Hirokazu Kore-eda, un cinéaste à la recherche de LA VERITE

Un an après la sortie du drame "Une Affaire de Famille", Palme d'Or à Cannes en 2018, Hirokazu Kore-eda a posé ses valises en France pour tourner "La Vérité", en salles le 25 décembre. Retour sur un artiste à l'empreinte douce et singulière.

Hirokazu Kore-eda, un cinéaste à la recherche de LA VERITE
© Insidefoto/Sipa USA/SIPA

Il a l'art de la délicatesse, de la pudeur, de l'équilibre. Son cinéma, précis et méticuleux, chaleureux et universel, a l'évidence d'un haïku et la grâce des fleurs de cerisier qui défient le bleu du ciel. A 57 ans, avec quatorze long-métrage à son actif, le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda a mis la planète cinéma à genou, trustant régulièrement les plus grands festivals du monde. Palme d'Or en 2018 à Cannes pour Une Affaire de Famille, qui a mis en émoi le jury présidé par Cate Blanchett, le maestro a ouvert la dernière Mostra de Venise avec La Vérité, sa nouvelle réalisation, en salles le 25 décembre. Pour la première fois de sa carrière, il tourne hors du Japon et dans une langue étrangère. En l'occurrence, le français, puisque c'est à Paris qu'il a immortalisé sa réunion de famille avec, à sa tête, un duo totalement inédit : Catherine Deneuve et Juliette Binoche. La classe. 

"Comparé à mes films précédents, j'avais à cœur que celui-ci laisse un arrière-goût plus light, une note plus joyeuse… Je voulais que la relation mère-fille ne périclite pas en drame et qu'on ait le sentiment de tenir une lumière au bout du tunnel", explique l'intéressé. Ici, Catherine Deneuve incarne, dans un exercice miroir, une actrice qui s'apprête à publier ses mémoires tout en faisant face à une trajectoire artistique à bout de souffle et à la venue de sa fille (Juliette Binoche), une scénariste new-yorkaise avec qui elle entretient des rapports complexes, tissés par des non-dits et des réminiscences contraires. "Mon désir, malgré les thématiques, était d'investir un registre plus léger ; l'idée étant d'éviter de faire comme Ingmar Bergman dans Sonate d'Automne." Client des vérités douces, Kore-eda y explore les souvenirs qui, selon lui, une fois reconsidérés, permettent de réparer et construire une relation. 

Précisions familiales

Catherine Deneuve et Juliette Binoche dans "La Vérité". © Le Pacte

"Le fait qu'il y ait une prison derrière la maison de l'héroïne est un hasard intéressant car la mère et la fille sont prisonnières de leur passé. D'un point de vue métaphorique, ça tenait la route. J'ai choisi d'intégrer cette donnée dans l'intrigue", confie-t-il. Depuis ses débuts, avec une caméra s'apparentant à un scalpel, l'intéressé ausculte et dissèque sans relâche les mécanismes familiaux et les brisures intestines des personnages. On se souvient notamment du choc qu'avait été Nobody Knows, en 2004, dans lequel il portait à l'écran une histoire vraie : celle de quatre enfants abandonnés dans un appartement par leur jeune maman. On y décelait la maîtrise d'un grand peintre de l'enfance, capable de débusquer, sans effet de manche, toutes les fêlures qui accompagnent cet âge. Quatre ans plus tard, dans Still Walking, il embrassait un de ses motifs favoris : le deuil et la mort, déjà exploré dans After Life en 1998, à travers une réunion de famille en hommage au frère aîné, disparu dans une noyade.

Dans Tel Père, Tel Fils, en 2013, il met ses tripes sur la table en s'inspirant, d'une certaine manière, de sa récente paternité. Le Festival de Cannes pleurera devant cette chronique sociale dans laquelle un couple a élevé un enfant qui n'était pas le sien ; la faute à une erreur dans la maternité. Avec Une Affaire de Famille, il reste dans le sérail familial en questionnant la morale au sein d'une smalah qui vit de diverses rapines. A chaque fois, c'est un cinéma vivant, sensible, à hauteur d'homme, qui regarde la société et ses travers en en révélant les forces comme les défaillances. "Je fais du cinéma pour chercher la vérité. Mais, le véritable intérêt réside dans la quête elle-même. La quête, c'est la vie. Il faut continuer à s'interroger plutôt que de trouver la réponse rapidement", concède Kore-eda, avec une voix aussi douce que ses œuvres. Calme. Posé. Et discret. La preuve ? Sa Palme d'Or est rangée quelque part dans son bureau, à l'abri de tous regards.     

"La vérité // VF"