Zika et grossesse : des retards moteurs et cognitifs chez les bébés

Selon une étude menée en Colombie, les fœtus exposés au virus Zika pourraient présenter des retards de développement.

Zika et grossesse : des retards moteurs et cognitifs chez les bébés
©  © mrfiza

Qui aurait cru qu'un simple moustique pourrait effrayer le monde ? Depuis mai 2015, l'épidémie à virus Zika inquiète les populations d'Amérique latine et des départements français d'outre-mer. Apparue au Brésil, elle se propage rapidement, via un moustique du genre Aedes, cousin du moustique tigre. Lorsqu'une personne infectée est piquée par le moustique, celui-ci est contaminé et peut à son tour transmettre le virus lors d'une autre piqûre. Mais la transmission du virus peut aussi s'effectuer par voie sexuelle ou périnatale, lors de l'accouchement ou par le placenta notamment.

Des risques de retards moteurs et cognitifs chez les bébés

Une étude menée en Colombie auprès de 70 bébés nés entre 2016 et 2017 jusqu'à l'âge de 18 mois révèle que les enfants, d'apparence normale à la naissance, pouvaient présenter de légers retards dans les étapes de développement. En effet, selon les résultats de l'enquête publiée dans la revue Jama Pediatrics, les bébés dont la mère avait été infectée par le virus Zika pendant sa grossesse auraient davantage de difficultés que les autres enfants pour se retourner, s'asseoir, grimper les escaliers ou encore se mettre à quatre pattes. Les chercheurs notent également des retards au niveau cognitif et social (lancer une balle, dire coucou...). "Ce sont des retards qu'on ne remarquerait pas forcément, à moins de faire des tests spécifiques" rassure l'auteure de l'étude et neurologue pédiatrique Sarah Mulkey. D'autres études seront nécessaires pour évaluer les conséquences du virus Zika sur les enfants, notamment lorsque ces derniers auront atteint l'âge de 5 ou 8 ans. Au Texas, une étude publiée en décembre 2019 précisait par ailleurs qu'un vaccin, en phase de test, pourrait protéger les futures mamans.

Zika et microcéphalie : quels risques pour le bébé ?

Selon des chercheurs de l'Institut Pasteur qui ont analysé les données de l'épidémie Zika entre 2013 et 2014 en Polynésie française, le risque de microcéphalie "est de l'ordre de 1% pour un fœtus ou un nouveau-né dont la mère a été infectée par le virus Zika durant le premier trimestre de sa grossesse" alors que ce risque n'est que de 0,02 % en temps normal. Pour autant, ce niveau reste faible par rapport à d'autres types d'infections virales. Par exemple, "lorsqu'une femme enceinte est infectée par la rubéole durant le premier trimestre de grossesse, le risque de complication grave est évalué entre 38 % et 100 %", ajoutent les spécialistes. Néanmoins, la rubéole ne touche que 10 femmes enceintes par an tandis que la proportion de personnes infectées durant une épidémie de Zika peut dépasser 50 %. D'où la nécessité de se protéger durant les premiers mois de la grossesse.

Zika pendant la grossesse : quels risques pour les femmes enceintes ? 

Au Brésil, une recrudescence de cas de microcéphalies foetales ou néonatales ont été identifiées chez les nouveau-nés dont les mères ont été infectées pendant qu'elles étaient enceintes. Des chercheurs américains ont également mis en évidence un lien biologique entre le virus Zika et les microcéphalies chez le fœtus dans une étude publiée dans la revue Cell Stem Cell. Par ailleurs, selon des chercheurs (CNRS) de Toulouse, le virus peut passer à travers le placenta ou via la circulation sanguine. Si le virus Zika est connu pour provoquer des microcéphalies, il est désormais aussi suspecté d'être impliqué dans l'apparition d'arthrogrypose, selon une étude brésilienne publiée le 9 août dans le British Medical Journal. Ce sont en effet sept nourrissons dont la mère avait été infectée par le virus Zika durant la grossesse, qui sont touchés par cette maladie neuromusculaire caractérisée par des déformations et des raideurs articulaires. Mais ces bébés souffrent également tous de calcification cérébrale, c'est-à-dire d'une accumulation de calcium dans le cerveau. L'hypothèse des chercheurs est que le virus Zika provoque des anomalies neurologiques, qui entraînent alors l'apparition d'arthrogrypose

Quelles sont les recommandations pour les femmes enceintes dans les pays touchés ? 

Dans les pays touchés par le virus Zika, il est recommandé aux femmes enceintes d'éviter toute grossesse pendant cette phase épidémique et d'utiliser un préservatif lors des rapports. Mais nombre d'entre elles n'ont pas accès aux moyens de contraception. C'est ce qu'a souligné l'ONU, en demandant aux pays concernés d'autoriser l'accès des femmes à la contraception et à l'avortement. "Comment peuvent-ils demander à ces femmes de ne pas tomber enceintes, mais ne pas leur offrir la possibilité d'empêcher la grossesse", avait alors déclaré à la presse la porte-parole Cécile Pouilly. Par ailleurs, l'OMS a décidé de renforcer ses recommandations : toute personne provenant d'une région infectée par le virus Zika doit avoir des rapports protégés au moins six mois après son retour dans le pays (contre 8 semaines), qu'elle présente ou non les symptômes.

Comment se protéger du virus Zika quand on attend un bébé ? 

Rappelons qu'il n'existe aucun traitement contre les symptômes de type grippal causés par le virus Zika, qui peut aussi provoquer chez l'adulte des éruptions cutanées, une conjonctivite avec une douleur derrière les yeux ou encore un œdème des mains et/ou des pieds. Des antalgiques tels que le paracétamol peuvent être prescrits en cas de douleurs, mais aucun vaccin n'est disponible. Toutefois, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l'épidémie de Zika constituait une urgence de santé publique de portée internationale. Il est aussi recommandé d'utiliser des moustiquaires et des produits répulsifs par prévention, dans les pays touchés par l'épidémie, et de consulter son médecin en cas de doute. 

Quelles recommandations pour les femmes enceintes en France ? 

Il est recommandé aux futures mamans de "différer leur voyage en Martinique, en Guyane et dans les territoires d'outre-mer" en raison de "l'épidémie sérieuse" du virus Zika et des risques pour le bébé. "Dans des cas limités, la maladie peut être très grave avec des effets neurologiques, et, pour les femmes enceintes, des complications, des malformations pour leur bébé" avait déclaré Marisol Touraine. Au cas où les futures mamans ne peuvent ou ne souhaitent pas différer leur voyage, "elles doivent renforcer les mesures de protection antivectorielles et les bonnes pratiques relatives à l'utilisation des produits insecticides et répulsifs". Un renforcement du suivi médical est recommendé ainsi qu'une meilleure prise en charge des femmes enceintes vivant dans les zones à risque. Enfin, en cas de découverte à l'échographie d'anomalies congénitales, un bilan sera effectué pour en définir la cause. 

Quels sont les modes de transmission de la mère à l'enfant ?

La transmission sexuelle du virus Zika est prouvée, mais probablement négligeable par rapport à la transmission vectorielle. Par ailleurs, ce mode de transmission doit être pris aussi en considération dans les zones d'endémie. Le conseil national professionnel de la gynécologique obstétrique recommande "l'emploi du préservatif pour les femmes enceintes ou en âge de procréer en zones d'endémie, ou dont le compagnon est suspect d'être infecté". Suite à la découverte de traces du virus dans le sperme d'un Italien six mois après l'apparition des premiers symptômes, l'OMS a également préconisé le port d'un préservatif de manière prolongée. "Les hommes et les femmes revenant d'une zone où le virus zika est en circulation doivent pratiquer le sexe à moindre risque ou s'abstenir de tout rapport pendant au moins 8 semaines, voire six mois pour les hommes présentant des symptômes". Fin septembre 2016, des chercheurs ont de plus montré que le virus était présent à l'intérieur même des spermatozoïdes, ce qui pose la question d'un contrôle des donneurs de sperme. Enfin, deux modes de transmission de la mère à l'enfant ont été mis en évidence par des chercheurs de Toulouse en octobre 2016. Selon eux, le virus peut se propager à travers le placenta, des tissus maternels vers le fœtus, ou par transmission sanguine. 

Les jeunes mamans peuvent-elles continuer à allaiter ?

Les mamans atteintes du virus Zika peuvent continuer à donner le sein à leur bébé, estime l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui a pourtant rappelé le cas de deux mères contaminées chez lesquelles le virus avait été détecté dans le lait maternel. "Il n'y a actuellement aucune preuve d'une transmission de Zika à des enfants à travers l'allaitement maternel" avait déclaré l'OMS aux autorités des pays touchés par le virus Zika. "Au vu des preuves existantes, les bénéfices de l'allaitement maternel pour l'enfant et la mère surpassent tout risque de transmission du virus Zika à travers le lait maternel". 

"Le lien entre Zika et la microcéphalie scientifiquement prouvé"