Tics et tocs chez les enfants doués

Quand l'enfant doué est à la recherche de lui-même, sans pouvoir se reconnaître véritablement dans les images qu'on lui renvoie, il risque d'être envahi par une inquiétude qu'il a du mal à définir et qui lui gâche sa joie de vivre.

Tics et tocs chez les enfants doués
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Alors qu'il éprouve tant de plaisir à découvrir toutes les merveilles que recèle l'univers, il ne comprend pas pourquoi les autres enfants semblent indifférents à la joie de la découverte et il ne comprend pas non plus pour quelles raisons on leur dispense un savoir tellement parcimonieux. Il est alors gagné par un sentiment de malaise que l'affectueuse sollicitude de ses parents ne parvient pas à dissiper. D'ailleurs il sent bien qu'ils sont inquiets, eux aussi, parce que l'école les appelle, la maîtresse leur fait part de sa perplexité face à un enfant qu'elle ne parvient pas à cerner. Il n'est pas agressif, mais il a du mal à se mêler aux jeux des autres enfants et il n'a pas d'amis. Par ailleurs, il est attentif en classe, il comprend bien et il serait plutôt bon élève. Seule, sa réserve excessive, serait le signe d'un dysfonctionnement, n'ayons pas peur des mots. Toutes ces remarques fortement teintées d'inquiétude entourent un enfant déjà incertain et le déroutent encore davantage. L'enfant doué perçoit sans l'ombre d'une hésitation le trouble de ses parents, il se sent plongé dans un univers mouvant sans pouvoir y trouver sa place. Il a alors impérativement besoin de se rassurer tandis que la parole des adultes qui devrait remplir ce rôle reste trop superficielle. Les paroles rassurantes de ses parents sont si manifestement dictées par un amour inconditionnel qu'elles en perdent leur crédibilité. La parole sociale aurait plus de valeur.

Il est difficile pour un si jeune enfant de se forger une défense, les pièces lui manquent pour se construire une armure. Il n'y songe même pas, il désire seulement se libérer de cette tension qu'il subit. Elle a commencé à peser de façon insidieuse, à mesure que les interrogations à son sujet se multipliaient et prenaient de l'ampleur . Il y a eu la maîtresse, puis le directeur lui-même qui ont parlé à ses parents. Il a entendu ses parents commenter ensuite entre eux ces échanges, tout en redoublant les marques d'affection à son égard. Il commence à se sentir responsable de leur embarras sans savoir comment l'apaiser, il est désolé de leur causer ces tracas supplémentaires. Alors qu'il désirerait tant les faire disparaître, il voit qu'ils prennent de l'ampleur puisque l'école devient insistante. Ce n'est pourtant pas de sa faute s'il ne trouve aucun centre d'intérêt commun avec les autres enfants de sa classe et si, eux, ne trouvent aucun intérêt à sa conversation. Les résultats de ses efforts en ce sens sont tellement dérisoires qu'il y a renoncé pour éviter un ridicule plus grand.

C'est alors qu'il commence à présenter des tics, tout d'abord très discrets : un léger raclement de la gorge que rien ne justifie apparemment, mais quelque chose doit le gêner pour qu'il cherche de plus en plus souvent à s'éclaircir la gorge. Il cligne aussi des yeux, plisse le front, on songe à des problèmes de vision, mais un examen approprié ne montre aucune anomalie. Ce besoin irrépressible échappe à tout contrôle, il provoque parfois des rafales de tics et la pression demeure, toujours trop lourde, impossible à alléger. Cet enfant ressent cette pression pesant sur lui, mais aussi sur ses parents, par sa faute semble-t-il, sans qu'il sache comment la faire cesser. Les tics sont l'expression de son malaise, mais ils ne font qu'aggraver la situation. Ils prouvent à l'évidence qu'il ne va pas bien du tout et qu'il s'agit peut-être d'un trouble plus grave que de simples difficultés d'intégration. Quelle puissance obscure aurait décidé de le rendre tellement différent des autres enfants ? Lui, qui adore lire toutes sortes d'histoires, est familier des génies, bons ou mauvais, des elfes, des fées et des sorcières. Il est raisonnable, il sait que ces êtres n'existent pas en dehors des contes, mais sait-on jamais… peut-être s'échappent-ils parfois des livres pour devenir réels et exercer leurs maléfices, surtout quand ils sont du côté du mal, les gentils restent dans leur univers. Quand il a du mal à s'endormir cet enfant laisse ces idées l'envahir, il est tout prêt à leur accorder une réalité puisqu'il faut bien trouver une explication rationnelle à cette situation de plus en plus dramatique qui échappe à son contrôle.

L'idée de conjurer ce sort funeste s'insinue bien malgré lui dans son esprit, mais aucun livre n'indique le moyen sûr pour écarter ces êtres malfaisants. Il faut inventer, trouver par soi-même un procédé efficace, comme il en existe pour écarter les moustiques ou les souris. Il sait qu'il ne peut pas en parler à ses parents, déjà assez embarrassés par son état car cela ne ferait qu'ajouter un sujet d'inquiétude de plus, parce qu'eux aussi ignorent sans doute ces procédés. Sinon, ils les auraient utilisés sans perdre de temps, mais peut-être n'ont-ils pas songé aux mauvais génies, il est donc inutile de leur mettre ces idées en tête, c'est à l'enfant seul qu'il revient d'agir, puisque c'est lui qui est à l'origine de ces tracas. Il va alors tenter toutes sortes de systèmes, les plus simples consistant en gestes répétés à des moments précis ou dans des situations précises, puis ces moments et ces situations se multiplient. Les gestes aussi qui prennent plusieurs formes, sans aucun succès, mais comment savoir si un arrêt de tous ces gestes ne risquerait pas d'empirer la situation. C'est une spirale vertigineuse qu'il est impossible d'évoquer, pour ne pas aggraver une situation échappant à toute raison. L'enfant doué qui cherchait un remède aux drames qu'il avait suscités bien malgré lui se trouve pris dans un engrenage dont il ne peut plus s'extraire. Mettre un terme à ses gestes conjuratoires pourrait peut-être provoquer des catastrophes plus terribles encore, évoquer ce sujet avec ses parents risquerait de les impliquer dans ce système de défense. L'enfant doué se sent plus seul que jamais face à des situations échappant à tout contrôle.

Conseils : il convient d'agir très rapidement, dès les premiers symptômes, sans se laisser impressionner par les remarques inquiétantes des pédagogues. Même si on hésite à faire passer un test, pour éviter de stigmatiser encore davantage son enfant en lui faisant passer un " examen " le résultat apporte généralement une grille de lecture lumineuse et incontestable. L'enfant se sent aussitôt apaisé quand il comprend pour quelles raisons il ne ressemble pas à ses camarades de classe et pourquoi il serait inutile et épuisant de se forcer. On lui fait rencontrer des enfants qui lui ressemblent, si c'est possible on le change d'école pour qu'il ne soit pas marqué par l'image déplorable qu'il donnait. Et surtout on reprend avec lui ces thèmes de bons et mauvais génies en les cantonnant à la littérature et on imagine avec lui, Ou bien on le laisse imaginer tout seul, après lui en avoir suggéré l'idée, une belle histoire de fée bienveillante qui illumine tout sur son passage.