Maisons de Mode Lille-Roubaix : découverte de jeunes créateurs Ch'tis

Dans les Hauts-de-France, à Lille et Roubaix, de jeunes créateurs rejoignent chaque année l'incubateur Maisons de Mode, avec un seul objectif en tête : remporter le grand prix décerné lors du défilé annuel. Voyage au cœur d'une ruche de talents dopée au maroilles.

Maisons de Mode Lille-Roubaix : découverte de jeunes créateurs Ch'tis
© Maisons de Mode

Depuis dix ans, à la rentrée, la structure Maisons de Mode organise les 48 heures de Maisons de Mode. Le temps d'un weekend, les locaux de l'espace d'expositions de la Gare Saint-Sauveur se consacrent à la mode. Vendredi 15 septembre avait lieu l'édition 2017 avec, en invitée d'honneur, la créatrice Barbara Bui. Lors d'un défilé très attendu, les créations de toutes les marques incubées deviennent les stars du catwalk, avant de laisser place aux célébrations du week-end. Marché de créateurs, ateliers et course Glam run en talons aiguille. Près de 20.000 personnes sont attendues à chaque édition.
Plus qu'un festival de mode, l’événement est aussi une compétition avec la remise de différentes récompenses aux créateurs présents : prix d'honneur Barbara Bui, de la Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin, du Printemps, des salons Who's Next et Première Classe entre autres. La dernière récompense de la soirée est la plus attendue : le grand prix Maisons de Mode, soit un chèque de 25,000€ dont rêvent tous les participants.

Maisons de Mode, un accélérateur de talents 

Au-delà de cet événement festif, l'association Maisons de Mode, créé en 2007 par les mairies de Lille et de Roubaix, accompagne les créateurs toute l'année. "Quand on démarre une activité, c'est bien de pouvoir s'entourer, de se sentir soutenu. En plus on n'a pas forcément toutes les clés en main en démarrant une entreprise." C'est pour toutes ces raisons que Fanny Dheygere, fondatrice de la marque de vêtements sportswear Ninii, a choisi de rejoindre l'incubateur en 2015, après présentation d'un dossier et grand oral devant un jury de professionnels.
Dès leur arrivée au sein de la structure, les nouveaux se divisent en deux groupes : ceux qui reçoivent directement les clés de leur première boutique-atelier et ceux qui occupent un bureau dans les locaux de Maisons de Mode, pour faire mûrir leur projet.
S'en suivent des rendez-vous bilans avec la direction, mais aussi du coaching comptabilité, juridique, communication et sourcing des matières et des fabricants. Côté créatif, les locaux mettent à disposition un atelier de modélisme permettant la réalisation concrète de plusieurs projets. L'année est aussi rythmée par les salons professionnels parisiens pour lesquels l'incubateur prend en charge une partie des frais : Maison & Objet, Who's Next... aucun aspect n'est mis de côté pour offrir le meilleur tremplin à leurs poulains. 

Une ouverture sur le lifestyle

Jusqu'ici réservé aux créateurs de prêt-à-porter femme, homme, enfant et aux accessoires, Maisons de Mode a récemment choisi d'ouvrir le projet aux créateurs lifestyle : fragrance, design d'objets et décoration entre autres. Une décision qui montre une fois encore que la frontière entre mode et lifestyle se fait de plus en plus poreuse et ce, autant dans le luxe (Alessandro Michele chez Gucci) que chez les enseignes plus "mainstream" (COS, Zara, H&M, Gémo, & Other Stories pour ne citer qu'elles).
Pour Emmanuelle Axer, co-directrice de Maisons de Mode, cette ouverture était normale et nécessaire : "Pour nous le lifestyle, fait partie de la mode. Ce n'est pas parce que ce n'est pas du textile en tant que tel que ça n'en est pas. Les objets suivent aussi des courants, on voit d'ailleurs du prêt-à-porter sur des salons comme Maison & Objet. C'est de la création, ce n'est pas que de l'artisanat."
Pour Barbara Bui également, l'art de vivre et la mode sont totalement compatibles. Elle nous explique : "C'est l'avenir ! Mais de toute façon quand on aime faire de la création, on peut la faire aussi bien dans les vêtements que dans le design. Par exemple j'ai trouvé magnifique toute la porcelaine qui a été montrée ce soir". Il n'en fallait pas plus pour que, nous aussi, nous allions voir de plus près cette créatrice dont le travail a été diffusé sur des écrans pendant le défilé. Portrait de Sophie Masson.

  • © Sophie Masson Porcelaine
    La créatrice : Styliste de mode de formation, Sophie Masson a toujours travaillé la porcelaine à côté. Mais elle ne faisait que du décor sur de la porcelaine déjà existante. Très vite, elle se sent à l'étroit dans les formes proposées et décide de créer les siennes. Saladier asymétrique, bol en porcelaine papier, timbale émaillée, ses pièces authentiques sont toutes réalisées à la main à Roubaix puis sérigraphiées dans la région.
  • Sa marque en quelques mots : "Ce que j'aime, c'est travailler avec des créateurs mais aussi des illustrateurs ou des peintres et trouver l'association parfaite. Je collabore déjà avec Sophie Bøhrt, une designer que j'adore sur Paris. À présent, je souhaiterais en découvrir d'autres qui m'apporteraient autre chose."
  • Notre pièce coup de cœur : Le saladier sérigraphié "Puntilla" à 75€ à retrouver ici.
  • Le prochain défi de la marque : "Faire un carton à Maison et Objet."
  • Celui à qui elle aurait attribué le grand prix : "Sainte Courtisane, mais j'ai adoré les manteaux d'Edie Grim, j'adore Ninii aussi".
  • Site internet / e-shop : sophiemasson.com
  • Instagram : instagram.com/sophiemassonporcelaine

Les success stories de l'incubateur

Parmi toutes les marques passées par l'incubateur, deux d'entre elles ont réussi le pari de l'entrepreneuriat et font la fierté de Maisons de Mode.

La marque de bijoux Justine Clenquet le rejoint en 2012 et ouvre sa boutique-atelier à Roubaix. Mais c'est surtout en ligne que son univers underground et glam-rock fait mouche. Chaque bijou, soigneusement assemblé à la main par Justine, est envoyé aux quatre coins du monde. En collaborant avec le concept-store américain Opening Ceremony, sa griffe fait le plein de clients internationaux si bien qu'aujourd'hui, elle réalise 80% de son chiffre d'affaires à l'étranger. De plus, ses produits se retrouvent au premier rang des défilés ou sur des scènes de concert : Lady Gaga, Sofia Richie et Chiara Ferragni, entre autres, ont déjà craqué pour elle.

Frustré de ne pas trouver de nœud papillon à son goût pour un mariage, Rémi Duboquet décide de coudre lui-même le sien. Très vite, il en coud deux, puis trois, puis vingt, si bien que sa compagne, Clémence Yon, décide de créer un blog pour les vendre. Le Colonel Moutarde est né. Le couple intègre Maisons de Mode en 2014 et ouvre la première boutique spécialisée dans les nœuds papillons et accessoires pour homme à Lille. Aujourd'hui, la marque est devenue une référence pour les futurs mariés.

Ces entrepreneurs, qui ont commencé sans réel budget et avec pour seule arme une motivation de fer, sont désormais à la tête d'entreprises florissantes qui embauchent et qui se font un nom sur la scène nationale voire internationale. Preuve que le Nord, autrefois terre de la production textile, n'a rien perdu de son héritage et de son esprit créatif.

Nos cinq créateurs coups de cœur

Gamme Blanche - Bijoux

  • La créatrice : Après un BTS en stylisme dans le Nord, une année de communication de mode à l'Institut Chardon Savard à Paris et quelques expériences de styliste photo, Marine Penet décide de lancer sa marque de bijoux. Elle intègre l'incubateur en 2017 et remporte deux prix à l'issue du défilé. 
  • Sa marque en quelques mots : "J'ai créé Gamme Blanche il y a un an environ, principalement par passion pour les pierres fines et ce, avec un style minimaliste. Ce que je préfère faire, c'est mettre en valeur la pierre plus que le bijou en lui-même pour un résultat simplifié et épuré. Je dessine toutes les pièces chez moi à Lille et, ensuite tout est fait à Jaipur. Je choisis avec les artisans les pierres que je vais utiliser puis, ils s'occupent des prototypes et de toutes les étapes de fabrication. (Très attachée à l'éthique de sa marque, Marine a choisi des ateliers indiens qui n'emploient aucun enfant et avec qui elle travaille dans une démarche 100% éco-responsable et commerce équitable). Moi je fais l'image et l'idée du bijou. J'ai actuellement dix points de vente, dont un en Allemagne, deux à Bruxelles et le reste en France. Je vends en ligne et j'utilise aussi beaucoup Instagram pour communiquer sur mon image et celle de ma marque" 
  • Notre pièce coup de coeur : La bague duo LUNA, avec ses pierres en onyx et quartz brut posée sur du laiton plaqué en or champagne, à 65€ à retrouver ici.
  • Le prochain défi de la marque : "Ouvrir la boutique à Lille et faire une soirée d'inauguration en novembre. Je vois ma boutique comme un lieu qui ramène une communauté, j'ai envie de créer un vrai gang. J'aimerai également m'exporter encore plus à l'international. J'ai déjà eu la chance d'être publiée dans Madame Figaro Japon et j'ai eu énormément de commandes par rapport à cette publication. La clientèle étrangère semble très intéressée." 
  • Celui à qui elle aurait attribué le grand prix : "Yannic Hong, qui ne fait que des vêtements blancs et minimalistes, un peu dans la même esthétique que moi." 
  • Site internet / e-shop : gamme-blanche.com
  • Instagram : instagram.com/gammeblanche


Laila Soares - Prêt-à-porter femme et bijoux

  • La créatrice : Laila Soares, Brésilienne, fait des études d'art et s'intéresse très tôt au rôle du vêtement dans l'expression de l'identité de chacun. Au Brésil, elle travaille sa propre marque de prêt-à-porter tout en créant pour d'autres. Arrivée à Paris, elle s'associe à Grégory Busson et crée une marque à son nom. En 2015, elle intègre l'incubateur et remporte le grand prix. Un an plus tard, elle est contactée par Mademoiselle Agnès et réalise une collection capsule pour l'enseigne Tati.
  • Sa marque en quelques mots : "Je voulais des vêtements adaptables pour des femmes créatives, que les filles puissent dé-zipper les pièces et jouer avec. C'est surtout ça le fil conducteur. Les pièces sont assez structurées et imaginées pour des femmes qui assument leur identité et qui n'aiment pas les vêtements trop commerciaux".
  • Notre pièce coup de cœur : La robe en maille "Thays" à manches longues (ci-dessous), qui peut se transformer en simple top avec une jupe et dont les manches sont amovibles (il y a donc six façons différentes de la porter !) à 425 euros à retrouver ici.
  • Le prochain défi de la marque : "Avoir des points de vente en France. Pour l'instant on est implanté à Dubaï, en Allemagne, mais j'aimerais être présente aussi sur le territoire français pour avoir affaire directement à ma clientèle. J'aimerais aussi pouvoir proposer des prix plus accessibles. L'idéal pour moi serait de trouver l'équilibre. Pour l'instant, tout est fabriqué en France mais, forcément, c'est plus cher. J'essaie d'avoir le meilleur prix pour du "Made in France". Mes chemises sont à 450 euros et certains de mes manteaux montent à 1 200 euros alors que j'aimerais ne pas dépasser les 1 000 euros. C'est donc la prochaine étape : avoir plus de quantités pour pouvoir baisser les prix".  
  • Celui à qui elle aurait attribué le grand prix : "Justine Clenquet car elle possède la marque qui monte le plus et qui est la plus structurée pour l'instant à Maisons de Mode. Je trouve que l'argent attribué par cet organisme doit être un coup de pouce à un moment où on est en train de grandir parce que c'est là qu'on a besoin d'investir le plus."
  • Site internet / e-shop : lailasoares.shop
  • Instagram instagram.com/lailasoares_ls
 

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Edie Grim - Bar à manteaux

  • La créatrice : Depuis toute petite, Héloïse Grimonprez vagabonde au milieu des rouleaux de tissu en laine fabriqué dans l'usine familiale. En 2015, c'est en hommage au prénom de sa grand-mère, Edith, qu'elle décide de créer sa marque de prêt-à-porter et accessoires, tout en proposant un concept inédit : le bar à manteaux.
  • Sa marque en quelques mots : "Edie Grim c'est un bar à manteaux. Nous avons un large choix de tissus et des formes de manteaux intemporelles. Tout est personnalisable, de la forme à la longueur, en passant par la doublure et le tissu extérieur. Je réalise aussi des petites séries de pièces qui sont disponibles à tout moment."
  • Notre pièce coup de cœur : Le manteau "Albert" en laine et fils de lurex argenté à 330 euros à retrouver ici.
  • Celui à qui elle aurait attribué le grand prix : "J'aime beaucoup Laila Soares. Ses produits sortent de l'ordinaire et j'aime son univers".
  • Site internet / e-shop : ediegrim.com
  • Instagram : instagram.com/ediegrim

KSRT Studio - Prêt-à-porter femme et accessoires

  • Le créateur : Après des études de comptabilité, de graphisme et une pratique régulière du kite-surf, Alexandre Nicaud Cassart rejoint ESMOD Paris, où il apprend toutes les bases du stylisme-modélisme. Une spécialisation en accessoires plus tard, il fait quelques stages avant de vouloir monter sa propre griffe.
  • Sa marque en quelques mots : "Elle s'appelle KSRT Studio. C'est une marque de maroquinerie, de bijoux et de vêtements essentiellement concentrée sur le travail des matières techniques" (son goût pour les matières brutes lui vient notamment de sa passion pour le kite-surf ndlr).
  • Notre pièce coup de cœur : Le top blanc échancré "Handle with care" qui a déjà tapé dans l’œil de Vanity Teen.
  • Le prochain défi de la marque : Fraîchement intégré à l'incubateur, Alexandre a remporté le grand prix 2017 et les 25,000 euros promis au vainqueur. De même, il a aussi été plébiscité pour le prix coup de cœur du public. "J'espérais gagner de tout mon cœur et je suis très heureux. Je vais m'en servir pour acheter des matières , réaliser la prochaine collection et travailler ma communication."
  • Celui à qui il aurait attribué le grand prix :"Dans mes préférés il y a Sainte Courtisane […] si j'étais une femme c'est ce que j'aimerais porter".
  • Site internet / e-shop : ksrtstudio.com
  • Instagram : instagram.com/ksrtstudio
 

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Ninii - Prêt-à-porter et accessoires

  • La créatrice : Formée à l'école des arts appliqués et du textile de Roubaix ainsi qu'à l'école Massana de Barcelone, Fanny Dheygere, ch'timi jusqu'au bout des ongles, a toujours baigné dans la mode. Styliste, spécialiste de la sérigraphie textile et directrice artistique pour une marque d'accessoires, il ne lui manquait plus que l'étiquette de créatrice de sa propre griffe pour compléter son CV.
  • Sa marque en quelques mots : "C'est une marque plutôt jeune à l'esprit sportswear et pleine d'humour à travers les motifs et les thèmes abordés. On a une collection complète dédiée au thème "food". Je trouvais ça rigolo de pouvoir mélanger le côté mode et l'aspect nourriture. On propose donc un top cornet de frites mais aussi de belles broderies salami. Toujours dans un esprit fun, nous utilisons des matières sportives comme le lycra et le néoprène. J'ai envie de véhiculer l'idée que la femme peut être féminine tout en portant des vêtements confortables".
  • Notre pièce coup de cœur : Le bomber "Fairy Tales" avec ses patchs décalés sur les manches à 290 euros à retrouver ici.
  • Le prochain défi de la marque : "Pour l'instant, Ninii est présente sur certains points de vente en Asie, au Canada et aux Pays-Bas. L'idée c'est vraiment de pouvoir développer la marque en Asie parce que je pense que c'est une marque qui plaît beaucoup à cette clientèle, avec le côté très "kawaii" et en même temps "Made In France". Ils sont très friands de ce genre de choses".
  • Celui à qui elle aurait attribué le grand prix : "À Ninii évidemment (rires) ! Il faut promouvoir la création française et la fabrication roubaisienne !"
  • Site internet / e-shop : ninii.fr
  • Instagram : instagram.com/niniiworld
 

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