Dior printemps-été 2021 : à plus forte raison

Pleine de sagesse mais aussi de confort et de joliesse, la collection Dior printemps-été 2021 de Maria Grazia Chiuri démontre que l'élaboration du vêtement peut aider celle de la pensée. Le tout avec la grâce qu'on lui connaît.

Réconcilier le fond et la forme, rhabiller la mode de valeurs, voila le credo de Maria Grazia Chiuri. Pour sa collection Dior printemps-été 2021, la directrice artistique fait un pas de côté par rapport à ses engagements féministes pour prôner une réflexion et une remise en question plus large, par le biais du vêtement. Elle n'en fait pas moins appel à un ensemble exclusivement féminin d'artistes pour tenir un défilé toujours plus proche de l'installation artistique. Des vitraux-collages monumentaux de Lucia Marcucci, une signature sonore "vocero", chant funèbre corse, proféré avec puissance par une chorale de femmes et enfin, pour aller plus loin, un court-métrage signé Alina Marazzi, constituent le décor richement référencé de ce show singulier.

Car le monde et la mode entrent ensemble dans l'âge de raison chez Dior. Pour assister à ce spectacle, il faut montrer masque, offrir son front à la sentence du thermomètre et s'asseoir en se tenant à bon écart sous les vitraux monumentaux qui achèvent de rendre humble les invités qui le sont souvent peu. Organiques et puissantes, les voix féminines croisées de la chorale plongent l'assemblée dans une atmosphère grave. Pourtant, rien de la complexité de ces éléments ne vient alourdir la collection.

Bien au contraire, Maria Grazia Chiuri libère, allège la silhouette qui respire l'aisance et le confort. Et pour cause, dans le communiqué de presse, elle cite les mots de Germano Celant "[la coupe] intervient sur les conventions traditionnelles de la représentation et de la vision d'un corps ou d'une chose et produit une nouvelle sensation." En parfaite adéquation avec cette pensée, la créatrice emprunte le langage vestimentaire pour façonner une ambiance sereine, insuffler une dynamique souple et plaisante, adaptée à notre époque contrariée.

A plat, les mannequins flottent gracieusement dans des robes qui semblent envelopper les corps de caresses, ne tenant qu'à quelques smocks qui viennent structurer la silhouette. Grands pantalons, chemises subtilement architecturées et longues vestes volumineuses respirent le confort. Du côté des coloris, les tons naturels comme l'indigo, le beige ou le vert s'assemblent avec un panel de motifs variés (cachemire, fleuri, tie and dye) qui invitent à la créativité et l'assemblage. Le show s'achève avec l'intrusion d'une militante du mouvement Extinction Rebellion et sa bannière "We are all fashion victims", parodiant un des slogans de la marque. La scène laisse penseur. Chez Dior, en ce début d'après-midi pluvieux dans le jardin des Tuileries, la mode avait pourtant tout l'air d'avoir les pieds sur terre.