Faut-il communiquer le chiffre du QI de son enfant ?

Cette question est rituellement posée par les parents : faut-il transmettre le chiffre et à qui ? Conseils...

La sagesse incite à répondre qu’il est préférable de ne  pas transmettre ce chiffre : il est utile aux parent, car il les aide à situer leur enfant et à mieux connaître ses points forts et ses points faibles. Il leur fournit surtout une grille de lecture permettant de mieux comprendre et de dédramatiser ses réactions en les replaçant dans un contexte qu’ils apprennent à découvrir. Aussi, il ne suffit pas de savoir que ce QI est supérieur à 130 (il y a un monde entre 130 et 155), il faut aussi savoir comment se distribuent les notes.

Une toute autre lecture des chiffres risque d’être faite par des personnes moins concernées par le bien-être de l’enfant doué, même si elles s’en défendent.

L’enfant lui-même risque de ne pas bien saisir la signification de ces chiffres : il demande « sur combien ? » puisque pour lui un chiffre est une note. On a vu le spectacle pitoyable et affligeant d’enfants suivant une classe spécialisée proclamer leur QI et le commenter face à une caméra de télévision, comme s’il résumait la définition qu’ils pouvaient formuler d’eux-mêmes.

En revanche, on doit bien lui expliquer que son cerveau va vite, qu’il s’intéresse pour le moment à plus de sujets que ses camarades et qu’il peut mener plus loin un raisonnement, mais les autres réussissent là où il est encore pataud, et on précise qu’on est enchanté d’avoir un enfant tel que lui.

Donner le chiffre exact à un enfant peut s’avérer une source infinie de problèmes s’il faut ensuite faire passer un test à ses frères et sœurs.  Même s’il n’y a pas de rivalité déclarée, il est certainement pénible de savoir que, dans la fratrie, on est le moins bien loti.  La marque est profonde, pratiquement inguérissable, alors que, en apparence,  l’enfant semble finir par s’en accommoder. Il ne sert à rien de s’adresser à des psychologues différents, puisqu’il s’agit du même test : c’est la première question que poseront les enfants  à leurs parents après la restitution de la passation. Une hiérarchie s’instaurerait alors, avec des réactions imprévisibles qui étonneront même les parents, pourtant généralement aguerris face à ce genre de situations. Leurs enfants sont semblables et différents, ce qui est heureux.

Il est tout aussi dangereux de communiquer ce chiffre aux proches : on risque de réveiller d’anciennes querelles, des rivalités enfouies, mais toujours vivaces, et de gâcher une harmonie enfin établie. Parfois même surgissent de surprenantes rancunes qu’on n’aurait jamais soupçonnées. En outre, pour peu que les parents effleurent l’idée qu’ils se sont parfois reconnus dans leur enfant, leurs propres parents pourraient y voir un reproche déguisé : ils auraient failli à leur rôle en ne s’intéressant pas à cet aspect particulier. Ou bien, ils ont tenté de le faire mais il n’y a pas eu de suivi : le test est resté parmi tout un fatras de papiers qu’il faudra bien trier un jour…

Transmettre ce chiffre à l’école est également périlleux : il arrive qu’on soit contraint de le donner, pour étayer une demande de saut  de classe par exemple, mais l’interlocuteur doit être bienveillant et, de préférence sensibilisé au problème. Malgré tout, mieux vaut ne pas le laisser dans un dossier, on ne sait jamais qui peut y avoir accès au cours de la scolarité et l’usage qui en sera fait alors.  Il y aura toujours un esprit éminemment critique pour remettre en cause une donnée chiffrée et en faire le reproche à l’enfant qu’on affecterait de croire réduit à ce seul chiffre, de surcroît contestable par un esprit fort. En outre, cet esprit fort ne cherchera pas du tout à se renseigner sur les caractéristiques des enfants doués, il verra là une lubie de parents crédules, abusés par des psychologues sans scrupule. L’esprit fort connaît bien la psychologie des enfants et sait que les « surdoués » sont extrêmement rares, immédiatement repérables grâce à toutes sortes de symptômes, le plus souvent quasi pathologiques.

Bien évidemment, les Associations s’occupant des enfants doués ont besoin de ce chiffre, ce qui est heureux : rien n’est plus bénéfique pour les enfants doués que la fréquentation de semblables. C’est alors l’enfant parfaitement à son aise parmi les enfants de sa classe d’âge qui pourrait se sentir décalé et peut-être même malheureux. L’amitié est plus sûre, plus solide et plus fiable entre pairs : ils se comprennent sans avoir besoin de fournir toutes sortes d’explications qui, d’ailleurs, risqueraient de ne pas être comprises dans leur vraie signification par ceux qui sont étrangers à cette spécificité.

Il est également souhaitable que les personnes qui s’occupent d’un enfant doué soient renseignées sur son fonctionnement particulier : les orthophonistes, rééducatrices spécialisées en motricité ou en graphisme par exemple, les thérapeutes et les psychologues, tous  tenus au secret professionnel  ne risquent donc pas de communiquer ces chiffres, mais il n’est pas de très bon augure concernant leur traitement précis s’ils ignorent les caractéristiques des enfants doués. De par leur profession, ils devraient les connaître : même si ce sujet n’a pas été abordé au cours de leurs études, ou bien d’une façon tellement biaisée qu’elle fausse toute véritable compréhension, leur pratique doit les inciter à approfondir leurs connaissances.

Le parcours des enfants doués est, en effet, souvent jalonné par des thérapies rendues nécessaires par leurs spécificités. Que ce soit un graphisme maladroit, une gaucherie surprenante dans les actes de la vie quotidienne, (l’illustration la plus courante est fournie par ces fameux lacets résistant obstinément à toute tentative d’utilisation par un enfant doué classique) ou par des questions reflétant une angoisse existentielle, les raisons pour un enfant doué d’être suivi par un spécialiste sont multiples. Un spécialiste qui ne prendrait pas en compte les particularités de l’enfant doué qu’on lui confie risque de méconnaître sa nature profonde, faussant ainsi son approche, au détriment de l’efficacité de ses soins.

De surcroît, l’enfant doué a besoin de se sentir reconnu et compris, sinon il se tient dans une prudente réserve, peu propice à une évolution satisfaisante de ses difficultés. Il doit se sentir en confiance, apaisé par l’image qu’on lui renvoie de lui  et apprécié pour ses qualités afin de bénéficier pleinement de l’aide qu’on lui apporte.

Il arrive qu’un simple bilan en orthophonie, en graphothérapie, en rééducation de la motricité ou encore un examen psychologique suffisent pour éclairer l’enfant sur lui-même et atténuer de façon parfois spectaculaire les signes qui avaient motivé une intervention.

Un portrait lumineux de lui-même dissipe alors ses inquiétudes, celles de ses parents, il peut poursuivre sa route d’un pas plus assuré parce qu’il aura été accompagné par des guides attentifs, soucieux de lui permettre de donner sa pleine mesure.