Vivre à Lyon Lyon, ville des lumières

Lyon séduit de plus en plus. Et ne cesse de se renouveler. On s'y installe pour le travail ou sa douceur de vivre. Focus sur une ville attractive avec le magazine Eclectique.

Un parfum de printemps embaume les quais de Saône. Une lumière poudrée éclaire les façades ocre et roses du Vieux-Lyon qui prend des airs florentins. Elle effleure l'eau de la rivière et va se perdre sur les toits en cascades des collines. Une brise légère se faufile dans la chaussée des Carmes, cette volée de marches qui va de l'église Saint-Paul à la basilique de Fourvière. En contrebas, réhabilitation ou construction, les chantiers pullulent. De grands noms de l'architecture sont en train de donner à la ville un nouveau visage. "Lyon était belle, elle est devenue sublime", avait prévenu la styliste Nathalie Chaize, qui tient boutique à deux pas de la place Bellecour. En pionnier, Renzo Piano a dessiné La Cité internationale, brique rouge et verre bleuté, qui court entre le Rhône et le parc de la Tête d'Or.
Dans le centre, sur la place des Terreaux, Buren a posé ses rayures en dalles de grès hérissées de jets d'eau. Tout près, Jean Nouvel a coulé entre les murs de l'Opéra du XIXe une coquille de résine noire et recouvert le tout d'une verrière à l'éclairage avec les berges du Rhône. Autrefois sinistre parking, les voilà reconverties en une splendide coulée verte de plus de cinq kilomètres que prennent d'assaut les promeneurs. Les rives de la Saône attendent leur tour.

Ville ouverte

lyon, la ville des lumières, attire de plus en plus...
Lyon, la ville des lumières, attire de plus en plus... © Jean--Marc Foquet
Enfant du pays et joaillière de renom, Laurence Oppermann évoque ces années qui ont bouleversé sa ville. "Lyon était réservée. Elle s'est ouverte avec l'installation d'institutions internationales, Interpol, en 1989, puis Euronews en 1993. Le classement du quartier Renaissance au patrimoine de l'Unesco en 1995 a accéléré la métamorphose. On a commencé à y entendre parler des langues étrangères. Elle bénéficie d'une situation idéale, à deux heures de Paris, aux portes de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Italie et même de l'Espagne. Ce brassage a permis de mettre en lumière ses atouts et d'intégrer toute une population venue d'ailleurs." C'est un signe, aujourd'hui un Lyonnais sur deux n'est pas né ici. Lyon, il est vrai, ne manque pas d'arguments. Arrivée de Rome avec Euronews, Gardenia Trezzini avoue avoir ressenti "un véritable coup de foudre". Elle évoque dans la foulée la beauté d'une ville italienne, la proximité de la mer et de la montagne, la présence d'écoles et d'universités de pointe, la "branchitude", la gastronomie ("Le sujet de discussion favori !")... "L'offre culturelle est foisonnante, reconnaît-elle, le seul problème c'est qu'il devient difficile de trouver une place de théâtre !"

Une grande humanité

La nuit est tombée sur les Subsistances, gigantesque entrepôt de l'Armée devenu "laboratoire de création artistique en cirque, théâtre et danse". "Lyon a subi une considérable mutation, confirme Cathy Bouvard, responsable des lieux, mais elle a su conserver son âme. C'est une ville démocrate chrétienne, suffisamment grande pour que l'on s'y sente libre mais restée à échelle humaine. Elle peut paraître froide mais cultive toutes les fidélités. Elle propose une qualité de vie, une quiétude sans égale mais n'éprouve jamais le besoin de le revendiquer. Désormais, elle joue sur sa jeunesse, affiche une énergie nouvelle et une effervescence que l'on sent poindre dans tous les domaines." Comme pour célébrer sa résurrection, sa fierté toute neuve de ville attractive, Lyon communie désormais en de vastes rituels urbains de renommée internationale. Elle se laisse chaque année envahir par les beats électro du Festival des Nuits sonores, l'un des événements musicaux les plus en pointe d' Europe, qui attire plus de 80 000 personnes. Ses happenings des Biennales d'art contemporain comme ses éblouissants défilés des Biennales de la danse rompent de façon spectaculaire avec sa tradition de discrétion. Sans oublier la Fête des Lumières et de... la Vierge transfigurée en un vaste show d'éclairagistes qui embrase les façades, dessine les contours d'une nouvelle ville et draine des touristes du monde entier.

De la tradition à l'innovation

Dominant les quais de Saône, la Croix-Rousse, ancien quartier ouvrier, est devenu en l'espace de quelques années le QG des artistes, des étudiants et des jeunes créateurs. Construits au xixe pour loger les canuts (tisseurs de soie) et leurs imposants métiers, ces immeubles aux grandes fenêtres sont aujourd'hui très convoités. En haut de la colline, c'est le plateau squatté par la jeunesse dorée et les bobos. Il y règne une ambiance de village tandis que sur les pentes fourmillent galeries d'art, ateliers et bars sympas. Une pépinière de jeunes entreprises a pris ses quartiers au passage Thiaffait. Dans cette large traboule (passage couvert typique), une dizaine de couturiers, designers et joailliers sont accueillis en résidence, coachés pendant 23 mois. "Notre chance, intervient Isabelle Gleize, directrice de ce ?Village des créateurs?, c'est de posséder encore tous les savoir-faire, mais surtout de disposer de réseaux solides et précieux de professionnels." "C'est par Sauze, vice-présidente à la Communauté urbaine du Grand-Lyon. Elle est riche de ses industries historiques, textile, bijouterie, automobile, biotechnologie, mais dispose d'une capacité à inventer, à créer bien au-delà de ses pôles de compétitivité. Cette fameuse culture des réseaux qui date de la nuit des temps lui permet de faire s'asseoir des gens à la même table, dans une vraie communauté d'esprit et de destins."

Révolution en cuisine

Bocuse reste le roi, les bouchons d'antan font salle comble

Incroyable ! Même pour la cuisine, Lyon a ouvert ses fenêtres et accueilli des affranchis des réseaux traditionnels. Bien sûr, Bocuse reste le roi, les bouchons d'antan font salle comble et Matthieu Viannet, à 41 ans, a repris le flambeau de la Mère Brazier. Mais, à deux pas, rue Royale, Akira Nishigaki venu de Kyoto esquisse une savoureuse fusion franco-nippone dans son tout petit "Ourson qui boit", pendant que son compatriote Katsumi Ishida dirige "En mets fait ce qu'il te plaît" en déchaînant l'enthousiasme. "Peut-être le meilleur cuisinier de Lyon", dit-on. A quelques encablures, Nicolas le Bec et son concurrent Guy Benayoun au DoMo, dans des cadres terriblement design, s'amusent, avec talent et succès, à détourner les incontournables... Ils ont été les premiers à poser leurs marques à Confluence, une pointe où s'épousent le Rhône et la Saône. Toute une histoire racontée par Rabia Enckell, architecte et urbaniste. Le lieu était dévolu aux prostituées, aux abattoirs, aux prisons et au Marché Gare. Un no man's land coupé du reste de la ville par un infranchissable échangeur routier et ferroviaire.
On peine à y croire aujourd'hui face à ces immeubles aux lignes ultramodernes, signés par les meilleurs architectes européens. Passerelles, verdure et larges allées, un quartier entier est en train de sortir de terre, tendant un miroir inversé au reste de la presqu'île qui aligne, pudiquement, de l'autre côté des voûtes, ses rues étroites, ses passages dérobés, ses hauts immeubles. "Ici, l'architecture rejoint l'art", constate la jeune femme. "Lyon a compris qu'une ville avait besoin d'une image forte pour émerger. A travers l'architecture, la restauration du patrimoine, l'art contemporain, l'innovation économique, elle s'est désembourgeoisée, s'est construit une image nouvelle", conclut dans un sourire Céline Melon-Sibille, à l'initiative de "Arty, l'amour de l'art". "Une terrible beauté est née", n'était-ce pas le thème de la dernière Biennale d'art contemporain.

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