"Paraître trop sûr de soi est toujours risqué" : la confiance en soi chez les enfants doués
On se plaît à imaginer les personnes douées, enfants ou adultes, comme des êtres suffisants, imbus d'eux-mêmes puisque persuadés de posséder le savoir et la raison de toutes choses.
Cette image caricaturale arrange bien ceux qui ont du mal à concevoir la réalité du don : en réduisant ceux qui en sont dotés à une image tellement négative, on justifie le rejet qu'ils peuvent provoquer. Ils sont responsables du harcèlement, des moqueries et des malentendus qu'ils provoquent. Plus " normaux ", ils seraient acceptés sans difficulté au sein de n'importe quel groupe. Il va de soi que tous ces défauts dont on les charge ne leur correspondent pas du tout : les personnes douées seraient plutôt modestes, discrètes et surtout, elles ont tendance à douter très facilement d'elles.
Ceux qui se conduisent de cette manière outrancière cherchent maladroitement à en imposer aux autres par une assurance de façade qui n'a rien à voir avec les certitudes de la personne douée quand elle émet un avis dûment étayé par un raisonnement logique qui ne se permet aucun écart. Elle donne son avis à titre d'information ou pour faire avancer une discussion dans la direction qui convient, mais, en aucun cas, pour marquer une éventuelle supériorité. D'ailleurs, à moins de bien la connaître et de savoir qu'on peut se fier à son jugement, cet avis peut être mis en doute, souvent par ceux que cette rigueur d'esprit et cette justesse d'analyse agacent, alors que la personne douée ne cherche absolument pas à triompher par la clarté de son analyse. Elle sait qu'elle a raison parce que son bon esprit de logique la conforte dans sa conclusion.
Derrière l'assurance, le doute constant
L'expérience lui a appris qu'il était tout de même préférable de tempérer l'expression de son jugement par quelques réserves destinées à désamorcer les critiques : paraître trop sûr de soi est toujours risqué et attire les attaques… Toutefois, de nombreuses conditions doivent être réunies pour qu'un avis puisse être donné avec certitude : la moindre équivoque, la plus petite ombre dans l'exposé d'une situation peuvent fausser son approche. D'ailleurs, la propension des personnes à entendre ce qu'elles désirent entendre est surprenante. Elles comprennent autre chose en fonction de leurs centres d'intérêt ou de leurs préoccupations du moment et pensent, en toute bonne foi, que les propos de l'orateur leur donnent raison ou bien, au contraire, leur permettent de s'insurger, parfois avec véhémence, contre ce qu'elles ont cru entendre. De telles situations faussées peuvent aboutir à des querelles homériques alors qu'il s'agissait d'un avis, sans plus.
Quand une personne douée est tourmentée par des doutes, qui font partie de sa nature, elle est particulièrement fragilisée. Depuis toujours, elle a l'habitude d'emprunter des chemins solitaires de raisonnement, alors même qu'elle peut ne pas paraître assez hardie pour s'y risquer. Les enfants déjà émettent des remarques qui étonnent leurs professeurs et font rire leurs camarades : leur raisonnement les a entraînés loin alors que cet enchaînement leur paraît tout naturel. Ce raisonnement les a conduits bien au-delà des limites du sujet traité, mais ils ne se rendent pas obligatoirement compte que tout le monde n'accède pas aussi facilement à des notions plus complexes. (Processus qui n'a rien à voir avec ceux qui se réfugient dans un jargon inaccessible aux non spécialistes).
En suivant le fil de leur réflexion, parfois enrichie par leurs nombreuses lectures, ces enfants semblent d'une étonnante maturité d'esprit, leur vivacité d'esprit leur a permis d'intégrer quantité de données et d'utiliser ce savoir à bon escient. Il s'agit d'une démarche naturelle et non d'un désir de faire montre d'une quelconque supériorité.
L'humilité des enfants doués
Ce serait bien davantage l'humilité qui caractériserait les personnes douées, alors qu'on serait tenté, en théorie, de penser tout le contraire, puisqu'elles ont si souvent raison. Tout comme elles pensent n'avoir aucun mérite après une réussite, justement parce qu'elle a été atteinte trop facilement, elles ne voient pas cette spécificité comme une particularité rare et parfois même remarquable, car inusitée. Personne ne songerait à se vanter d'une démarche intellectuelle qui paraît banale. La solution est apparue comme une évidence, avec une clarté qui l'imposait, mais ce serait justement cette démarche spontannée qui finalement comporterait une faille par son naturel, tout était trop facile, il n'y avait même pas d'hésitation dans la voie à suivre. On est très loin de l'arrogance prêtée aux personnes douées, évidemment heureuses du résultat de leur raisonnement : c'est la satisfaction de l'élève qui réussit sa démonstration de mathématiques pour résoudre un problème plus ardu.
Quand l'humilité n'est pas comprise comme telle, le sentiment d'imposture peut s'immiscer dans ce mécanisme de pensée : c'est un heureux hasard qui a dicté ma démarche de pensée, il ne saurait se reproduire. On se plaît à imaginer une assemblée de personnes douées, une classe ou un groupe constitué selon un critère donné, personne alors ne s'étonnerait des idées originales, novatrices ou particulièrement subtiles des autres et personne ne serait tenté de considérer l'auteur de ces idées comme un être à part à considérer avec méfiance. Il pourrait même s'établir ce qu'on nomme une saine émulation, sans jalousie, sans rivalité, sans surenchère.
Le regard des autres
La confiance en soi dépend en partie du regard des autres : si les autres vous voient comme un puzzle mal ajusté, où les pièces ne seraient pas placées au bon endroit, cette confiance se délite et se transforme peu à peu en autodépréciation, d'autant plus que beaucoup ont tendance à oublier qui a trouvé la solution ou qui a eu une idée originale, par la suite tellement de personnes ont adopté ce point de vue qu'on ne sait plus très bien qui l'a trouvé en premier.
Conseils : il est bon de féliciter abondamment un enfant pour une réussite particulièrement délicate et difficile, sans oublier de mentionner l'effort qu'il a tout de même dû fournir, même s'il ne lui a pas semblé excessif. C'est ainsi qu'il pourra affronter des difficultés de plus en plus complexes en se fiant à son raisonnement sans jamais sous-estimer l'attention qui ne doit pas se relâcher. Son image sera plus solide et il avancera avec davantage de hardiesse sans se laisser entamer par des critiques injustifiées.