Catherine Deneuve : un cinéma libre et passionné jusqu'à La Vérité

Quelques mois après "Fête de Famille" de Cédric Kahn, Catherine Deneuve illumine l'écran dans "La Vérité", le nouveau long-métrage du japonais Hirokazu Kore-eda, en salles le 25 décembre. Depuis le début des années 2010, ses choix, libres et passionnants, dessinent un souffle enchanteur.

Catherine Deneuve : un cinéma libre et passionné jusqu'à La Vérité
© Le Pacte

Elle est confortablement installée à l'intérieur d'un salon, au coeur d'une maison parisienne cossue. Dans La Vérité, le nouveau long-métrage du réalisateur nippon Hirokazu Kore-eda, qui a fait l'ouverture du Festival de Venise en septembre dernier, Catherine Deneuve incarne Fabienne, une comédienne emblématique faisant partie du patrimoine culturel français. Un peu comme elle. La fiction rejoint, d'une certaine façon, la réalité. La mise en abîme est d'ailleurs immédiate puisque ce drame solaire s'ouvre sur une interview. Un journaliste se tient face à l'héroïne, laquelle, clope à la main, se livre, mi-blasée, mi-provocatrice. Notre Catherine (inter)nationale s'amuse ainsi, dès les premières minutes, à titiller la perception du spectateur, n'hésitant pas à jouer avec son image. Cette séquence, savoureuse et pleine d'esprit, cristallise à elle-seule ce qui la définit. A commencer par cette liberté de ton qui, devant l'écran comme dans la vie, a contribué à consolider son mythe.
Oui, Catherine Deneuve semble -pardonnez cet emploi un peu trop familier- ne plus en avoir rien à carrer de ce qui l'entoure.
Depuis le début des années 2010, plus que jamais, elle n'hésite pas à dire ce qu'elle pense et multiplie les projets aux contours singuliers, sans jamais se soucier de son image. Les réalisateurs, de tous horizons, se l'arrachent.
En 2010, elle est délicieusement géniale et à contre-emploi dans Potiche de François Ozon. Deux ans plus tard, elle s'en donne à cœur joie sous les traits de la reine d'Angleterre dans Astérix et Obélix : Au service de sa Majesté de Laurent Tirard. L'amusement et le plaisir semblent être le maître-mot de celle que beaucoup chérissent pour son humour et ce côté bonne camarade qui brûle la chandelle par les deux bouts.
Elle aime faire le pari de la jeunesse, donnant par exemple la réplique à Nekfeu dans Tout nous Sépare (2017), qui marquait les premiers pas d'acteur du rappeur, ou tournant (avec jubilation) devant la caméra de Kheiron dans Mauvaises Herbes (2018). 

Catherine Deneuve X Emmanuelle Bercot : la rencontre magique

Mais s'il est un nom qui va marquer sa dernière décennie, c'est celui d'Emmanuelle Bercot qui, à bien des égards, la réinvente en lui confiant le rôle principal d'Elle s'en va en 2013. Celui de Bettie. D'un coup, Catherine Deneuve disparaît tout entière derrière les traits d'une sexagénaire abandonnée par son amant, en déconfiture financière, qui prend la tangente pour mieux se retrouver avec elle-même. Deux ans plus tard, les deux femmes montent ensemble les marches cannoises, en ouverture, avec La Tête Haute.
Deneuve éblouit en juge des enfants face à la révélation Rod Paradot. "C'est une femme qui est très libre dans sa pensée, d'une grande intelligence. Elle est totalement elle-même avant d'être autre chose. Elle n'a pas ce côté postural d'actrice. Elle ne triche pas. Elle a commencé jeune et n'a jamais été pervertie par la célébrité", nous confiait récemment Bercot sur sa comédienne fétiche, qu'elle dirige une troisième fois dans De son Vivant (le tournage a été récemment suspendu en raison des problèmes de santé de Deneuve). 

Deneuve, s'amuser ? Oui. Mais toujours sérieusement

En dix ans, Deneuve a aussi -et surtout- privilégié les auteurs : Pierre Salvadori, André Téchiné, Jaco Van Dormael, Martin Provost, Julie Bertuccelli ou Cédric Kahn. "Sur un plateau de ciné, elle est toujours respectueuse du metteur en scène, qu'elle place en haute estime", expliquait Bercot. "C'est une voyageuse du cinéma. Après avoir travaillé avec elle, je continue à la trouver exemplaire. Elle vous oblige à un certain niveau, à être à la hauteur : c'est quelque chose qu'elle diffuse pendant le tournage", témoignait Cédric Kahn, qui l'a transformée en attachante cheffe de smalah dans Fête de Famille. A 76 ans, elle est, plus que jamais, cette indéboulonnable icône du cinéma qui fait trembler jusqu'aux détenteurs de Palme d'Or.
A l'instar de Hirokazu Kore-eda qui a eu cette idée géniale d'en faire la mère de Juliette Binoche dans La Vérité. Elle y brille de drôlerie et d'émotion. Surtout, ne rien changer à cette énergie, à cette volonté de s'affranchir des normes pour tracer une ligne bien à elle. Chapeau Catherine.  

"La vérité // VF"