Mère SOS : "on répare les petits bobos et grosses blessures"

L'association SOS Villages d'Enfants dévoile un métier peu connu, celui de "mère SOS". Muriel, qui l'exerce depuis 18 ans, raconte son quotidien auprès des enfants placés, qu'elle aide à grandir. Témoignage.

Mère SOS : "on répare les petits bobos et grosses blessures"
© Association SOS Villages d'enfants

Alors que la fête des mères approche, des "digitales moms", connues via la plateforme Instagram, travaillent en collaboration avec l'association SOS Villages d'Enfants, pour faire découvrir un métier peu connu, celui de "mère SOS". Ce travail, véritable vocation, Muriel l'exerce, depuis 18 ans maintenant, dans une commune du Nord de la France. Elle est la maman biologique d'un garçon, devenu grand, et mère SOS de 6 autres enfants. Elle raconte sa passion pour ce métier au service des autres. 

Métier de mère SOS, offrir aux enfants une vie normale

"Je suis devenue mère SOS un peu par hasard, en tombant sur une annonce dans le journal local", commence l'ancienne aide-soignante, alors en reconversion. La structure SOS Village d'Enfants accueille des fratries au sein d'un village dédié, composé de 12 maisons familiales, avec au centre des bureaux, des maisons communes, des professionnels de santé et d'éducation. Elle recueille des enfants dont les parents sont décédés ou dont les droits ont été soustraits par la justice pour protéger les petits. Pour leur offrir une enfance équilibrée au sein d'une cellule familiale, l'association embauche ces héroïnes, baptisées "mères SOS", dont le travail est de s'occuper de fratries comme s'il s'agissait de leurs propres enfants. Elles les chérissent au quotidien, les accompagnent à tous les rendez-vous médicaux, activités sportives, musicales... Elles vivent avec eux, les nourrissent (grâce à un budget fourni par la structure), les aident à renouer avec une vie "normale" à l'abri du danger, à réussir leur scolarité, et travaillent en étroite collaboration avec des éducateurs spécialisés chargés du suivi des enfants. Ce métier, Muriel ne le connaît pas lorsqu'elle tombe sur cette annonce, qui cherche une personne pour être "remplaçante" de mère SOS. Elle rencontre le directeur et fait un essai. "Ça a été une révélation", confie Muriel, qui ne quitte plus jamais cette fonction. A l'époque, son fils est petit. Lui et son mari l'accompagnent dans cette nouvelle vie, qui demande de vivre dans la maison familiale fournie par l'association trois semaines consécutives par mois. La dernière semaine est dite "de repos" pour la mère SOS qui est remplacée, avant son retour pour trois nouvelles semaines. "Vivre dans cet endroit est très important pour les enfants, c'est leur repère, ça ne bouge pas", reprend-elle. 

"On répare les petits bobos, mais aussi les grosses blessures"

"J'ai eu deux fratries en tout. Je les ai eu petits, ma première a déjà quitté le nid pour vivre sa vie. Les autres ont 7 ans, 8 ans, 11 ans, 14 ans, 16 ans", explique-t-elle. Ces enfants sont passés par l'Aide sociale à l'enfance (ASE), avant d'être placés ici. Elle en a eu dès tout bébé, qu'elle vu grandir. L'objectif des mères SOS est d'offrir une vie de famille lambda, "ils disent que je suis leur maman, ils me considèrent comme ça, même s'ils connaissent tout de leur histoire, bien sûr", précise-t-elle. Chaque jour, elle les emmène à l'école, fait les courses, leur prépare à manger, leur fait suivre les rendez-vous chez le psychologue ou tout autre professionnel de santé, comme n'importe quel parent. 

En tant que mère SOS, Muriel raconte être la garante de leur santé physique et morale. Mais souvent, ces enfants ont vécu de sacrées épreuves avant d'arriver chez elle. "Il arrive que des choses remontent, qu'ils explosent, qu'ils n'aillent pas bien. C'est à nous d'y faire face, on répare les petits bobos mais aussi les grosses blessures", raconte-t-elle. Pour y arriver, "il nous faut beaucoup de patience, de tolérance, et un peu d'autorité quand même. Mais surtout, beaucoup d'amour. Ça compte énormément". L'autorité est importante parce que les mères peuvent avoir jusqu'à 6 enfants sous leur toit, c'est le cas de Muriel depuis ses débuts. Elle peut faire appel à un éducateur spécialisé en cas de problématique trop lourde, mais le quotidien avec tant d'enfants demande de l'organisation et de la fermeté. "On a les deux casquettes : celle de la maman et celle du gendarme, il faut savoir concilier les deux. Je suis un vrai couteau suisse !" plaisante-t-elle. 

"En tant que mère SOS, il nous arrive d'être désarmées"

Si Muriel raconte surtout de belles histoires de vie avec ces enfants qu'elle a pris sous son aile, il lui est arrivé d'être confrontée à des situations sui l'ont dépassée. Elle se souvient d'avoir été débordée par une jeune fille sous sa garde, qui se mettait en danger et mettait les autres en danger. "C'était très difficile, je ne pouvais rien faire, j'étais impuissante. C'est un métier où l'on se remet tout le temps en question. On peut donner tout ce qu'on veut, mais parfois ça ne suffit pas. Il nous arrive aussi d'être désarmées. On en a discuté en commission et elle a finalement été réorientée vers un centre spécialisé. Cette situation est très rare car en général, lorsqu'ils nous sont amenés, c'est parce que l'ASE estime qu'ils peuvent s'adapter à cette vie et qu'on va pouvoir avancer ensemble", explique-t-elle. 

Concrètement, l'objectif est de permettre à ces enfants d'être autonomes le plus vite possible. De les amener vers une vie où ils pourront évoluer comme tout autre enfant, qui n'aurait pas vécu de situation familiale dramatique. "Ils peuvent être pris en charge depuis tout bébé et jusqu'à 18 ans. Lorsqu'ils atteignent la majorité, la prise en charge s'arrête en théorie. Parfois, ça va un peu plus loin s'ils ont besoin d'aide pour le début des études, 19 ou 20 ans", illustre Muriel. "Ensuite, on les dirige vers un studio, on ne les lâche pas dans la nature, on continue de les accompagner, mais plus de la même manière", raconte-t-elle. A ce moment-là, c'est difficile pour l'accueillante comme pour les enfants, "on se demande si on va les revoir, comme on n'est pas biologiquement leur parent. Cette séparation est compliquée, mais elle est travaillée avec le jeune, la structure et l'accueillante. Après plusieurs départs, on se rend compte que le lien perdure". Elle termine sur cette phrase : "le plus beau cadeau pour nous, c'est de les accueillir tout petits et de les voir s'envoler du nid. Là, on se dit : mission accomplie !"