Les clients les plus réguliers paient le prix fort : la face cachée des programmes de fidélité
Tout le monde tombe dans le piège : derrière les points, les cadeaux et les réductions, les programmes de fidélité aspirent les portefeuilles des clients les plus fidèles.
À chaque fois, c'est le même scénario : on donne son numéro à la caisse, on scanne un code sur son téléphone, on cumule des points à chaque passage. En échange, quelques réductions, des produits gratuits, des invitations exclusives. Mais, en réalité, ces cartes de fidélité ne servent pas qu'à récompenser. Elles enregistrent tout : ce que vous achetez, quand, à quel prix, et même à quelle fréquence vous profitez des promotions.
Ainsi, chaque achat devient une information. Les enseignes savent si vous êtes plutôt impulsif ou rationnel, si vous achetez au prix fort ou seulement en promo, si vous êtes fidèle à une marque ou prêt à changer au moindre rabais. Ces profils permettent alors de prédire votre comportement et d'ajuster les offres en conséquence. C'est là qu'apparaît un phénomène encore peu connu : la "tarification basée sur la surveillance". Mark Weinstein, expert en protection de la vie privée, la résume ainsi : "Elle consiste pour les entreprises à utiliser vos données personnelles pour déterminer le prix d'un produit ou d'un service."
En clair, au lieu d'afficher le même tarif pour tout le monde, les marques calculent ce que vous seriez prêt à payer. Et les exemples ne manquent pas. Un membre du programme Starbucks a constaté que son application proposait moins de promotions les mois où il buvait plus de café. Les compagnies aériennes, elles, ajustent déjà les tarifs selon les profils. "Deux personnes assises côte à côte [dans un avion] ont souvent payé des prix très différents, non seulement parce qu'elles ont réservé à des moments différents, mais aussi parce que l'algorithme, surpuissant grâce à l'intelligence artificielle, a évalué différemment leur disposition à payer", explique Mark Weinstein.
Dans la distribution, même logique. Amazon modifie le prix moyen d'un produit toutes les dix minutes. Ces écarts ne sont pas des erreurs : ce sont des tests permanents pour voir jusqu'où le client peut aller sans renoncer à l'achat. Rien d'illégal ici. C'est de la "discrimination tarifaire", une vieille pratique du commerce, simplement perfectionnée par la technologie. "Ce qui a changé, dit Mark Weinstein, ce sont les moyens qu'elles déploient désormais pour obtenir vos données et la manière dont elles les utilisent." Les cartes de fidélité, devenues applications connectées, sont au cœur du dispositif. Le système ne crée donc pas la fidélité : il la repère, la mesure et la rentabilise.
En clair, le fidèle n'est pas toujours récompensé. Il devient parfois la référence tarifaire, celui sur qui l'entreprise peut compter, même sans réduction. Pendant que les nouveaux venus profitent de promotions, les habitués, eux, paient plein pot, persuadés de faire une bonne affaire. À eux de comparer les prix et d'ouvrir les yeux pour vérifier si l'offre en vaut la chandelle...