Cédric Kahn livre les secrets de sa FÊTE DE FAMILLE

En salles le 4 septembre, "Fête de Famille" marque la onzième réalisation de Cédric Kahn. Un film choral à la fois grave et jubilatoire dans lequel Catherine Deneuve séduit en mère de famille dépassée par les querelles familiales.

Cédric Kahn livre les secrets de sa FÊTE DE FAMILLE
© Markus Schreiber/AP/SIPA

De Roberto Succo (2001) à Feux Rouges (2004) en passant par La Prière (2018), le cinéma de Cédric Kahn a toujours été une affaire sérieuse, comme en témoignent les sujets qu'ils traitent avec force et détermination : la vie d'un tueur en série, la précarité, l'endettement, la foi… Des thématiques souvent lourdes et marquantes. Cette fois, avec Fête de Famille, son nouveau long métrage, le cinéaste de 53 ans ose l'humour et la légèreté pour rendre sa réunion familiale –très houleuse au demeurant– plus équilibrée. Catherine Deneuve y incarne une mère de famille qui rassemble ses proches le jour d'un anniversaire qu'elle espère calme et festif. Seul problème ? La venue surprise de sa fille (Emmanuelle Bercot), totalement déterminée à récupérer une part du gâteau, face à deux frères que tout oppose (Cédric Kahn himself et Vincent Macaigne). Pour le Journal des Femmes, Cédric Kahn commente trois aspects de ce projet.   

"Fête de famille // VF"

Catherine Deneuve, cheffe de famille

"A l'écriture du scénario, j'avais déjà Catherine Deneuve en tête. C'est rare car je n'écris jamais en pensant spécifiquement à des acteurs. Pour moi, c'était à la fois la mère et l'actrice idéales : une convergence de ces deux idées. On la connait depuis tellement longtemps qu'elle est devenue familière pour nous tous. Elle est l'incarnation de la cheffe de famille. Je ne suis pas le champion des superlatifs mais j'ai une réelle admiration pour son parcours, que je trouve stupéfiant. C'est un exemple pour moi dans le sens où elle a toujours été moderne. A toutes les époques, elle a tourné avec les metteurs en scène les plus intéressants. C'est une voyageuse du cinéma. Après avoir travaillé avec elle, je continue à la trouver exemplaire. Elle vous oblige à un certain niveau, à être à la hauteur : c'est quelque chose qu'elle diffuse pendant le tournage. Elle est arrivée sur le plateau avec une curiosité pour la chose à faire, avec humilité, simplicité. Rien n'est fake chez elle. Elle ne triche pas. Si elle est là, c'est parce qu'elle le veut et qu'elle l'a décidé. Je suis fier d'avoir joué son fils. Elle était détendue et parmi nous. J'aime le fait qu'elle dise ce qu'elle pense sur tout, tout le temps. Elle est intimidante, c'est sa personnalité. Je crois d'ailleurs que ça serait pareil si elle était moins connue. Ça doit venir de sa propre timidité."

La peinture d'une fête de famille

"A chaque fois, je pars de quelque chose de personnel afin d'atteindre l'universel. Les films sont intéressants à l'endroit où ils sont casse-gueule. Je trouve que dès qu'il y a danger, il y a intérêt. (…) J'aime les réunions de famille autant que je les redoute. C'est délicieux et insupportable ; on se trouve très vite dans des positions particulières. On se définit toute notre vie contre ou pour la famille. On a un marquage qui vient des parents, de l'éducation et on se débat avec ça pendant des années. On ne la choisit pas tout comme on n'y choisit pas la place qui nous est allouée. Dans le film, tout se rejoue comme dans l'enfance avec le protégé, le malaimé, etc… C'est compliqué de sortir de ces schémas… C'est d'ailleurs sur ce mur qu'on bute souvent, celui de la redéfinition des choses. On s'y sent vraiment mieux que lorsque l'on arrête de vouloir rebattre les cartes. Je trouve aussi que c'est un lieu où il y a une lutte pour le pouvoir au sein de laquelle cohabitent, quasiment dans la même seconde, les mensonges et les vérités. La maison était un lieu essentiel. Je voulais qu'elle soit mystérieuse, belle mais un peu déglinguée, pour décrire une famille qui vit au-dessus de ses moyens et qui est dans le fantasme de son passé. J'ajoute que c'était un bonheur de diriger Emmanuelle Bercot. Elle a une façon instinctive de jouer. Ce qu'elle proposait était intéressant car rien n'était d'une couleur. Sa palette était grande. Elle était à la fois furieuse, puissante, fragile, vulnérable…"

Cédric Kahn : ses intentions de mise en scène

"Sur ce film, entra l'intention et l'action, ça a été très vite. Et ça a apporté de la tonicité à l'ensemble, quelque chose de l'ordre de la pulsion. C'est la première fois que le rôle des femmes est central dans un de mes films. En général, ce sont les hommes. Là, elles sont les protagonistes et les hommes sont un peu satellisés. Ça s'est fait tout seul. Et je me suis dit : 'Enfin, je vais pouvoir proposer le film à de grandes actrices !' J'écris plus facilement pour les hommes mais, bizarrement, je pense que je suis un meilleur metteur en scène pour les actrices. Je suis plus à l'aise avec elles, depuis toujours. (…) Les scènes de table, c'est comme de la chorégraphie. La difficulté est de gérer le groupe. C'est aussi beaucoup d'écriture pour donner un sentiment de liberté aux comédiens. Le faux arrive si l'acteur est trop livré à lui-même. Il faut que ça danse main dans la main. On refaisait souvent les prises pour avoir l'impression que tout le monde joue ensemble. Il y a un dispositif de théâtre, avec des actes, une unité de temps et de lieu, une partition précise pour chacun, mais sans l'emphase qui va avec. Je voulais par ailleurs absolument aborder le sujet par la comédie, rendre ce chaos plus ludique et que la tragédie nous prenne par surprise. En somme : un ton mal élevé sans jamais intellectualiser le propos, qui est celui de la position marginale à l'intérieur d'une famille."