Des entreprises qui aident les pères à gérer vie professionnelle et personnelle
Le 16 septembre, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des Femmes, a reçu des associations, employeurs et chercheurs dans le cadre d'un colloque sur l'articulation des temps de vie, notamment sur le point de vue des pères et les engagements des entreprises. A l'issue du colloque, une convention a été signée avec l'Observatoire de la parentalité en entreprise.
Un colloque qui débute avec un constat sous la forme d'un sondage, réalisé pour le Ministère des Droits des Femmes par l'IFOP, sur un échantillon représentatif : 89 % des Français sont favorables au partage du congé parental, mais 58 % d'entre eux pensent que l'aide apportée aux hommes dans les entreprises n'est pas suffisante pour leur permettre de s'impliquer dans leur vie de père. Dans son introduction, la ministre rappelle quelques chiffres : "84 % des Français reconnaissent véhiculer des stéréotypes sexistes, mais 98 % des Français pensent aussi que les autres le font plus qu'eux" ! Et c'est bien de cela dont il a été question durant le colloque, les hommes pâtissant, eux aussi, de stéréotypes dont il leur est difficile de se défaire et qui mettent à mal leur implication dans la parentalité.
Des hommes prisonniers des stéréotypes Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, co-auteure du rapport sur "Le poids des normes masculines sur la vie professionnelle en entreprises" réalisé pour l'Observatoire sur la responsabilité sociétale en entreprise a constaté une "litanie des 3 D" : Déni/dépit/Désir. Les hommes se vivraient ainsi comme prisonniers des normes et seraient sujets à une double dépossession de la sphère publique et privée : ils ne sont plus reconnus à la hauteur de leur investissement en entreprise, et dans le même temps, le modèle du père a évolué côté vie privée. Pourtant, ils sont animés par le désir : les jeunes pères souhaitent remettre en perspective les domaines professionnel et personnel, faire évoluer leur investissement dans ces domaines. Sylviane Giampino, psychanalyste, psychologue, spécialiste des questions de conciliation entre la vie professionnelle/ familiale et le développement de l'enfant, et co-auteure du rapport sur "le poids des normes masculines sur la vie professionnelle en entreprises" a apporté sa vision des choses : "Les hommes aiment toujours le travail, mais le travail aujourd'hui aime-t-il encore les hommes ? Le travail devient un lieu de sacrifice (...) et la vie de famille, ce vers quoi ils se tournent parce qu'ils sont plus sensibles. Les hommes sentent que le travail ne tient pas ses promesses, que le couple n'est pas une garantie pour eux, mais les enfants demeurent une valeur sûre". Les femmes aussi ont évolué dans leurs attentes : "Elles ont renoncé au fantasme de la wonder woman. Elles veulent partager" . Sylvianne Giampino voit dans les 6 mois de congé parental pris par le père une opportunité pour le père de jouer un nouveau rôle.
Des actions menées en entrepriseFace à ces constats, des initiatives sont menées et des associations et entreprises ont pris la parole pour expliquer comment le monde du travail peut donner une place au père. Ainsi, Antoine de Gabrielli, Fondateur de l'Association Mercredi C papa expose la nature de son action : "Cette association d'hommes a pour vocation de montrer aux hommes que l'égalité professionnelle est bénéfique pour les hommes". Et d'évoquer 3 axes de discours que l'association tient aux managers, dans le cadre de son projet "Happy men" : d'abord, l'égalité professionnelle contribue à la performance des organisations publique et privée. Ils doivent donc être "supportifs" de cette égalité. Ensuite, les hommes baignent dans les stéréotypes qui peuvent se transformer en préjugés, puis en discrimination. En tant que managers, leurs pratiques influent directement sur l'égalité professionnelle. A eux de devenir "de bons managers dans ces domaines" a -t-il expliqué. Enfin, les moyens de l'égalité professionnelle sont les mêmes leviers d'un meilleur épanouissement familial des hommes : ainsi, "ce qui est favorable à l'égalité professionnelle est favorable pour eux, à la maison". Laurent Depond, Directeur de la Diversité, Orange, présente une mise en place de ces principes au sein de son entreprise. De cercles de discussions en prises d'engagements, chez Orange les hommes apprennent à devenir des Happy Men et à réussir vie personnelle et professionnelle en faisant la promotion de l'égalité en entreprise. Orange mise aussi sur la communication pour faire passer de telles idées : sur la possibilité de profiter de jours maladie pour les enfants, par exemple. Chez Bouygues construction, Didier Rabiti, responsable diversité et égalité des chances, explique l'engagement de l'entreprise dans un milieu très masculin : Bouygues construction a en effet participé à l'étude sur le "le poids des normes masculines sur la vie professionnelle en entreprises". Dans cette entreprise, les retours des employés sur les questions posées dans le cadre de l'étude ont été d'une part, "une forte attente des hommes en matière de parentalité", et d'autre part "une forte censure des hommes qui n'osent pas exprimer leur souhait de s'impliquer dans leur rôle de père". Ce qui a permis d'agir, par exemple par la promotion en interne du congé paternité, avec pour effet direct un taux passant de 60 % à 90 % de congés pris. La tâche n'est pas finie pour autant, un des champs d'action restant la lutte contre le présentéisme.
Le colloque s'est conclu avec la signature, entre Jérôme Ballarin, Président de l'Observatoire de la parentalité en entreprise et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des Femmes, d'une convention pour l'accompagnement des pères en entreprise. L'occasion d'expérimenter avec des entreprises pilotes la conversion de Comptes Epargne-Temps (CET) en Chèque Emploi Service Universel (CESU) et, dans des PME, l'organisation de groupes de travail pour partager les bonnes pratiques.