudes demeurent quant au champ d'action de la nouvelle législation...

La haine en ligne, enfin freinée par la loi ? Controverses, débats et déception
© ocusfocus

Pendant la période de confinement, l'organisme d'étude Statista a révélé que les propos haineux et discriminatoires sur les réseaux sociaux avaient plus que doublé par rapport à la même période en 2019. Pour tenter d'endiguer ce fléau, l'Assemblée Nationale a adopté le 13 mai dernier, une loi ajoutant de nouvelles règles à respecter sur les plateformes d'échanges.
Le texte, porté par la députée LREM Laetitia Avia (dans la tourmente à cause de diverses accusations sur ses comportements supposément xénophobes) prévoit,  à partir de juillet, d'obliger les plateformes et moteurs de recherche à retirer sous 24 heures les contenus "manifestement" haineux, à savoir l'injure, l'appel à la haine contre des personnes en raison de leur religion, orientation sexuelle ou origines.

Une loi qui responsabilise Google, Facebook, Twitter...

Si les acteurs visés ne répondent pas à cet impératif, ils encourent une amende pouvant aller jusqu'à 1, 25 million d'euros. La loi demande également à ce que les plateformes soient transparentes sur les moyens et résultats obtenus, et accordent leur collaboration totale, notamment en matière de protection des mineurs. Le tout sera contrôlé par le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel).

Régulation ou censure ?

La proposition de loi, déposée le 20 mars 2019, a fait l'objet de nombreuses critiques de la part des élus comme des instances de régulation comme le Conseil national du numérique ou la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Tous dénoncent le fait que ce texte délègue à des entreprises privées (et étrangères) l'arbitrage et le contrôle sur ces manifestations haineuses en ligne. Une des dérives possibles, expliquent les opposants, serait que les moteurs de recherche et modérateurs des réseaux censurent à outrance des contenus, qu'ils soient considérés comme illicites ou non.

Infographie: La haine s'installe sur les réseaux sociaux | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

D'autres voix se sont élevées dans l'Hémicycle le 12 mai, en partie à cause du caractère de la loi, sans lien direct avec la pandémie du Covid-19. Elle a été adoptée en dernière lecture, sans que l'ensemble des députés aient pu retrouver leurs sièges à l'Assemblée. Les élus communistes ont choisi de boycotter la séance, dénonçant un "fonctionnement inacceptable".

Cédric O : "L'État doit fixer des règles"

Épinglée par Médiapart pour des propos racistes et homophobes qu'elle aurait tenu en présence de ses collègues, Laetitia Avia se défend de porter "haut et fort [le] combat contre le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie sur Internet", comme elle l'exprimait sur Twitter en février 2019. Pour la députée LREM et le secrétaire d'État au numérique Cédric O, ce texte a "atteint" l'équilibre entre liberté d'expression et "efficacité": "Nous ne pouvons plus compter sur le bon vouloir des plateformes. À l'État de fixer des règles claires", a déclaré Cédric O devant ses collègues.

Alors que la majorité et que les députés de l'UDI-Agir ont voté en faveur de la loi, les socialistes se sont abstenus, et les élus de la France Insoumise et du Rassemblement national ont violemment rejeté le texte. Le groupe Les Républicains prévoit de saisir le conseil constitutionnel, pour corriger selon eux, une loi qui porte"atteinte à la liberté d'expression".