Le devenir des enfants doués
Les parents des enfants doués ne manquent pas de sujets de préoccupation et, même s’ils sont parvenus à trouver des solutions acceptables pour résoudre la plupart des problèmes, il en reste un qui leur échappe complètement : que deviendront plus tard ces enfants trop sensibles, souvent décalés, se fondant difficilement dans un groupe ordinaire ?
Tant que leurs parents veillent, interviennent, réparent et consolent il y a toujours des remèdes possibles, mais, une fois adultes et livrés à eux-mêmes, ces enfants devenus grands, ne vont pas demander de l’aide à leurs parents dès qu’ils auront l’impression d’être en péril.
Les descriptions que l’on donne ici ou là du marasme où plongent les adultes doués ne sont pas très encourageantes, mais il faut se répéter qu’il s’agit d’adultes qui n’ont pas été identifiés comme doués dans leur enfance, ou bien, s’ils ont passé un test, son résultat n’a pas été pris en compte. Il n’y a pas eu d’avant et d’après, cet éclairage-là a été occulté. C’est tout juste si l’enfant enfin reconnu dans sa spécificité s’est entendu dire «avec tes capacités il n’y a aucune raison pour que tu aies de mauvaises notes, alors travailles !» et on ajoute «si tu échoues, tu l’as bien voulu !», ignorant totalement les méfaits de trop de facilité, sans oublier la phrase assassine «les enfants doués s’en sortent toujours».
Parfois, les parents sont pris dans une tourmente qui leur fait oublier ce test, d’autant plus que l’enfant doué l’est plus que jamais lorsqu’il faut se sacrifier pour éviter d’accroître encore le bouleversement de ses parents, égarés au milieu des orages qui s’abattent sur eux.
Ceux qui n’ont pas passé de test et se retrouvent, adolescents, en difficulté voient leur trajectoire de rêve dévier et sombrer tandis que leur image se fracasse.
Personne n’est venu secourir ces naufragés, il leur faut attendre de rencontrer quelqu’un qui leur raconte leur histoire comme elle s’est passée véritablement pour qu’ils la comprennent grâce à un éclairage plus cohérent.
Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit d’un enfant reconnu comme doué et dont les parents s’emploient à l’accompagner avec tous les soins d’un amour attentif. C’est cette attention qui ne se dément jamais qui permet à l’enfant de se construire solidement. Certes, il va tout de même devoir affronter les inévitables malentendus qui font si mal. On ne doit pas s’imaginer que la notion de don, surtout quand il est intellectuel, puisse être toujours compris par tous.
Si la confiance est totale entre parents et enfants et surtout si l’enfant ne cherche pas à ménager ses parents en leur cachant ses blessures, la réparation est efficace : l’enfant sait alors qu’il peut faire face à des situations périlleuses, il trouvera toujours réconfort, chaleur affectueuse et apaisante, et surtout compréhension, dans le havre de paix que représente le foyer. Cette assurance lui procurera une force assez ancrée en lui pour conserver son efficacité, même beaucoup plus tard, lorsque les parents ne sont plus là pour réparer ou ne le peuvent plus.
Dans son enfance, après chaque attaque, assuré de se reconstituer, de s’apaiser, de retrouver son intégrité, il a pu se forger à loisir un efficace système de défense, ses parents l’y aidant avec toute leur expérience.
Un tel contexte assure une grande solidité, il permet à la force que tout individu doué possède en lui, de s’affermir pour devenir une de ses principales caractéristiques.
On a tendance à oublier la valeur de cette force intérieure capable de surmonter les obstacles, de se reprendre après un choc, de savoir trouver les plus minuscules points d’appui pour repartir. La trop grande sensibilité apparaît surtout comme une fragilité, mais elle procure aussi des ressources inconnues.
L’effroi des parents serait accru par le souvenir de leur propre expérience. Le déroulement est habituel : ils se reconnaissent dans leur enfant, ils retrouvent alors des souvenirs désagréables dont ils comprennent enfin la nature à la lumière de leurs connaissances nouvellement acquises à propos de leur enfant et ils craignent par-dessus tout qu’il suive le même parcours frustrant et douloureux.
Première évidence, tellement claire qu’on la néglige : ils ne ressemblent pas à leurs parents, ces derniers ne possédaient pas leurs connaissances sur le sujet, elles étaient d’ailleurs beaucoup moins répandues. Dans le temps, il y avait bien quelques articles, quelques émissions de TV à grand fracas, mais trop isolées pour répandre durablement ces notions, il fallait mener des recherches précises et savoir comment les orienter. La situation est maintenant totalement différente, internet a tout changé, plus personne ne se sent isolé avec un enfant qui ne ressemble pas aux autres, les parents ayant l’impression d’être les seuls à le comprendre, pourtant avec une clarté absolue et sans hésitation, tandis que ceux dont c’est la profession semble parfois ignorer totalement la bonne grille.
L’essentiel est bien que l’enfant se voit renvoyer de lui une image cohérente et fidèle : il y a maintenant suffisamment de littérature à ce sujet pour trouver des évocations précises et explicites.
L’écueil majeur peut alors être évité et la catastrophe, qui a anéanti les espoirs des adolescents doués non reconnus lorsqu’ils ont commencé à trébucher, être combattue dès son amorce. Elle peut même être prévenue longtemps auparavant, les mises en garde abondent, elles ne risquent pas d’être ignorées. La notion d’effort ne doit jamais être négligée, elle ouvre la voie à toute réussite.