Experte en développement, je recommande de ne jamais punir son enfant pour ce comportement
Face à certaines réactions d'enfants qui semblent inacceptables, la punition paraît être le réflexe logique. Pourtant, dans un cas précis, ce serait une erreur. Pire : un contresens éducatif.
Raphi a huit ans. Depuis plusieurs semaines, il rentre de l'école de plus en plus tendu. Dans la cour, un autre élève le harcèle. Il le suit, le provoque, lui vole ses affaires. Il va jusqu'à gribouiller ses livres. À la maison, Raphi commence à s'énerver pour un rien. Sa mère s'inquiète, son père aussi. Jusqu'au jour où leur fils craque. Ce jour-là, dans la cour, il explose. Et là, ce n'est plus Manu, le petit persécuteur, qui est sanctionné. C'est Raphi. Il a crié, insulté. Et ça, ça ne passe pas.
Sa mère est alors partagée entre une forme de gêne face à son fils et la conscience que tout cela ne sort pas de nulle part. Pour Laurie Gozlan, spécialiste de l'éducation émotionnelle et suivie sur Instagram sous le compte @_petit_deviendra_grand_, ce type de réaction parentale est très courant. Lorsqu'un enfant se met en colère, ce n'est pas un caprice ou une attaque contre l'adulte. C'est souvent une façon de dire que quelque chose ne va pas. Selon elle, punir à ce moment-là revient à étouffer le seul outil dont l'enfant dispose pour faire comprendre qu'il souffre. Pire : cela revient à lui apprendre à ne plus se défendre. À ne plus réagir. À se taire.
Ce que Laurie Gozlan propose à la place, c'est d'écouter et de parler. "Il y a une phrase que je recommande souvent aux parents, parce qu'elle change tout : 'Je ne cautionne pas ce que tu as fait, mais je comprends pourquoi tu l'as fait, et je ne suis pas fâchée'." Cette nuance change la donne. Elle autorise l'enfant à exister dans ce qu'il ressent, tout en l'aidant à poser des limites à ce qu'il fait. La colère, dit-elle, peut devenir un levier. "C'est une énergie puissante, qui protège. Elle surgit quand on est blessé, quand on sent que ce qui se passe est injuste. L'enfant qui la ressent exprime quelque chose de très profond : sa dignité."
Dans le cas de Raphi, l'école n'a pas su entendre cette dignité. Elle a vu un enfant qui explose, pas un enfant à bout. Et sa mère, désemparée, a failli suivre le mouvement. Pourtant, lorsqu'elle en parle à Laurie Gozlan, une autre lecture s'impose. Celle d'un enfant qui, pour la première fois, a osé dire non. Maladroitement, certes. Mais clairement. "Je suis fière de toi, car enfin, je vois que tu comprends ta valeur", propose l'experte en exemple de ce qu'on peut dire dans ces moments-là. "Personne n'a le droit de te maltraiter, ni de te manquer de respect." L'objectif n'est pas de laisser un enfant répondre à tout par la violence, mais de lui apprendre que ses émotions ont du sens. Dans ce sens, la colère ne devrait jamais être punie.
Laurie Gozlan propose des jeux et des dialogues pour canaliser cette force et en faire quelque chose de constructif. Elle parle de "confiance", d'"élan vital", de "respect de soi". Pas de "bonne conduite" ou de "comportement adapté". Il s'agit d'aider un enfant à ne pas perdre le contact avec ce qui lui permet de se sentir en sécurité.