Discrimination à l'embauche : Mieux vaut s'appeler Julien que Mohammed

Selon les conclusions d'une étude publiée le mois dernier, les plus importantes entreprises françaises pratiqueraient la discrimination à l'embauche. Difficile d'être recruté lorsque l'on porte un patronyme étranger...

Discrimination à l'embauche : Mieux vaut s'appeler Julien que Mohammed
© NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Alors que Marlène Schiappa avait réuni ministres, députés et acteurs associatifs le 6 février pour discuter de la discrimination à l'embauche en France, le gouvernement a épinglé sept entreprises françaises pour "présomption de discrimination à l'embauche", malgré l'opération lancée par le gouvernement en 2016. Une opération de testing avait été lancée entre novembre 2018 et janvier 2019 et démontrait que les noms et prénoms étrangers avaient 20% de chance en moins qu'un patronyme à consonance européenne d'obtenir un emploi. Les résultats avaient tardé à être publiés, sans doute parce qu'ils mettent en cause les plus grandes entreprises des secteurs industriels et tertiaires: Air France, Accor, AltranRenault, Rexel et Sopra Steria.

"20 à 30%" de différence entre un patronyme français et un patronyme étranger

Une première version de l'étude avait été révélée par France Inter en janvier. Près de 18 000 candidatures fictives ont été adressées à des entreprises dans six régions de France. A chaque fois, deux candidatures étaient envoyées, une au nom de Julie Garnier, l'autre de Mohammed Chetou. Les résultats de l'enquête sont frappants. "Julien Garnier, par rapport à Mohammed Chetou, on est sur des différences de 20 à 30%" explique Yannick l'Horty, économiste et coordinateur de l'étude.

L'économiste de l'Université Paris-Est-Marne-la-Vallée détaille les conséquences pour les candidats discriminés : " Ce sont des différences importantes, qui font que ça va être beaucoup plus compliqué d'accéder à un entretien d'embauche, puis de trouver un emploi. On a aussi fait d'autres campagnes dans lesquelles on a testé d'autres origines : les pénalités les plus affirmées sont plutôt pour des patronymes qui suggèrent une origine d'Afrique subsaharienne. On a des pénalités un peu moins fortes pour les candidats d'origine maghrébine et encore un peu moins forte pour les candidats d'origine asiatique".

La méthodologie de l'étude est remise en question.

Le gouvernement reconnaît cependant que les résultats de l'enquête sont à nuancer. Certaines candidatures ont été envoyées à des managers alors que certaines entreprises ont "recours à des bases centralisées par les directions RH (ressources humaines) et à des ATS (Applicant tracking system), c'est-à-dire une application ou une solution web qui assiste les RH "dans les étapes du recrutement, précise BFM TV. D'autre part, certains employés de grandes entreprises épinglées font partie d'organismes de sous-traitance.

Les firmes accusées de "présomption de discrimination à l'embauche' ont réfuté les conclusions du testing, à l'exception de Renault (qui n'a pas encore donné de réponse), en se déclarant "indignées" par les "faiblesses manifestes de la méthodologie utilisée (échantillonnage et ciblage), qui aboutit à des conclusions erronées".