"Forcer un bébé à manger en lui pinçant le nez"... Ces maltraitances en crèche font réagir

Couches souillées, bébés privés d'eau, de sommeil, qu'on laisse en pleurs jusqu'à vomir ou qu'on attache au radiateur... Dans un rapport, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dresse un constat alarmant sur la maltraitance des enfants dans les crèches. Depuis le 14 avril, une campagne lancée par le gouvernement a pour vocation d'informer le grand public concernant les métiers de la petite enfance.

"Forcer un bébé à manger en lui pinçant le nez"... Ces maltraitances en crèche font réagir
© Milkos-123RF

[Mise à jour du 14 avril à 10h19]. Le rapport de l'Inspection Générale des Affaires sociales (Igas) publié ce 11 avril fait froid dans le dos et inquiète de nombreux parents dont les enfants sont gardés en crèche. Si la plupart des établissements respectent le rythme des bébés, ce n'est pas le cas de toutes les crèches, dont certaines sont pointées du doigt, notamment par des témoignages de parents et de professionnels de la petite enfance. Privation de nourriture, d'eau (pour faire des économies et éviter de changer la couche), des bébés laissés en pleurs jusqu'à en vomir, ceux qui n'ont pas de place pour dormir dans un lit, comme les autres... L'Igas pointe du doigt de nombreux cas de maltraitance au sein des crèches. Après 8 mois de travaux et d'entretiens auprès de 36 établissements publics et privés en France, l'Igas recense certains établissements de qualité "très dégradée", des formations qui varient selon les établissements, une pénurie de professionnels de la petite enfance. 

Au lendemain de la publication de ce rapport effarant, le porte-parole du gouvernement a réagi sur France 2, déplorant un manque de personnel et d'attractivité du métier ainsi qu'un manque de valorisation, qui conduisent à des "conditions pour que la bientraitance ne soit pas toujours au rendez-vous". L'ancien ministre de la Santé a par ailleurs rappelé la promesse d'Emmanuel Macron de "créer 200.000 solutions supplémentaires d'accueil" dans le secteur de la petite enfance. De son côté, le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, doit annoncer des mesures au printemps, "Il travaille d'arrache-pied pour l'attractivité des métiers, pour la formation des professionnels, pour ouvrir de nouvelles places, sur la gouvernance avec les collectivités et sur les contrôles également", a assuré Olivier Véran. Ce 14 avril, le gouvernement a lancé une campagne baptisée "Les metiers de la petite enfance nous font grandir" qui a pour objectif d'informer concernant des métiers et de susciter des vocations.

Quels sont les cas de maltraitance dénoncés dans les crèches ?

Ce rapport s'appuie aussi sur des témoignages de parents et de professionnels de la petite enfance qui dénoncent un manque de prise en compte des besoins de l'enfant : absence de réponse aux pleurs, travail à  la chaîne et manque de personnel, non respect du rythme de l'enfant, manque de soin apporté aux enfants, humiliations, punitions et paroles dévalorisantes, et même des cas de forçage alimentaire ou de violences physiques. Les adultes interrogés relatent ces situations de maltraitance :

"Des enfants laissés en pleurs jusqu'à ce qu'ils s'endorment d'épuisement".

  • "Devoir choisir qui dormira dans un lit car il n'y a pas assez de lits pour tous au moment de la sieste", 
  • "Des professionnels qui ne changent pas les couches des enfants", des enfants oubliés sur les toilettes",
  • "Il y a quelques mois un bébé a vomi à force de pleurer parce que personne n'était disponible pour répondre à ses pleurs",
  • "Des enfants qui se réfugient dans le sommeil, qui pleurent longtemps car ils ont faim et s'endorment à bout de fatigue",
  • "Des enfants laissés en pleurs jusqu'à ce qu'ils s'endorment d'épuisement",
  • "Mettre des enfants de plus de 2 ans dans des chaises hautes pour qu'ils ne bougent plus",
  • "On leur imposait de rester dans leurs lits alors qu'ils étaient levés depuis un bon bout de temps et quelquefois on les laissait pleurer avec leurs couches souillées",
  • "Privation d'eau" ; "absence de changes" ; "manque de couches, manque de gants" ; "commande intentionnelle de repas en moins pour faire des économies",
  • "Laisser un enfant avec une couche souillée car ce n'est pas le moment des changes",
  • "Couches changées que 2 fois par jour, une fois avant la mise à la sieste et une fois avant l'arrivée des parents" ; "couches pas changées pendant plus de 5h",
  • "Ne pas donner à boire comme ça on change moins les couches",
  • "Collègues donnant des surnoms désobligeants à certains enfants : la grosse, le mal fagoté, le crade",
  • "Culpabiliser, humilier ou gronder en cas d'accident de propreté" ; "humilier les enfants qui ont eu un accident durant l'acquisition de la propreté,
  • "On isole un bébé de 6 mois en lui disant qu'il va pleurer pour quelque chose",
  • "Forcer un enfant à boire ou même à manger en lui pinçant le nez" ; " la directrice la forçait à manger à la faire vomir, j'ai vu la directrice lui redonner son vomi",
  • "Un verre d'eau jeté à  la figure d'un enfant.

Une campagne pour susciter des vocations

Ce 14 avril, le gouvernement lance une campagne de promotion des métiers de la petite enfance pour  susciter des vocations. Intitulée "Les métiers de la petite enfance nous font grandir ", elle plonge dans le quotidien de trois professionnels (Céline, assistante maternelle, Laura, auxiliaire de puériculture, et Karim, éducateur de jeunes enfants) et permet de découvrir toute la richesse et l'importance de ces métiers qui demandent des connaissances et compétences spécifiques. Ce film est diffusé du 14 au 30 avril sur les chaînes historiques et numériques et en digital. 

Quelles recommandations pour améliorer l'accueil des bébés en crèche ?

Pour mieux répondre aux besoins de l'enfant, l'Igas propose 39 recommandations pour le secteur de la petite enfance. Elle préconise notamment de garantir une présence effective et sécurisante auprès des enfants, d'améliorer l'aménagement intérieur et extérieur des locaux, renforcer la qualité d'accueil ainsi que la formation des professionnels de la petite enfance, mieux contrôler et alerter... Des mesures devraient être annoncées au courant du printemps dans le cadre du "service public de la petite enfance". 

Charlotte Caubel, secrétaire d'Etat auprès de la Première ministre, chargée de l'Enfance, a quant à elle réagi dans un tweet suite au rapport de l'Igas, en assurant qu'elle serait "vigilante à la mise en œuvre des recommandations et des contrôles".

Sources : Rapport de lIgas sur la qualité de l'accueil et prévention de la maltraitance institutionnelle dans les crèches, mars 2023.
Campagne "Les métiers de la petite enfance nous font grandir" : www.solidarites.gouv.fr