Le sens des responsabilités des enfants doués

Les enfants doués, qu'on qualifie si souvent d'immatures, possèdent en réalité un sens aigu des responsabilités. Pour eux, être une personne bien définie, c'est être responsable, les deux vont de pair.

Le sens des responsabilités des enfants doués
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Cette conscience d'être une personne à part entière est renforcée par la capacité des enfants doués à pouvoir très tôt dialoguer normalement avec les adultes de leur entourage : ces derniers ne songeraient jamais à s'adresser à eux dans un langage enfantin, ce jargon bêtifiant surprendrait tous les interlocuteurs, surtout l'enfant doué qui chercherait autour de lui où se trouve le bébé auquel on s'adresse. Ils savent qu'ils occupent une place un peu différente au sein de leur famille à cause de leur expérience trop courte de la vie, mais ils saisissent si bien les sentiments et les émotions des personnes qui les entourent qu'on peut considérer qu'ils sont d'une extrême maturité dans certains domaines.

S'ils perçoivent que leur présence est nécessaire, simplement par l'affection qu'ils expriment, ils ne se déroberont jamais : tenter d'apaiser une tristesse, d'aider à combattre des idées trop noires ne les découragent pas, ils pensent, sans même y réfléchir, que ces interventions rentrent dans leurs attributions, parfois ils se comportent comme s'ils étaient venus au monde justement pour remplir cette mission.

Etre "un grand garçon"

Ils connaissent aussi les limites de leurs pouvoirs : il arrive qu'un petit garçon qu'on morigène sans songer à la portée qu'auront ces paroles, explose avec violence. On lui a simplement dit en réponse à un caprice absurde ou à un comportement surprenant "tu es maintenant un grand garçon" pour qu'il soit envahi par une angoisse incoercible en hurlant qu'il ne veut pas être un grand garçon. Il a vu autour de lui des "grands garçons", ils ont des responsabilités, ils prennent des décisions, ils s'occupent de choses compliquées en s'y appliquant avec toute leur science. Ils sortent seuls dans la rue, ils n'ont pas peur et ne se perdent pas. Lui sait à peine lire et pas du tout écrire, il compte sur ses doigts et commet des erreurs. Citadin, il n'arrive même pas appuyer sur le bouton trop haut placé pour appeler l'ascenseur et on lui dit qu'il est "un grand garçon" ! C'est à croire que ses parents ne le voient pas du tout tel qu'il est, faible et ignorant, ils s'imaginent avoir donné naissance à un prodige, possédant une science infuse. La situation est encore plus angoissante pour lui s'il n'y a pas de présence masculine effective à la maison. Etre un "grand garçon" signifie être chargé de toutes sortes de responsabilités, confuses et abstraites dans son esprit, mais qu'il sait complètement hors de sa portée.

Un enfant moins imaginatif, pour qui la notion de responsabilité reste encore tellement théorique qu'il ne la conçoit même pas, sera heureux et flatté de s'entendre qualifié de "grand garçon".  Il y verra seulement la confirmation qu'il n'est plus un bébé, sans penser une seule seconde que cette assertion s'accompagne de tout un ensemble d'obligations à remplir. S'entendre dire qu'on est une "grande fille" n'impliquerait pas autant de devoirs contraignants vis-à-vis de la société : si c'est sa mère qui le lui dit, elle reste son modèle et peut lui apprendre comment se comporter, et si c'est son père, il ne s'attend pas, en principe,  à ce qu'elle agisse en adulte. Toutefois, on a tous en tête l'histoire de ces très jeunes filles qui se sont pratiquement sacrifiées durant de longues années pour s'occuper de leurs frères et sœurs. Elles n'étaient pas submergées par leur imagination inquiète, elles devaient affronter une  réalité exigeante sans avoir le choix. Il ne s'agit plus d'une construction imaginative à partir d'une remarque qui semblait anodine pour son auteur.
Dans certains cas, les enfants craignent de trahir l'un de leurs parents en guerre, ils choisissent alors la voie la plus sage : ils ne parlent pas. S'ils sont très jeunes, on conclut à un retard du langage et on consulte une orthophoniste, nécessaire lorsque ce retard s'accompagne de troubles de l'articulation pour le rendre encore plus crédible et plus sûr.

Cet enfant prudent et conscient des dégâts qu'il pourrait provoquer en bavardant étourdiment renforce encore sa protection en rendant son langage incompréhensible. On peut toujours l'interroger, il répond avec une bouillie verbale impossible à décrypter. Malheureusement, il lui faudra bien un jour se décider à adopter un langage clair, mais il restera toujours extrêmement discret dans son expression verbale. Ce langage réduit est attribué à ses difficultés d'apprentissage et on n'en cherche pas plus avant les causes. De la part de cet enfant précautionneux, il s'agit d'une défense instinctive, c'est la seule qu'il peut utiliser sans qu'on s'inquiète outre mesure dans son entourage, puisque les remèdes sont faciles à appliquer. Lui-même ne sait pas précisément pourquoi il met du temps pour s'exprimer facilement, c'est bien plus tard et sans doute guidé par des psychologues ou autres qu'il comprendra les raisons de ce retard. Il est d'ailleurs préférable qu'il les connaisse et les intègre pour éviter de conserver de lui cette image amoindrie d'enfant presque retardé. De toute façon, il ne sera probablement jamais très bavard.  Censurer son discours est devenu chez lui une seconde nature. 

Dès son plus jeune âge, il a été dépositaire des secrets de ses parents, il savait d'instinct ce qu'il ne fallait pas dire alors qu'il ignorait encore tout des aléas de l'existence. On pourrait penser que ce rôle très lourd ne convient pas à un jeune enfant  et pourtant, ils sont nombreux à connaître cette situation : pour un adulte,, elle entraîne une responsabilité énorme.  Un mot de trop et des orages peuvent se déchaîner. On sait que les enfants doués sont capables d'envisager les pires catastrophes si un orage  éclate.  Ils n'en sont que plus prudents et préfèrent de loin qu'on attribue leur soit disant retard de langage à de toutes autres causes. Leur protection et celle de leurs parents est ainsi mieux assurée. 

Le sens des responsabilités chez les enfants doués est incommensurable.  Il s'inscrit dans leur conception de l'existence qui peut très vite être empreinte d'un sérieux difficile à concevoir.

Conseils :

  • Garder présent à l'esprit ce sérieux propre aux enfants doués quand ils se trouvent mêlés à des conflits entre adultes.
  • Se souvenir qu'ils comprennent comme une injonction impérative une remarque que son auteur pensait banale et sans portée.
  • Ne pas sous-estimer les fruits de leur imagination vite orientée vers les catastrophes
  • Et surtout, éviter de leur faire supporter un poids trop lourd parce que leur maturité leur permet de saisir l'ampleur d'un drame et ses éventuelles conséquences dans toute leur horreur.